Tomáš Špidlík, un cardinal bâtisseur de ponts

Tomáš Špidlík

C’est ce jeudi 17 décembre 2009 que le cardinal Tomáš Špidlík fête ses 90 ans. Ce théologien, philosophe et écrivain d’origine tchèque est aujourd’hui une des personnalités les plus respectées du Vatican. Malgré son âge de patriarche, ce jésuite considéré comme un grand connaisseur de la chrétienté de l’Est, poursuit ses activités de chercheur et de vulgarisateur et ne pense pas au repos.

Tomáš Špidlík
C’est un vœu du cardinal Špidlík qui s’exauce aujourd’hui. Il voulait vivre jusqu’à 90 ans parce que, selon ses dires, « à partir de cet âge il n’y a que peu de gens qui meurent encore ». Le sourire espiègle ne quitte pratiquement jamais ce vieux prélat et c’est à son fameux sens de l’humour qu’il doit sa popularité et probablement aussi sa longévité. Malgré son âge vénérable, il garde toujours quelque chose de cet enfant qui est né dans une famille pauvre le 17 décembre 1919 à Boskovice. Aujourd’hui encore son parler n’a pas perdu les doux accents de Moravie.

Bien qu’il ne puisse pas prétendre à son âge à la tiare des souverains pontifes, sa renommée au Vatican est tout simplement indiscutable. Parmi ses amis il y a aussi eu le pape Jean-Paul II et c’est au cardinal Špidlík qu’a été réservé l’honneur de prononcer l’exhortation finale juste avant le début du conclave réuni pour élire le pape actuel. L’œuvre de ce théologien, philosophe et professeur dans les universités de trois continents est large et variée. Un des thèmes auxquels ce penseur couvert d’honneurs et de titres honorifiques revient souvent dans ses discours est le rôle de l’Europe dans un monde divisé par des antagonismes:

«L’Europe a été divisée à partir du Xe siècle en deux parties. Et quand le conflit semblait inévitable c’est les Slaves qui se sont glissés au milieu. Il leur fallait choisir s’ils appartiendraient à l’Est ou à l’Ouest. (…) C’est à Rome qu’on a réalisé que les Slaves pourraient jeter un pont entre l’Est et l’Ouest. Malheureusement le monde était déjà tellement divisé que les Slaves eux-mêmes se sont divisés en deux branches – celle de l’Est et celle de l’Ouest.»

Selon le cardinal Špidlík les peuples slaves n’ont pas encore dit leur dernier mot dans les efforts mis en œuvre pour surmonter les antagonismes de notre civilisation. Il estime, je cite, que les Slaves « pourraient apporter une force vitale à ce qui faiblit. » L’Europe elle-même est appelée, d’après le cardinal, à jouer un rôle important dans ce processus:

«Aujourd’hui la question se répète, le monde est divisé en blocs Est et Ouest et toute l’Europe ressemble en quelque sorte à la Grande Moravie du début du deuxième millénaire. Elle doit choisir sa future position ou elle se scindera en deux comme se sont jadis scindés les peuples slaves. Nous devons être conscients du fait que l’Europe a une grande mission à accomplir aussi dans la réconciliation de ces deux mondes.»

Le cardinal Špidlík a expliqué et développé ses idées dans de nombreux livres dont notamment « L’idée russe » et « La spiritualité de l’Est chrétien». Il vit depuis 50 ans en Italie tout en affirmant qu’il se considère toujours comme tchèque. Même dans les années 1950 marquées par l’oppression stalinienne il a entretenu le contact avec son pays par des émissions à Radio Vatican. Sous le communisme ses écrits livrés clandestinement en Tchécoslovaquie apportaient une nourriture spirituelle à de nombreux chrétiens tchèques vivant derrière le rideau de fer. Depuis la chute du communisme en 1989 il se rend relativement souvent dans sa patrie tout en poursuivant son œuvre de bâtisseur de ponts.