Jan Švejnar : « Où vas-tu, Tchéquie ? » (IIe partie)
C’est au cours de la campagne précédant les élections présidentielles que le candidat Jan Švejnar a publié un livre. Il s’agit d’un dialogue sur la politique, l’histoire, la mondialisation, les médias et le rôle de président de la République. Interrogé par le journaliste et écrivain Karel Hvížďala, Jan Švejnar se penche sur les principaux problèmes de la société tchèque et du monde actuel, problèmes dont la portée dépasse de loin les limites d’une campagne politique. Voici la seconde partie de l’entretien sur ce livre intitulé « Où vas-tu, Tchéquie ? » que cet économiste renommé a accordé à Radio Prague.
-Dans le monde globalisé quels sont donc les défis que la République tchèque doit relever et les dangers qui la guettent ?
« Ce sont les défis qu’on voit partout dans le monde, dont la globalisation. La République tchèque est parmi les pays qui sont les plus ouverts au monde. Quelque deux tiers de la production tchèque sont exportés, deux tiers de la consommation tchèque sont importés. C’est donc un pays qui est très, très ouvert économiquement. La concurrence des pays de l’Est, dont la Chine et l’Inde, augmente. Alors, la question qui se pose pour la République tchèque est de trouver les réseaux de production où la concurrence n’est pas aussi forte que dans les réseaux de production de base, dans l’industrie textile, etc. »
-Avez-vous une vision de l’avenir du monde mondialisé ? Quelles sont nos perspectives ? Vers quelle société nous dirigeons-nous ?
« Je pense que nous nous dirigeons vers une société moderne qui accepte le monde globalisé mais connaît aussi les problèmes qui se présentent. Je crois que nous aboutirons à un système bien social mais beaucoup plus efficace que le système que nous avons maintenant. Disons que, dans dix à quinze ans, la République tchèque sera un pays compétitif avec une démocratie beaucoup plus forte où il y aura moins de corruption que nous y voyons maintenant. Et ce sera le résultat des pressions et de la concurrence du monde globalisé. »
-Vous soulignez dans votre livre le rôle de l’information et des médias dans le monde et aussi bien sûr en République tchèque. Les médias et la presse tchèques sont-ils à la hauteur de ce rôle ?
« Les médias ont passé une période, dans les années 1990, qui a été, je pense, une période de transformation. Les médias ont beaucoup changé. Sous le communisme, les médias ont été le pilier du régime. Aujourd’hui ils sont beaucoup plus développés. On reconnaît qu’ils sont semblables aux médias à l’ouest mais il y a encore beaucoup, beaucoup de problèmes. Les gens se plaignent que les médias sont superficiels, qu’il n’y a pas assez d’analyses approfondies… »
-Vous avez accepté la candidature au poste de président de la République. Vous avez réussi en peu de temps à vous imposer dans la vie politique du pays. Vous avez su mobiliser les médias. Que pouvez-vous dire du rôle que les médias tchèques ont joué dans votre campagne présidentielle ?
« C’était un rôle très intéressant. Je trouve qu’au début les médias étaient plutôt contre moi et pour le président sortant. Mais au bout de deux à trois semaines la situation a changé. Les médias ont reconnu que j’étais un candidat assez sérieux et ils ont commencé à me donner suffisamment d’espace dans leurs reportages et je pense que leur attitude était assez équilibrée. »
-Vous vous êtes engagé dans un combat remporté finalement par Vaclav Klaus. Considérez-vous le résultat de cette élection comme une défaite ou comme une victoire personnelle ?
« Je pense que c’était une victoire. Bon, je n’ai pas gagné les élections mais, normalement, dans un système en Europe où le Parlement élit le président en fonction, le président sortant gagne en général dès le premier tour des élections. Ici, nous avons eu six tours en deux élections. Alors là, c’était vraiment des élections où les deux candidats étaient bien forts. En ce qui me concerne, je pense avoir offert une alternative réelle. Dans les sondages d’opinion j’ai gagné. 55 % des personnes interrogées se sont prononcées pour moi, 45 % pour le président Václav Klaus. Alors, avec une telle différence, le résultat aurait pu être différent, lui aussi, si l’élection avait été directe. Ce qui est important pour moi, c’est que les citoyens tchèques savent maintenant que la politique peut se faire différemment, qu’il y a des alternatives. Ils savent qu’il y a quelqu’un comme moi qui représente une politique ouverte, une politique démontrant que la République tchèque pourrait jouer en Europe un rôle positif. C’est bien connu maintenant et c’est un legs pour l’avenir. »
-Avez-vous analysé pour vous-même le résultat de cette élection et les raisons de la victoire de Vaclav Klaus ?
«Comme vous le savez, dans les différents tours de chaque élection, les résultats ont été serrés. Nous avons eu deux élections dont chacune a eu trois tours. Ce n’est donc qu’au sixième tour que Vaclav Klaus a gagné avec une voix d’avance. Il est triste que ce résultat ait été rendu possible par une personne qui a changé d’avis et voté contre son parti et par une dame qui n’a pas participé à l’élection. Il paraît qu’on ne peut pas exclure la possibilité de corruption politique, ce qui est un aspect qu’on n’aimerait pas voir dans un pays membre de l’Union européenne.»-Y a-t-il une leçon que vous avez tirée de cette élection présidentielle ? Vous êtes-vous découvert une ambition et une vocation d’homme politique ?
« C’est une bonne question. Oui, il y a une leçon que je tire de cette élection, c’est que dans ce genre d’élections il faut avoir le choix. Oui, je me suis découvert une ambition et une vocation d’homme politique mais cette ambition n’est pas aussi forte que celle des autres politiciens. Je suis aussi un économiste et un universitaire qui travaille dans le monde académique. Je vais voir ce que je vais faire. J’aimerais m’interposer entre le monde académique, où j’ai du succès, et la politique qui peut me donner la possibilité d’améliorer la situation des citoyens tchèques. »
-Avez-vous déjà une vision concrète de vos prochaines activités ?
« Pas encore. Je suis en train de réfléchir. Dans un ou deux mois j’aurai une idée. »