Zdeněk Rotrekl, la vie d’un indomptable
C’est à Zdeněk Rotrekl que le ministre tchèque de la Culture Václav Riedlbauch a remis, ce lundi, le Prix national de la Littérature de cette année. Cette distinction braque les feux de l’actualité sur une œuvre littéraire de qualité, mais aussi sur l’itinéraire de cet homme d’une grande force intérieure et d’une rare intégrité.
«Je devais encore passer le dernier examen de mes études à la faculté de lettres. (…) Une semaine avant l’examen une communiste déguisée en étudiante de la faculté m’a apporté un formulaire de demande d’inscription au Parti. Alors je me suis mis en colère et je l’ai chassée.»
Lors qu’il se présente, quelques jours après, devant la commission d’examen, Zdeněk Rotrekl apprend qu’un coup de téléphone d’un haut dignitaire du Parti a interdit à ses professeurs de lui permettre de finir ses études. Et lorsqu’il insiste, on l’envoie demander des explications au doyen de la Faculté:
«Je suis donc allé voir le doyen, c’était le professeur Štibic. Quand je lui ai dit ce qui m’était arrivé, les larmes lui sont montées aux yeux, mais c’est tout ce qu’il a fait. Alors je suis parti en claquant la porte. Et je n’ai passé cet examen qu’en 1968, donc vingt ans après.»Poète, prosateur, essayiste, publiciste, historien de la littérature et scénariste, Zdeněk Rotrekl est l’auteur d’une œuvre vaste et multiforme. Né en 1920, il entre dans la littérature vers 1940 avec des vers marqués par l’influence du poète František Halas et des spiritualistes catholiques. Bientôt il se verra réduit au silence par un régime qui ne tolère que la littérature asservie. Arrêté en 1949, il est condamné à mort dans un procès manipulé, mais sa peine est finalement commuée en prison à vie. Il passera treize années en prison et dans les mines d’uranium, mais ne se laissera pas briser et poursuivra une œuvre interdite de publication. Sa poésie est pleine d’allégories, d’imagination baroque, d’invocations religieuses et d’innovations linguistiques. Après l’occupation soviétique de son pays en 1968, il s’engage dans le mouvement dissident et encore en 1989, après la chute du communisme, il se lancera dans la publication d’une revue littéraire.
Parmi ses œuvres on cite notamment le recueil de poésies «Une ville sans murs», le roman «La lumière vient dans le noir», et le recueil de récits, d’essais et de pièces pour la radio intitulé «Un paysage suspect avec des anges». Il raconte sa vie pleine de paradoxes, de coups du sort, de souffrances et de victoires dans ses Mémoires dont la parution est toujours attendue et auxquels il a déjà donné le titre «Les nids de l’arbre qui s’en va». C’est sans doute sa vie, cet itinéraire d’homme indomptable, qui est et restera son véritable chef d’œuvre.