Une Iranienne à Prague depuis plus de vingt ans (1è partie)
Première partie aujourd’hui d’un entretien réalisé avec la journaliste iranienne basée à Prague, Golnaz Esfandiari :
« Bonjour, je suis Golnaz Esfandiari, je suis Iranienne, née à Téhéran et je vis à Prague depuis plus de vingt ans, et je travaille pour Radio Free Europe, Radio Europe Libre en français. Je parle français parce que j’ai fait l’école franco-iranienne à Téhéran, une école qui a été fermée après la révolution mais j’ai pu suivre des cours par correspondance. »
Dans quelles circonstances avez-vous quitté l’Iran ?
« C’était très dur de vivre en Iran, c’était après la révolution et à la fin de la guerre entre l’Iran et l’Irak. Il n’y avait pas beaucoup de libertés pour les gens, et être jeune en Iran à cette époque – maintenant aussi – n’était pas facile. Je suis venue à Prague en 1989 pour faire des études. J’ai passé quelques jours à Prague et après je suis allée à Podebrady où j’ai passé neuf mois pour apprendre le tchèque. Je suis ensuite revenue à Prague et j’ai fait des études de psychologie à l’université Charles de Prague. »
1989, c’était avant ou après la révolution de velours ?
« En fait c’était juste avant, fin 1988. Je me souviens des manifestations dans les rues de Prague. »
Pourquoi avoir choisi la Tchécoslovaquie à l’époque ?
« J’avais envie de quitter l’Iran. A cette époque - et encore maintenant – c’était difficile pour les Iraniens de voyager et d’avoir un visa pour l’Europe ou les Etats-Unis. Ma mère voulait que j’aille en France parce que je connaissais déjà la langue et qu’on avait de la famille là-bas. Mais moi, j’avais envie d’aventure. On avait un ami de la famille qui faisait du business avec les Tchèques et qui m’a raconté plein de choses. J’avais lu beaucoup de livres, j’adorais Kundera. J’étais aussi très intéressée par la parapsychologie et j’avais entendu dire qu’ils faisaient des recherches ici. En plus pour moi c’était très exotique à cette époque : un pays communiste où il n’y avait pas d’Iraniens, je trouvais ça super ! Pas de gens pour m’embêter, j’étais jeune... et c’était très facile d’avoir le visa et pas trop cher à l’époque. »Quel est votre premier souvenir de Prague ?
« Je pense que c’est la nourriture, que j’ai détestée immédiatement (rires) ! Et une fois au restaurant un ami d’un ami m’a demandé ce que je voulais boire. Quand j’ai répondu que je voulais de l’eau, il m’a dit qu’ici l’eau on se douchait avec mais qu’on ne la buvait jamais... »
Vous avez depuis appris à aimer la bière tchèque ?
« En fait je préfère le vin... »
Revenons à l’année 1989 : vous venez d’arriver ici et commence la révolution de velours. Comment avez-vous vécu ces événements ?« C’était très excitant et intéressant pour moi. J’allais sur la Place Venceslas pour regarder ce qui se passait. Des gens me conseillaient de ne pas y aller parce que c’était dangereux mais je suis heureuse d’avoir vécu un événement historique. Je suis repartie en Iran au milieu pour revoir ma famille parce qu’il n’y avait plus de cours ici, mais quand même c’était très très intéressant. »
Etiez-vous davantage intéressée par ce qui se passait ici ou par ce qui se passait dans votre pays ? 1989 c’était la révolution de velours ici et la mort de l’ayatollah Khomeini en Iran...« Cela m’intéressait bien sûr, mais j’étais déjà très loin... même dans les pensées. Mais je parlais souvent à ma famille qui me racontait tout ce qui se passait en Iran à cette époque. C’était la fin de la guerre et la mort de Khomeini... »
Quels souvenirs vous reste-t-il de ces années d’études et de résidence universitaire à Prague ?
« J’ai beaucoup de très bons souvenirs et des mauvais aussi. Je me suis fait beaucoup d’amis ici, des étrangers surtout : des Africains, j’ai des copines de Mongolie, de Finlande, de partout... c’était très intéressant de faire la connaissance de gens de plein de pays et d’apprendre à connaître leur culture. Bon, la résidence universitaire était sale, les chambres étaient petites mais c’était gai, on faisait la fête tous les soirs, on sortait tout le temps... J’ai beaucoup aimé en fait. Et puis c’était très intéressant pour moi de voir la vie des Tchèques changer petit-à-petit après la chute du communisme, de voir comment les jeunes s’ouvraient au monde et de voir la réaction de gens qui n’étaient pas contents... »
Plus de 20 ans après votre première arrivée, Prague vous plaît-elle toujours ?« Prague est une très très belle ville. Prague me plaît mais maintenant c’est surtout mon boulot qui est au centre de ma vie... Je passe beaucoup de temps au bureau et je n’ai pas beaucoup le temps de sortir. »
On parlera de votre travail plus en détails dans la suite de cet entretien, la semaine prochaine.