"Un peu plus d’arrogance française, c’est moins grave que l’euroscepticisme tchèque" ?
Le Premier ministre tchèque Mirek Topolánek était à Paris ce vendredi pour un déjeuner de travail avec le président français, au terme duquel Nicolas Sarkozy a indiqué qu’il soutenait la future présidence tchèque de l’Union européenne. Une rencontre précédée par une légère tension entre Paris et Prague en raison des spéculations sur la capacité des Tchèques à assurer la présidence de l’UE juste après la France, à partir du 1er janvier prochain. Le politologue tchèque Lukáš Macek dirige l’Institut d'études politiques de Dijon :
« C’est vrai que les médias français parlent beaucoup de ce sujet ces derniers temps, et sur tous les tons. Ça va de l’analyse sérieuse jusqu’au guignols de l’info... Il y a plusieurs facteurs : je pense que l’un des facteurs est une certaine tendance à une façon de faire assez autocentrée du président français, qui du coup inquiète ses partenaires.
Déjà pendant la présidence slovène on a pu entendre des voix de Slovénie qui disaient qu’avant même le début de la présidence française on sentait une présence française très importante au détriment de la présidence slovène. Un autre facteur est le contexte de crise qui renforce l’inquiétude des uns et des autres sur tous les sujets, y compris sur la gouvernance européenne.
Le troisième facteur, c’est la perception internationale, la perception en France et dans d’autres pays de l’UE, de la République tchèque à cause de ce qui est perçu comme une attitude très eurosceptique, très peu constructive, qui est largement due aux agissements du président de la République, mais le gouvernement jusqu’ici n’a pas su se démarquer de ce type d’approche. Donc, malheureusement, vu de l’extérieur, cette vision d’une République tchèque ultra-eurosceptique prend clairement le dessus pour le moment. »
Est-ce que ça vous gêne personnellement le fait qu’on parle de la République tchèque comme d’un pays qui ne serait pas capable d’assurer la présidence de l’UE ?
« Bien sûr que ça me gêne, comme n’importe quel citoyen tchèque. Je pense que ça a quelque chose d’assez vexant d’entendre ce genre d’idées. Ça me vexe aussi en tant qu’européen convaincu, parce que je pense que c’est une histoire très malheureuse. Le fait que ce genre de polémique puisse naître est très mauvais pour la République tchèque et très mauvais pour l’UE aussi. Pour la perception de l’UE, notamment dans les nouveaux Etats-membres et dans les pays petits et moyens, ce qui est en train de se passer peut avoir des séquelles très graves et donc peut être extrêmement dommageable aussi pour l’équilibre de l’union.J’attends un peu les clarifications qu’il y aura j’espère après cette rencontre de vendredi entre Mirek Topolanek et Nicolas Sarkozy pour me faire une idée plus précise sur le partage des responsabilités.
Si ces rumeurs existent, il y a deux responsables : avant cette rencontre, la France n’avait pas clairement démenti les intentions qu’on lui a prêtées et de leur côté les Tchèques n’ont pas assez réagi. Ce qui pourrait être considéré comme une proposition ou une perspective complètement déplacée venant de la France devrait normalement provoquer un tollé, à commencer par la Commission européenne et dans tous les Etats plus petits de l’Union. Or ça ne semble pas être le cas, uniquement parce que finalement on se dit, si vous me permettez d’être un peu expressif : ‘un peu plus d’arrogance française, c’est moins grave que l’euroscepticisme tchèque’. Et ça, c’est très grave et évidemment c’est la responsabilité du gouvernement tchèque, qui devrait, je l’espère, en prendre conscience et réagir.
Il y a un certain nombre de choses à faire. Il y a une certaine prise de distance par rapport au président de la République qui est à faire et je pense qu’il faudrait également procéder au plus vite à la ratification du traité de Lisbonne. »