Bohdan Holomíček, photographe décalé
Jusqu’au 13 septembre, les très prestigieuses Rencontres de la photographie d’Arles présentent « Holomíček-Havel, Destins complices ». Une exposition retraçant une partie du travail que Bohdan Holomíček, photographe autodidacte, a consacré à capter le milieu de la dissidence tchécoslovaque, notamment autour de la figure de son ami, Václav Havel. A l’origine de la découverte de Holomíček en France, un homme, Paul Cottin, de l’association bretonne GwinZegal.
« Je l’ai rencontré il y a très longtemps. Lors d’un séjour à Prague j’ai vu une petite exposition de Bohdan Holomíček, ça m’a tout de suite intrigué. J’ai réussi à le contacter par une amie. Je suis allé chez lui et j’ai découvert un grand photographe. »
C’est ce qui vous a décidé, dans le cadre de votre association, à éditer un catalogue ?
« La première chose que j’ai faite, c’est que je l’ai exposé en France, il y a douze ans. Ca a eu un assez beau succès. Les gens ont découvert vraiment un personnage assez singulier. Ensuite j’ai fait tourner cette exposition en France, dans trois, quatre lieux différents, à la suite de quoi j’ai produit un premier catalogue. Par la suite, quand je suis allé régulièrement chez lui pour consulter ses archives qui sont immenses, j’ai aussi découvert l’autre partie, celle qui concernait son implication dans la dissidence, comme ami et voisin de Václav Havel à côté de Hrádeček. J’ai donc voulu faire une exposition particulière autour de ce travail-là. »
Pourriez-vous dresser un portrait de Bohdan Holomíček ?
« Ce que je trouve étonnant, déjà, c’est d’avoir mené de front son travail de photographe, alors qu’il n’était pas professionnel et qu’il devait le faire en plus de son travail quotidien pour gagner sa vie. Il y a ensuite sa manière d’être avec les gens qu’il photographie, mais en même temps avec cette petite distance qui lui permet d’être aussi un oeil averti. Il est à la fois dans l’action et légèrement décalé, ce qui est étonnant et singulier. Il y a peu de photographes capables d’avoir cette position. La chose également étonnante, c’est qu’il est un autodidacte complet. Mais il a une écriture qui rappelle certains grands photographes. Certaines images sont proches de ce que peut faire Robert Franck. Et en même temps il a gardé ce contact très direct avec les gens. »
A l’heure actuelle, ses photos de Václav Hável sont exposées aux 40es Rencontres photographiques d’Arles. C’est un événement prestigieux. Une reconnaissance tardive ?
« Je pense que c’est une reconnaissance importante pour Bohdan. C’est au contraire le début de la découverte d’une œuvre. Découverte pour de multiples raisons : parce que Bohdan a travaillé jusqu’à encore quelques temps, donc n’a pas eu le temps nécessaire pour se plonger dans ses archives qui sont extraordinaires. De toutes les façons, je pense que c’est quelqu’un qui veut rester dans la vie concrète. Il n’a pas envie qu’on fasse des rétrospectives sur lui. Il reste très proche de ce qui se passe autour de lui aujourd’hui, notamment au théâtre qu’il photographie. »
Quand l’avez-vous rencontré ?
« Il y a douze ans, mais à l’époque sa manière d’exposer était étonnante. Et il continue de le faire aujourd’hui. Il photographie désormais en numérique donc il a adopté la projection comme système d’exposition. Il projette ses photos dans les endroits où il expose. A l’origine il les punaisait directement sur les murs. Ses photos avaient toujours un format A4 qu’il accrochait au mur en bandes très serrées. Il pouvait aller exposer là où les gens le lui demandaient. Il n’avait aucune exigence du point de vue du lieu. Ce qui lui importait c’était le contact qui se créait autour de ces images. C’est une manière étonnante mais qui fait du bien dans le monde actuel où l’image est devenue un objet parfois un peu spéculatif. »