Belécole : du français pour les Tchèques, du tchèque pour les Français
Rencontre cette semaine avec Sébastien Boschat, directeur de Belécole, une école de langue spécialisée sur l’enseignement du français et du tchèque.
Bonjour Sébastien Boschat, je vous laisse vous présenter…
« Bonjour, je m’appelle Sébastien Boschat, je suis français, originaire de la région Champagne-Ardennes. Je suis arrivé en République tchèque, qui était encore la Tchécoslovaquie, en 1991. Je suis arrivé en Moravie et j’ai trouvé que le pays était intéressant. Et comme beaucoup, je suis resté, j’ai travaillé à l’alliance française de Brno, puis à l’alliance française de Plzeň. Je suis arrivé en 1997 à Prague où j’ai travaillé à l’Institut français de Prague. Je l’ai quitté il y a trois ans pour monter Belécole, une école de langue spécialisée dans l’apprentissage du français, et aussi du tchèque pour un public francophone. »
Qu’est-ce qui vous a poussé à lancer Belécole et est-ce que c’est compliqué de monter une école de langue à Prague ?
« Premièrement, sur le plan personnel, lorsque je travaillais dans les alliances françaises, j’ai toujours concilié l’enseignement et d’autres activités comme l’organisation de spectacles, de vernissages. Et ce côté-là me manquait énormément. J’avais donc envie de faire quelque chose. Après avoir fait une étude de marché sur les écoles pragoises, et fort de mon expérience, j’ai pu remarquer que la plupart des écoles à Prague s’était concentrées sur l’apprentissage de l’anglais. Bien sûr, l’anglais est une langue extrêmement développée en République tchèque, comme partout, et les écoles ont proposé beaucoup de cours d’anglais. Et elles ont à mon avis un peu délaissé le français, et d’autres langues un peu moins importantes. C’était dans une logique commerciale. Je me suis donc dit qu’en attaquant le marché sur un produit de qualité, vraiment fait sur mesure sur cet apprentissage de la langue que je connais bien, cela pouvait être viable. Alors, est-ce que c’est difficile de monter une école de langues ? L’économie tchèque est une économie assez libérale. On peut monter une petite structure, ça ne demande pas beaucoup d’argent, ça ne demande pas beaucoup d’administration, contrairement à ce que certains disent. C’est assez rapide. Mais ceci étant fait, il faut ensuite rester sur le marché. »Vous parlez de ce marché. Il est vrai qu’en République tchèque, et particulièrement à Prague, il y a énormément d’écoles de langues. Comment réussit-on à se maintenir, à faire son trou sur ce marché ?
« Il y a environ une cinquantaine d’écoles de langues à Prague qui proposent des cours de français. C’est vraiment énorme. Après la révolution de velours, on a vu que c’était un marché porteur. Les Tchèques avaient enfin le pouvoir de partir à l’étranger et forcément d’apprendre ne serait-ce que les bases d’une langue. Que ce soit l’anglais, l’allemand ou le français, les gens ont appris des langues. Je me souviens à Brno en 1991, les gens n’hésitaient pas à ouvrir une école de langues dans leurs propres maisons avec deux ou trois classes, et ils cherchaient des professeurs. Maintenant le marché s’est vraiment professionnalisé. Il existe encore ces petites écoles de quartier, mais ce sont surtout maintenant de grosses écoles, bien structurées. Certaines disparaissent. Disons que j’ai fait preuve d’opportunisme en ouvrant une école de langue, une de plus. Mais la particularité de Belécole est d’être sur un secteur bien précis. Et je pense et j’espère que c’est cela qui fera sa force. J’ai déjà vu des petites écoles qui proposent une trentaine de langues. Je ne pense pas que ce soit la solution idéale. »Comment constituez-vous votre corps professoral ? Qui sont les professeurs qui travaillent pour vous ?
« Premièrement, il y a les professeurs tchèques. Il faut louer le professionnalisme des professeurs. Je redis – et ça fait un peu ancien combattant – lorsque je suis arrivé il y a vingt ans, il n’y avait pas forcément un grand professionnalisme. Maintenant, les professeurs tchèques ont vraiment un côté professionnel, ont séjourné pour la plupart dans des pays francophones pendant quelques années, sont diplômés d’un master de FLE [Français langue étrangère] ou autre. Vraiment, ce sont des gens qui connaissent leur métier. Pour les professeurs français, il y a des professionnels qui viennent parce que Prague est une ville attirante. Ils veulent travailler ici et cherchent des écoles de langue. Il faut ensuite vérifier ses capacités pédagogiques, son sérieux, et je dirais son ouverture au monde. Je dirais qu’un bon professeur n’est pas forcément quelqu’un de super diplômé mais quelqu’un d’ouvert et de patient. La dernière catégorie, ce sont les baroudeurs, des gens qui sont arrivés à Prague, quelque fois pour des raisons sentimentales – c’est assez classique. Et ils se disent qu’ils sont français et qu’ils peuvent vendre leur langue. Il faut faire très attention. Il faut être très exigeant parce que c’est une partie de la population qui peut à la fois décevoir, donc décevoir les étudiants et faire une contre-publicité qui peut être néfaste à notre image. Mais ils peuvent révéler aussi de très bonnes surprises. »
Vous est-il arrivé d’envoyer des professeurs de tchèque en France ?
« L’enseignement du tchèque en France se développe de plus en plus en France. J’ai fait une étude de marché pour un projet et je vois que dans chaque grande ville se trouve un ou une Tchèque qui propose ses talents pour donner des cours, souvent individuels. Mais il y a aussi les universités, comme celle de Nancy, celle de Rennes, bien sûr celle de Montpellier qui accueille beaucoup de Tchèques mais aussi beaucoup d’autres nationalités et qui est réputée pour ça. Je pense que c’est le tchèque est une langue qui intéresse à la fois les gens qui aiment les langues, l’Europe centrale, et simplement qui ont envie. Je pense notamment aux personnes qui ont des parents ou des grands-parents tchèques qui ont émigré en France et qui aimeraient apprendre la langue. »
Quels sont les projets de Belécole ? Peut-être d’autres langues ?
« On est en train de mettre en route des cours destinés aux francophones qui aimeraient apprendre une autre langue et qui n’ont pas envie de passer par une tierce langue comme l’anglais, qui auront des professeurs également francophones à même d’expliquer de façon simple la grammaire etc. Le deuxième gros projet qui me tient à cœur, mais qui demande un gros investissement financier, c’est de faire du e-learning, l’apprentissage du tchèque en ligne, pour tous les gens dans le monde qui veulent apprendre le tchèque. »