La révolution vue 20 ans après par deux des principaux leaders

Václav Havel, photo: Pavel Štecha

La révolution de velours était tchécoslovaque, nous entendrons donc dans cette émission spéciale 20e anniversaire un Tchèque et un Slovaque. Pas n’importe lesquels puisqu’il s’agit de deux des principaux leaders de cette révolution de velours qui a mis fin au régime communiste : le dramaturge tchèque Václav Havel et l’acteur slovaque Milan Kňažko. On terminera en musique, avec Marta Kubišová, l’interprète d’une chanson qui marquera le début et la fin de la normalisation de la Tchécoslovaquie, période qui s’étend approximativement de 1969, après l’écrasement du printemps de Prague, à la révolution pacifique de 1989.

17 novembre 1989 : une semaine après la chute du Mur de Berlin, une manifestation étudiante est violemment réprimée par les forces de l’ordre dans les rues de Prague. Cette date, aujourd’hui officiellement désignée jour de la lutte pour la liberté et la démocratie dans le calendrier tchèque marque le début de la fin du régime totalitaire. Václav Havel, encore dissident à cette date, sera élu président à peine plus d’un mois plus tard :

« Il y a vingt ans, en Tchécoslovaquie, une boule de neige sous la forme de la répression féroce d'une manifestation d'étudiants s'est muée en avalanche. Et tout le système totalitaire en fut ébranlé, s'effondrant tel un château de cartes. Cela, il faut l'attribuer à bon nombre de facteurs, parmi lesquels la profonde crise interne dans laquelle était plongé le régime, les événements dans les pays voisins ou une conjoncture internationale favorable. »

« Quoi qu'il en soit, nous fûmes étonnés par la rapidité et la facilité de ce retournement. Face à lui, il s'est avéré que les dissidents étaient aussi perplexes que les journalistes et politologues de l'Ouest. A notre tour, nous nous montrions incapables de prendre la juste mesure de la situation, et, en définitive, de prévoir leurs conséquences éventuelles. Nous cherchions à nous comporter en hommes libres, à dire la vérité, à apporter un témoignage sur la situation dans notre pays. Nous n'aspirions pas au pouvoir. »

L’acteur slovaque Milan Kňažko a pris la tête du mouvement démocratique à Bratislava :

« Le 17 novembre à Bratislava, il n’y a pas eu de ‘massacre’ comme à Prague, mais des jours et des semaines avant il y avait déjà des jeunes dans les rues, des gens qui se rassemblaient pour demander un dialogue avec les autorités... »

Václav Havel : « Faute d'alternative, ce pouvoir nous l'avons accepté, avec embarras. Or, au même moment, il s'est produit une chose intéressante : bon nombre de ceux qui, pendant des années, avaient marché au pas sans mot dire, de même que bon nombre de ceux qui avaient jugé nos efforts gratuits, se sont mis à nous reprocher d'être mal préparés à jouer notre rôle dans l'Histoire. Aujourd'hui encore, d'aucuns montent en épingle tout ce que nous aurions dû faire et que nous n'avons pas fait, de même que tout ce que nous n'aurions pas dû faire, et que nous avons fait. »

Le 29 décembre 1989, Václav Havel est élu par les députés du parlement tchécoslovaque toujours composé de députés communistes et présidé par Alexander Dubček, symbole du printemps de Prague finalement écarté de la magistrature suprême pour des raisons qu’expliquent l’acteur Milan Kňažko :

« Finalement c’est Ján Budaj et moi qui avons dû dire à Alexander Dubček qu’il ne serait pas président. Il a pleuré, il était très émotif... Il m’est difficile de dire ce que je dis maintenant mais il n’a pas suffisamment refusé l’occupation. Il s’est soumis... Ambassadeur en Turquie : mais enfin ! »

Marta Kubišová,  Václav Havel et Milan Kňažko  (à droite) à Bratislava en Novembre 1989,  photo: CTK
Václav Havel : « Personne n'aurait pu prédire si une boule de neige fortuite saurait, un jour, provoquer une avalanche. Cet état d'esprit n'était pas, bien évidemment, le seul ni même le principal moteur de notre comportement d'alors, mais tel était notre sentiment. La leçon que l'on peut en tirer est évidente : on ne devrait jamais présumer d'avoir saisi toutes les lois historiques et, par conséquent, d'être en mesure de prédire ce qui va se produire. »


« Que la paix règne dans cette contrée,

que la méchanceté, la jalousie et l’animosité,

la peur et la rancune s’estompent.

Le moment est venu

où le peuple reprend entre ses mains

la gestion des affaires

qui sont les siennes… »
:

Ces paroles sont celles de la chanson interprétée par la Tchèque Marta Kubišová en 1968, juste après l’écrasement du Printemps de Prague. Cette chanson lui a valu d’être interdite de scène pendant une vingtaine d’années, jusqu’à la révolution de velours de 1989. Au micro de Radio Prague, Marta Kubišová a raconté quelques uns de ses souvenirs.