Jan Sokol, officier de la Légion d’honneur

Jan Sokol

Le philosophe tchèque, ancien dissident, ancien signataire de la Charte 77, Jan Sokol a été décoré de la Légion d’honneur. Francophone, francophile, il a entretenu des liens étroits avec les cercles philosophiques français et traduit de nombreux ouvrages... Il est revenu sur les origines de son histoire d’amour avec le français :

Jan Sokol
« C’est très simple. Mes parents étaient boursiers en France dans les années 1920-30. Ils se sont même rencontrés là-bas. Quand j’étais petit, on m’a poussé à apprendre les langues, ma première langue étrangère a été le français que je n’aimais pas à l’époque ! Mais mes parents étaient autoritaires : j’ai dû apprendre, ce dont je leur suis reconnaissant car ce n’est qu’après que j’ai découvert les vrais trésors de la culture française. »

Vous avez traduit beaucoup d’auteurs français, et notamment vous avez découvert et fait connaître des auteurs moins connus. Comment les avez-vous découvert et qui sont-ils ?

« Quelques uns oui, quelques uns c’est soit mon beau-père Jan Patočka qui les a découverts ou recommandés comme Raymond Ruyer. Je l’aime beaucoup. Il me semble que c’est dommage qu’il ne soit pas plus connu en France. C’est un auteur à la limite de la science et de la philosophie. C’est la plus belle manière de comprendre la philosophie moderne pour qui n’est pas philosophe. Un autre de mes amis a découvert, à la suite de Patočka, Fustel de Coulanges. Son livre remonte à il y a plus de 150 ans, mais c’est aussi pour moi un auteur important. »

Pourquoi pensez-vous que ces auteurs ont été un peu laissés de côté en France ?

« Ruyer n’était membre d’aucune école idéologique. Quand je l’ai traduit, nous avons eu une correspondance. C’était déjà un vieil homme. Il se plaignait de ne pas percer parce qu’il n’était ni marxiste ni existentialiste... »

Ce qui était difficile dans une France qui a toujours très idéologisée au niveau des intellectuels...

« Oui, le milieu intellectuel, parisien en particulier, était pas mal idéologisé... »

Pour terminer, vous avez donc eu une grande activité de traduction. On dit parfois que ‘traduire, c’est trahir’... Quelle est votre manière d’envisager le travail de traduction ?

« Je n’ai malheureusement plus le temps de traduire aujourd’hui. C’était le privilège de l’époque communiste, on revenait du travail l’après-midi et après on avait du temps libre. La traduction est un moyen à mon avis excellent d’apprendre la langue à partir de laquelle on traduit en même temps que sa propore langue... Quand nos grands-parents ou nos ancêtres il ya 200 ans ont voulu reconstruire, revivifier la langue tchèque, ils ont tous fait des traductions. Nous avons ainsi huit ou neuf traductions de Shakespeare du XIXe siècle, parce que les Tchèques voulaient montrer que le tchèque est une langue capable d’exprimer la même chose. C’est pourquoi nous l’avons introduit à l’école : nos étudiants de premier cycle ont tous à traduire un petit livre. »