Hypnos : les artistes plongent dans l’inconscient
C’est dans le cadre de la manifestation Lille 3000 qu’est visible jusqu’au 12 juillet l’exposition intitulée Hypnos au Musée de l’Hospice Comtesse. 1900, date de parution à Vienne de l’Interprétation des rêves de Sigmund Freud est la date de départ de l’exposition consacrée à la notion d’inconscient qui s’achève en 1949. A côté des Picasso, Man Ray, Arp, sont présentés de nombreux artistes tchèques. Entretien avec Savine Faupin, la commissaire de l’exposition.
« Nous avions l’idée de travailler sur ce thème de l’inconscient dans la première moitié du XXe siècle, de voir comment les artistes se sont appropriés cette notion d’inconscient. Le point de départ de cette exposition, c’est qu’au Musée d’art moderne, nous avons une collection d’art moderne et d’art brut. Cette notion d’inconscient est là, aussi bien dans les oeuvres modernes que dans les oeuvres d’art brut qui ont interrogé aussi bien les artistes que les psychiatres, les médecins, dans la première moitié du XXe siècle. »
Sur le site de l’exposition, vous parlez du particularisme du cubisme tchèque par rapport à d’autres formes du cubisme. En quoi est-il particulier et en quoi recouvre-t-il ce champ de l’inconscient dont traite l’exposition ?
« Je connaissais un peu les oeuvres cubistes tchèques, mais peut-être qu’en France on a plus mis en avant l’architecture cubiste de Prague, et moins cet aspect très différent du cubisme de Picasso ou Braque, qui est la place de l’effroi, de l’angoisse, de l’inquiétude, de la mort aussi. C’est une chose qu’on met en avant dans l’exposition et on confronte ces tableaux avec un tableau de la collection du musée, une peinture de Picasso qui représente un homme nu assis. C’est un sujet surprenant chez Picasso car ce n’est pas un sujet courant. C’est un tableau dont émane une sorte de mystère, d’inquiétude. Il est face au Prométhée d’Antonín Procházka. On se rend compte qu’il y a eu ce regard des artistes de Prague sur les artistes parisiens, une très bonne connaissance de la déconstruction cubiste et une totale réinterprétation en fonction de sujets qui leur sont propres. Je pense aussi au Pendu de Bohumil Kubišta : c’est un sujet qu’on ne trouve pas ailleurs... Ou l’Angoisse de Gutfreund. Ce sont des oeuvres extrêmement prenantes. Un autre thème nous a beaucoup étonnés : l’intérêt pour ces cubistes de Prague pour les pratiques spirites ou leurs connaissances des pratiques des psychanalystes ou psychologues de l’époque comme l’hypnotisme. »
Comment expliquez-vous cet engouement pour ces choses surnaturelles ? Je sens que ce type de pratiques est très ancré dans cette époque...
« Dans l’exposition, on met pas mal en avant le spiritisme autant pour le début de la chronologie de l’exposition, les années 1900-1920. Il y a une certaine permanence dans les années 1940. Ca s’explique par pas mal de choses : quand le spiritisme se répand depuis les Etats-Unis vers l’Europe au milieu du XIXe siècle, il y a un intérêt pour les recherches scientifiques extrêmement fort et il y a une proximité entre les pratiques spirites et les recherches scientifiques. Au moment de la Première Guerre mondiale, il y a de nouveau un développement de ces pratiques spirites en raison du nombre de morts. Des personnes qui ont perdu des proches veulent retrouver un lien avec les disparus. On retrouve ça au moment de la Deuxième guerre. Je pense particulièrement à des dessins tchèques que nous présentons. Il y a des dessins de 1905-1908. Et après des dessins des années 1939-1945. Ce sont des oeuvres étonnantes. »