Václav Klaus : Pourquoi sommes-nous mécontents ?
Le 17 novembre prochain, vingt ans se seront écoulés depuis le jour qui a donné le coup d’envoi des événements que l’on a pris l’habitude d’appeler la Révolution de velours. D’ores et déjà, réflexions, souvenirs, commentaires ou analyses se penchant sur la période qui s’est écoulée depuis la chute du communisme dans le pays se multiplient dans les journaux.
« Je ne me tromperai pas en constatant que, vingt ans après la chute du régime communiste, si longtemps rêvée et espérée, un nombre important de nos habitants sont de nouveau en proie à la désillusion, au pessimisme et à un certain scepticisme. Le monde n’est pas ce qu’ils auraient souhaité qu’il soit et leur condition personnelle ne répond pas à leurs aspirations. »
La vulgarité et l’agressivité de la scène politique nationale, la bureaucratisation de la vie quotidienne, le comportement apparemment égoïste de représentants politiques, l’incertitude sociale, la perte du sentiment d’une élémentaire sécurité personnelle, l’adoration publique des pop stars et des célébrités tout genre confondu, l’enrichissement douteux de certains individus ou encore l’actuelle crise financière et les phénomènes néfastes accompagnant la récession économique : telles sont d’après Václav Klaus les principales raisons du mécontentement et de la désillusion au sein de la société, qui peuvent faire croire que notre chemin vers la liberté et la démocratie a mal tourné. Cette conviction serait d’ailleurs nourrie par les médias, les intellectuels et certains politiciens.
Le chef de l’Etat tient à se distancer de cette optique et dit « ne pas vouloir l’accepter ». Selon lui, il faut d’abord éviter de confondre le monde d’illusions, de rêves et d’expectations irréelles avec le monde tel qu’il est. « Le monde occidental et donc le monde qui est désormais le nôtre n’est pas un modèle utopique », écrit-il et de poursuivre :
« Sous le communisme, nous avions pris l’habitude de porter un regard simplifié sur la société occidentale. A défaut de sa connaissance authentique, nous ignorions ses imperfections, ses petits défauts et injustices… Ce n’est que maintenant que nous pouvons y goûter pour apprendre, aussi, que cette société a son envers. »
Vaclav Klaus consacre également une grande place à l’actuelle crise économique qui représente pour lui « un phénomène temporaire qui réapparaît périodiquement » et qui donc ne devrait pas donner lieu « à nos désillusions ou à notre méfiance à l’égard du système en tant que tel ». Il développe son idée en écrivant :
« Cette évolution cyclique est à l’opposé de ce que nous avons connu pendant les quarante années de « socialisme réel ». A l’époque, nous avons presque tous pu bénéficier, ne serait-ce que de façon formelle, de différentes certitudes sociales, mais en revanche nous étions privés de liberté, toutes les démarches dans la société étant dirigées du centre. On est censé dire que ce système dirigé centralement vivait une crise permanente ».
Les problèmes que le monde occidental affronte aujourd’hui seraient dus à ce qu’il « s’éloigne rapidement et de façon dramatique des idéaux de liberté, de libre marché des marchandises, des idées et des possibilités ». Vaclav Klaus va jusqu’à déclarer que cette situation serait causée en partie par le fait que ce monde a adopté certains défauts du « socialisme réel ».
Le chef de l’Etat dénonce dans ce contexte les tendances des médias à attiser et maximaliser le mécontentement voire les désillusions qui existent au sein de la société tchèque. Il considère que ceux-ci ne font qu’approfondir ces positions et sentiments, se contentant de les décrire au lieu de les analyser ou de développer une réflexion sérieuse à leur sujet. C’est dans cette logique qu’il fait remarquer :
« Il n’y a aucun doute que si, au début de la crise financière, les médias n’avaient pas prôné l’alarmisme, la chute économique n’aurait pas été aussi profonde qu’elle l’est aujourd’hui. ».
En conclusion, Václav Klaus tient à souligner une nouvelle fois qu’il faut tenir compte finalement du fait que l’Occident, dont la Tchéquie fait partie, n’est pas un paradis.
« L’Occident est un monde difficile et très concurrentiel. C’est un monde où s’imposent les intérêts des individus, de différents groupes sociaux ou autres, ainsi que des Etats. Le combat est dur, parfois dramatique, et si l’on veut réussir, on doit se comporter avec beaucoup d’envergure, ce qui n’est pas toujours le cas. »
Fidèle à lui-même, Václav Klaus se montre dans ce contexte critique. Il écrit :
« Les efforts et les démarches de nombreuses forces politiques et des gouvernements du monde occidental dont nous sommes aujourd’hui les témoins visant à « calmer » le public par des injections financières non couvertes (et qui répondent aux intérêts politiques et de puissance de courte haleine des élites politiques au pouvoir) ne feront qu’approfondir l’état actuel et entraîneront à l’avenir de nouveaux problèmes économiques, peut-être plus graves encore ».
Et Václav Klaus de conclure sur un ton rassurant : « L’Occident est comme il est. Mais même si le temps n’est pas au beau fixe en ce moment, cela ne veut pas dire que l’on doive s’en prendre au temps en tant que tel ».