A un « Salut, ça va ? », un Tchèque peut répondre « Bof, pas terrible, ça pourrait aller mieux »
Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague – Ahoj vám všem, milovníkům češtiny Radia Praha ! « Comment allez-vous ? », « Comment ça va ? ». Si l’on vous pose cette question, à vous auditeurs en majorité français, vous allez certainement nous répondre « Je vais bien, merci » ou « Ça va, merci » et nous retourner poliment la question avec un « et vous ? ». Et vous nous répondrez même presque à coup sûr que « ça va », même si en réalité, ça ne va pas très fort, que vous avez quelque peu le moral en berne ou des petits soucis. Vous nous répondrez de la sorte tout simplement parce qu’il s’agit là d’un usage de la communication en français. Mais en tchèque, il en va un peu différemment…
En français, l’usage du fameux « salut, ça va ? » - « oui, ça va, et toi ? » ne sert pas vraiment à s’intéresser à l’état de santé ou au moral de la personne que l’on vient de saluer. Il s’agit le plus souvent d’un moyen d’engager la conversation. Car, généralement, si quelque chose ne va pas ou que l’on ne sent pas bien, on le confiera à notre interlocuteur un peu plus tard dans la conversation. Comme si on ne voulait pas ennuyer d’entrée ce dernier avec nos soucis quotidiens. Remarquons également qu’il arrive très souvent lorsque les Français se saluent en se serrant la main ou en s’embrassant qu’ils disent « bonjour, ça va bien ? » à la personne qu’ils saluent et n’attendent même pas la réponse et saluent une autre personne à laquelle ils posent la même question tout en continuant de se désintéresser de la réponse. Si les personnes se connaissent bien et s’il y a un problème quelconque, elles auront l’occasion d’en discuter et de se confier plus tard.
Les Tchèques, eux, comme nous l’avons dit en introduction, se saluent certes mais ne se demandent donc pas systématiquement comment ils vont, comment se porte leur interlocuteur. Une partie de l’explication se trouve peut-être dans le fait que les règles de civilité différent d’un pays à l’autre, d’une population à l’autre, d’un groupe à l’autre. Ainsi, les Tchèques, s’ils se connaissent et se voient régulièrement, ne se serrent généralement pas la main ou ne s’embrassent pas lorsqu’ils se saluent. Lorsqu’un Tchèque arrive, par exemple, sur le lieu de son travail et entre dans son bureau où se trouvent déjà ses collègues, il ne fait pas le tour de la pièce pour leur serrer la main ou leur faire la bise. Il se contente de lancer un « bonjour » ou « salut » à l’ensemble de l’assemblée en entrant dans la pièce. Précisons bien qu’il ne s’agit pas là d’un manque de politesse, de courtoisie ou de savoir-vivre mais tout simplement de l’usage en cours. Néanmoins, il devient du coup forcément plus compliqué de lancer un « salut, comment allez-vous ? » dans la pièce alors qu’il ne s’adresse pas à une personne en particulier.
Mais il en va aussi de même lorsque seulement deux Tchèques se rencontrent. Certes, il arrive ici aussi qu’ils se demandent « Jak se máš ? » et répondent sans vraiment réfléchir « dobře a Ty ? », tout simplement parce que l’usage le veut. Mais il ne s’agit pas non plus d’un usage automatique et, par conséquent, si un Tchèque vous demande « comment ça va ? », il peut poser la question parce qu’il s’intéresse vraiment à comment vous allez. Bref, il s’agit d’une vraie question, d’une question ouverte, dont on attend une réponse. Dès lors, il devient possible pour un Tchèque de répondre autre chose que « dobře » - « bien » et peut très bien vous dire, par exemple, sans se sentir gêné « nic moc » - « pas terrible », « mohlo by to být horší » - « ça pourrait être pire », ou encore, par exemple, « ujde to », soit l’équivalent de « ça va encore » ou « comme-ci comme ça ».
Autre chose intéressante, il existe dans la langue tchèque un mot quelque peu particulier, le mot « docela ». Si l’on s’en tient au dictionnaire, cela signifie « tout à fait ». Mais ce n’est pas sa seule signification. Toutefois, on ne retrouve pas l’autre dans le dictionnaire, et pour cause puisqu’il n’existe pas vraiment d’équivalent dans la langue française. En fait, « docela » qui possède la capacité d’exprimer que quelque chose n’est pas parfait à 100 %, indique, paradoxalement si l’on s’en tient au premier sens du mot, que la chose en question n’est pas tout à fait, pas entièrement parfaite. Il ne s’agit donc pas d’un mot qui équivaudrait à « plus ou moins » en français. Ainsi, donc, si un Tchèque vous dit qu’il va « docela dobře », cela signifie qu’il va plutôt bien, qu’il va même bien mais que ça pourrait aller encore mieux.Reste à savoir pourquoi il en est ainsi et pourquoi donc les Tchèques, à la question de savoir comment ils vont, ne répondent pas toujours qu’ils vont bien. Une question à laquelle il est bien difficile de répondre, même si on peut imaginer que les conditions climatiques continentales, le rude et long hiver ou encore l’histoire ont joué un rôle dans cette manière quelque peu pessimiste de concevoir la vie quotidienne. Pour un étranger habitué à l’usage inverse, qui affirme que ça va même quand ça ne va pas tout à fait, la chose est souvent surprenante et, avouons-le, parfois un poil irritante et démoralisante. On préférerait sans doute entendre un "On fait aller" qui dénote au moins la volonté de tout faire, de tout mettre en œuvre pour que ça aille. Mais inversement, les Tchèques qui passent quelque temps en France sont, eux, surpris du « ça va ? » - « ça va » sans réelle signification des Français. Quoiqu’il en soit, même si tout ne va pas forcément au mieux, nous vous souhaitons de vous porter du mieux possible – mějte se co nejlíp !, et si ça ne va pas, raison de plus pour porter plus que jamais le soleil en vous – slunce v duši, salut et à bientôt – zatím ahoj !