Jan Švejnar : « Où vas-tu, Tchéquie ? »

Jan Švejnar, économiste renommé, professeur d’université, chercheur et rival de Václav Klaus aux dernières élections présidentielles en République tchèque, a résumé ses opinions dans le livre intitulé « Où vas-tu, Tchéquie ? » paru aux éditions Rybka Publishers. C’est un long entretien avec le journaliste et écrivain Karel Hvížďala qui a permis au candidat à la présidence de la République de s’exprimer sur la société, la politique, l’économie et l’histoire tchèques. Ces thèmes ont été aussi évoqués dans une interview que Jan Švejnar a accordée à Radio Prague et dont nous vous proposons aujourd’hui la première partie.

Votre livre s’appelle « Où vas tu, Tchéquie ? » Connaissez-vous la réponse à cette question ? Est-ce que vous pouvez résumer cette réponse ?

« Je pense que personne ne connaît vraiment la réponse à cette question. Naturellement, j’ai quelques idées. Je pense que nous avons un pays qui se développe rapidement. C’est le seul pays d’Europe centrale qui a eu la démocratie avant la Deuxième guerre mondiale et qui l’a perdue sous le régime communiste. Maintenant le pays commence à regagner la position qu’il a eue il y a soixante ans. Je pense donc que c’est un pays qui va très vite vers un système démocratique et l’économie du marché. Et naturellement un pays qui est très intégré dans les structures européennes et mondiales. »

Votre livre est entre autres un livre sur la politique. Qu’est-ce que le mot ‘politique’ représente pour vous ? Quelle est votre définition de la politique ?

« J’ai une conception très pragmatique. Je pense que la politique est une science ou un jeu où l’on essaie de trouver ce qu’il faut produire et comment faire la division des biens de la société entre ses membres. Cela peut se faire au niveau de l’Etat, au niveau d’une ville, au niveau d’une institution. La politique, on la trouve partout. »

Dans votre livre vous parlez du système politique en République tchèque. Quels sont les qualités et les défauts de ce système ?

« C’est une démocratie très jeune. D’une part il y a des résultats qui sont très bons, d’autre part il y a de graves problèmes. Je pense surtout au système juridique car il y a des problèmes dans l’application du droit dans notre pays. Mais disons que c’est un système qui est en train de se transformer et qui a déjà fait des progrès très significatifs. »

Un chapitre de votre livre est consacré à l’histoire de notre pays. Quelles sont les grandes étapes de l’histoire tchèque avec lesquelles il faudrait renouer aujourd’hui ?

« C’est une histoire qui est riche et longue. La partie tchèque de l’Etat mais aussi la Tchécoslovaquie dans son ensemble était un pays très développé dans les années trente, avant la Deuxième Guerre mondiale, lorsque les pays tchèques comptaient parmi les dix régions du monde les plus développées et les plus industrialisées. Comme j’ai dit, il y avait une démocratie qui était jeune mais qui fonctionnait très bien. C’étaient donc les meilleurs moments. Ensuite il y a eu la Deuxième Guerre mondiale, donc une période très triste avec l’occupation du pays par l’Allemagne nazie, et puis l’étape communiste, entre 1948 et 1989, qui a détruit, je pense, beaucoup de valeurs. Depuis 1989 nous vivons une période qui offre beaucoup de possibilités culturelles, économiques et politiques. Il y a beaucoup à faire encore mais c’est une période qui sera reconnue historiquement comme celle de la renaissance de la nation. »


Quelles sont les fautes et les erreurs du passé qui pèsent sur notre présent et risquent de nuire à notre avenir ?

« Dans le passé récent, c’était la privatisation. Bon, c’était nécessaire. Je suis un avocat convaincu du bienfondé de la privatisation en République tchèque mais le système qui a été utilisé a permis de faire beaucoup d’erreurs notamment sur le plan de la légalité. Il y a eu beaucoup de gens qui ont perdu leur fortune, Alors ce sont des problèmes qui pèsent toujours sur nous et il faut éviter leur répétition dans l’avenir. »

Quelle est donc aujourd’hui la situation économique de la République tchèque ?

« Ce n’est pas mal. C’est un pays qui a une assez forte croissance économique. L’année passée le produit intérieur brut a augmenté de quelque 6 %. La croissance va donc beaucoup plus vite qu’en Europe occidentale. Je pense que les investissements extérieurs sont certainement très importants pour la croissance et l’essor économique qu’on connaît maintenant ici. Disons donc que la situation économique est bonne mais il faut finir certaines réformes de base. Ce sont des réformes du système de la santé et du système des retraites et des pensions. Dans ce domaine nous faisons de grandes dépenses et dans tout cela il y a beaucoup d’inefficacité économique. Alors ce sont les grands problèmes dont il faut trouver la solution. »

Dans le chapitre consacré à la mondialisation vous cherchez à situer la République tchèque dans le contexte de la politique et de l’économie mondiale. Quelle est la situation de la Tchéquie dans le monde actuel ?

« C’est un pays moyen de dix millions et demi d’habitants, un pays qui participe actuellement aux activités des institutions mondiales comme l’OTAN et l’Union européenne, la Banque mondiale et les Nations Unies. Alors c’est un pays qui essaie de trouver sa position. Il y a naturellement quelques problèmes. Les dirigeants tchèques et surtout le président Václav Klaus présentent des opinions qui sont assez extrêmes. Comme vous le savez, Václav Klaus nie l’existence du réchauffement de la planète et la contribution de l’homme à ce réchauffement. Nous avons donc quelques problèmes parce que les autres pays nous regardent comme un pays un peu extrême. Mais naturellement il s’agit de positions personnelles de quelques dirigeants. L’ensemble de la population est très pragmatique, disons, normale du point de vue du monde. »

(La seconde partie de l'entretien avec Jan Švejnar sera diffusée samedi 29 mars dans le cadre de la rubrique Rencontres littéraires.)