Violences de Litvínov : l’échec de l’intégration des Roms et la montée du nationalisme
Les violents affrontements qui ont mis aux prises 600 partisans de l’extrême droite et 1 200 policiers, lundi, à Litvínov, en Bohême du Nord, ont mis en exergue quelques-uns des principaux problèmes auxquels est aujourd’hui confrontée la société tchèque. Les débordements de la manifestation ont une nouvelle fois fait apparaître au grand jour la réalité de la cohabitation problématique entre la majorité blanche, ou non-rom, de la population et la minorité rom. Un constat qui, à la lumière des événements de Litvínov, s’accompagne de la confirmation de la montée en puissance du nationalisme.
« Il faut comprendre que la majorité des gens qui habitent dans la cité sont aujourd’hui vraiment désespérés, confirme le maire adjoint de Litvínov, Martin Klika. Ce désespoir explique qu’ils sont prêts à saisir toute occasion qui puisse les aider. De notre côté, à la mairie, nous nous efforçons de faire le plus possible. Avec les propriétaires des immeubles, nous préparons une revitalisation de la cité. Mais c’est aux ministres de résoudre le problème qui se pose par exemple à Janov et de prendre les décisions que nous réclamons depuis plusieurs années. Jusqu’à présent, ils se sont contentés de se rendre sur les lieux mais personne n’a jamais proposé de mesures concrètes. »
C’est un fait : deux communautés aux habitudes, au style de vie complètement différents et aux conditions sociales opposées vivent l’une à côté de l’autre. Une situation que l’on retrouve principalement dans les régions de Bohême du Nord et de Moravie du Nord, comme en témoignent les divers incidents régulièrement relayés par les médias.Ce phénomène s’accompagne d’une recrudescence du nationalisme. Si la République tchèque est un des rares pays en Europe où les partis d’extrême droite sont quasiment inexistants sur la scène politique, les manifestations d’organisations radicales comme celle du Parti ouvrier lundi ont toutefois tendance à se multiplier et à gagner en ampleur depuis quelque temps. L’immense majorité de la population est pendant longtemps restée sourde et indifférente aux slogans racistes, mais aujourd’hui, ces mêmes slogans semblent récolter un certain écho dans certaines zones sensibles, comme à Litvínov.
« Il n’existe pas de solution simple à court terme, observe le politologue Miroslav Mareš. Bien entendu, une des solutions serait de supprimer les ghettos roms et les problèmes qui sont liés à leur existence, mais c’est plus facile à dire qu’à faire. Il est également nécessaire d’être plus intransigeant dans la lutte contre la criminalité rom ou ethnique et d’isoler le noyau dur des extrémistes qui organise les violences. Enfin, sur le long terme, il faut que l’Etat mette en place une politique qui n’engendre pas de tensions interethniques. C’est l’affaire des municipalités mais aussi du gouvernement et des forces de l’ordre. »
En réaction aux affrontements de Litvínov, le ministère de l’Intérieur a fait savoir qu’il envisageait d’interdire le Parti ouvrier. Une décision qui ne résoudrait cependant en rien l’inefficacité du processus d’intégration de la communauté rom. Une intégration qui se révèle être un échec total, comme le constate le sociologue Ivan Gabal :
« Ces localités exclues se sont formées au cours des quinze dernières années. L’opinion publique s’attendait à ce que le processus d’intégration, pour peu qu’il se mette en marche, nécessite plusieurs dizaines d’années. Le problème est qu’il n’a jamais commencé et que la conception et les divers projets de l’agence gouvernementale n’ont absolument mené à rien. C’est pourquoi je pense que le Premier ministre devrait prendre les décisions qui s’imposent à la lumière de ce qui s’est passé à Janov. »En janvier dernier, la nouvelle agence gouvernementale pour l’intégration sociale dans les localités roms avait lancé son action, en ciblant notamment douze zones sensibles, dont Litvínov ne fait pas partie. L’objectif officiel de cette agence est de transformer les ghettos roms de telle manière à les faire disparaître ou à y améliorer sensiblement les conditions de vie afin de favoriser l’accès de la population à l’éducation, à l’emploi et à un meilleur logement. Une politique plus de discrimination positive que d’intégration qui semble restée pour l’heure sans effets et qui, visiblement, ne plaît à tout le monde en République tchèque.