Le « -ová » des noms de famille au féminin (1ère partie)

Madame Klausová et Václav Klaus

Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague – Ahoj vám všem, milovníkům češtiny Radia Praha ! Vous le savez si vous nous écoutez ou nous lisez régulièrement et attentivement, la langue tchèque possède pour particularité de « féminiser » les noms de famille en ajoutant le plus souvent le suffixe « ová » lorsque ces noms sont portés par des femmes. Ainsi, l’épouse du président de la République, monsieur Klaus, s’appelle madame Klausová, et celle de son prédécesseur, Václav Havel, madame Havlová. Nous allons donc entamer une nouvelle petite série d’émissions afin d’essayer de comprendre un peu mieux pourquoi il en est ainsi. Pour cette fois, nous verrons donc d’abord, à travers un exemple, quelle est l’utilité de cette règle et de cet usage de la langue tchèque.

Les Tchèques eux-mêmes le savent bien : la langue tchèque possède certaines difficultés avec l’emploi des noms de famille étrangers, et plus particulièrement avec les noms féminins. Ces problèmes proviennent du fait que ces noms de famille doivent être déclinés comme n’importe quel autre nom commun. Cela s’avère souvent indispensable pour bien comprendre le sens d’une phrase. Une des autres particularités de la langue tchèque, par rapport au français par exemple, est en effet de disposer d’un ordre des mots dans la phrase relativement libre. Ainsi, le sujet peut très bien se situer en première ou en dernière position dans une phrase, cela ne change rien au sens de celle-ci. Cela est rendu possible grâce aux cas, au nombre de sept, qui permettent les déclinaisons, et aux genres des mots, au nombre de quatre (masculin animé, masculin inanimé, féminin et neutre). Grâce aux terminaisons des mots, selon que ceux-ci se terminent par un « -o », un « -a » ou une autre lettre, les Tchèques reconnaissent facilement s’il s’agit d’un nom masculin, féminin ou neutre. Du moins pour ce qui est des noms tchèques. Car pour le reste, et notamment donc pour les noms étrangers, c’est parfois moins évident.

Rafael Nadal,  photo: CTK
Pour bien comprendre, prenons l’exemple d’une information sportive. Un journaliste tchèque peut tout aussi bien choisir de titrer « Federer porazil Nadala » ou « Nadala porazil Federer ». On le constate : dans le premier titre, on possède une phrase composée d’un sujet, puis d’un verbe et d’un complément. Dans le second titre, on est en présence d’une phrase où, inversement, le complément se trouve à la première place et le sujet à la dernière. Pourtant, le sens des deux titres est tout à fait identique, à savoir « Federer a battu Nadal ». Cela est donc possible parce que le nom de Nadal a été décliné comment on le voit et l’entend avec la terminaison « a » qui nous donne Nadala. Il s’agit là du quatrième cas, de l’accusatif, mais ce n’est pas l’essentiel pour cette fois. En revanche, ce qui est essentiel est que grâce à cette déclinaison, on sache qui a battu qui.

Roger Federer,  photo: CTK
Intéressons-nous maintenant à la même phrase mais avec deux noms féminins étrangers. Disons par exemple, toujours pour rester dans le tennis, qu’une des sœurs Williams a battu Amélie Mauresmo. En tchèque, avec le suffixe « -ová » ajouté aux deux noms, ceux-ci deviennent Williamsová et Mauresmová. Et le titre du journaliste tchèque se transforme donc en « Williamsová porazila Mauresmovou » ou en « Mauresmovou porazila Williamsová ». Comme pour l’exemple précédent avec Federer et Nadal, ici aussi, dans un cas comme dans l’autre, le sens des deux titres ne laisse place à aucun doute : c’est bien Williams qui a battu Mauresmo. On le comprend aussi parce que le nom de Mauresmo a été décliné. Si cela n’avait pas été le cas, cas de figure impossible s’il est fait bon usage des règles de la grammaire tchèque, la phrase aurait été incompréhensible mais aussi tout simplement fausse.
Serena Williamsová,  photo: CTK
Mais cette déclinaison de Mauresmo n’est rendue possible que justement parce que le suffixe « -ová » a été ajouté au nom. En effet, si Williams et Mauresmo avaient conservé en tchèque leur forme initiale, alors cela nous aurait donné « Williams porazila Mauresmo » ou « Mauresmo porazila Williams ». Il serait ainsi devenu totalement impossible de savoir qui a battu qui, puisque, comme nous l’avons expliqué précédemment, l’ordre des mots n’est pas arrêté. Dans la phrase « Williams porazila Mauresmo », il est impossible de reconnaître si Williams est le sujet ou le complément et inversement pour Mauresmo. Et c’est là une grosse différence avec le français où on dira toujours « Williams a battu Mauresmo » en respectant l’ordre sujet – verbe – complément. Si Mauresmo se retrouvait en première position, alors cela signifierait que c’est elle qui a battu Williams. Ou alors il faudrait dire « Mauresmo a été battue par Williams » mais ce n’est alors plus tout à fait une phrase identique à l’initiale puisqu’elle est tournée à la forme passive. Et en tchèque, cela nous donnerait « Mauresmová byla poražena Williamsovou »… Tout un programme !

Dès la semaine prochaine, nous nous intéressons à d’autres aspects de cette problématique de la langue tchèque qu’est l’emploi du suffixe « -ová » pour les noms de famille féminins. D’ici-là, portez-vous du mieux possible – mějte se co nejlíp !, portez le soleil en vous – slunce v duši, salut et à bientôt – zatím ahoj !