Claire Le Bris-Cep: La Révolution de velours, ces journées de liesse
C’est par un souvenir de la réaction de son père à l’invasion soviétique en Tchécoslovaquie en 1968 que Mme Claire Le Bris-Cep, fille de l’écrivain tchèque exilé Jan Čep, a remporté le dernier concours de Radio Prague. Lors du récent séjour de Mme Le Bris-Cep en Tchéquie, nous lui avons demandé de partager avec nous ses souvenirs de la Révolution de velours et de la chute du communisme en 1989 :
Aviez-vous envie de reprendre les contacts avec la patrie de votre père?
«Oui, oui, bien sûr. C’était très rapide. Certaines de mes cousines sont venus à Paris pour la première fois. Moi aussi je suis revenue ici. Cela a été formidable même si, matériellement, ce n’était pas toujours possible de faire le voyage. Même si on a la liberté de le faire, on n’a pas forcément les moyens financiers. Mais le fait de savoir qu’on pouvait venir et se parler au téléphone facilement sans avoir peur d’être sur écoute, c’était extraordinaire… »
Quand êtes-vous venue pour la première fois en Tchécoslovaquie et quelle impression cela vous a-t-il fait ?
«Alors, la première fois, j’avais 14 ans. C’était en 1969 et j’ai été accueillie par mon oncle Václav qui parlait très bien français, couramment. Il m’a donc aidé lors des premiers contacts. Je suis partie tout de suite en Moravie, et alors là je me suis trouvée avec mes oncles et mes tantes et personne ne parlait français. Ils étaient tellement contents de me voir. On n’arrivait pas à communiquer avec les mots mais, je ne sais pas, tout de suite un courant est passé. (…) A Prague, je parlais et ne faisais pas attention à ce que je disais et mon oncle était obligé de me dire :’ Chut, parle moins fort ! », même quand nous parlions français ensemble. Je me souviens, par exemple, qu’une fois dans le tram il m’a dit : ‘Chut, tais-toi, tais-toi!’ Il m’a raconté que même chez lui, quelquefois, il avait peur qu’il y ait des micros dans l’appartement. Je ne sais pas dans quelle mesure cette peur était justifiée, mais c’était très impressionnant de me dire que même dans la rue il fallait faire attention à ce qu’on disait.»
Vous avez donc visité la Tchécoslovaquie avant et aussi après la Révolution de velours. Quelle est la différence?«Alors c’est, comme je viens de dire, cette possibilité de pouvoir crier dans la rue son opinion, de pouvoir dire un tel homme ne me plaît pas. C’est presque un regret de voir qu’il y a des McDonald à tous les coins de rue, que Camaïeux, HM sont exactement la même chose qu’à Paris. En même temps, je me souviens des vitrines de magasins d’avant la révolution. Je me souviens aussi d’avoir fait les courses avec une de mes tantes. Je lui ai demandé : ‘Qu’est-ce que tu veux acheter? et elle m’a dit: ‘J’en sais rien. Je veux acheter ce que je vais pouvoir trouver.’ Et cela m’a fait vraiment un drôle d’effet. Bon, et maintenant on peut trouver tout ce qu’on veut. Prague après la Révolution de velours était devenue tellement plus gaie, tellement plus colorée et il y avait une joie de vivre que je n’avais jamais ressentie avant. C’est aussi dû probablement au fait que les bâtiments ont été rénovés et colorés. Voilà c’est de la couleur, c’est de la joie que je n’avais jamais trouvées avant.»