Laurent Tirard : « Molière traverse le temps et les frontières »

Parmi les films présentés au Festival du film français, le film Molière de Laurent Tirard, où le grand dramaturge est incarné par Romain Duris. Sorti en salles en France en janvier dernier, il est présenté au festival dans le cadre de la section Prix du public où les spectateurs peuvent voter pour leur film favori. Laurent Tirard était à Prague, l’occasion d’une rencontre. Radio Prague lui a demandé si son film sur Molière était né d’un souvenir d’école.

« Certainement pas un retour de souvenir de l’école, car ce souvenir était très mauvais concernant Molière ! Mais comme tout le monde je pense. Je suis tombé par hasard sur les pièces de Molière il y a trois ans, notamment sur Le Misanthrope. J’ai été vraiment très surpris, en la relisant, de voir à quel point c’était beaucoup plus moderne, contemporain et brillant que je ne le pensais. J’ai été stupéfait de voir que le genre de comédie dans lequel j’essaye de m’inscrire aujourd’hui, la comédie sociale et psychologique, en fait, Molière le faisait déjà il y a trois cents ans et l’a inventée il y a trois cents ans. Je me suis rendu compte que je m’inscrivais sans le savoir dans une tradition moliéresque. J’ai toujours pensé que mon maître à penser était Woody Allen, mais j’ai réalisé qu’il y a trois cents ans, Molière faisait déjà ça.

J’ai voulu faire un film qui ressemble à une pièce de Molière, où il y aurait des personnages de Molière, des scènes de Molière, des répliques de Molière… et au final, je me suis dit : on va mettre Molière lui-même dans le film, donc Molière, personnage principal d’une pièce de Molière. C’est comme ça que j’ai eu l’idée de cette espère de mise en abîme sur la création, la rencontre imaginaire entre Molière jeune et les futurs personnages de son œuvre. »

Vous voyagez à travers le monde pour ce film. Là vous êtes en République tchèque. Certes Molière est connu, mais ça reste un auteur français. Comment les gens réagissent à l’étranger ?

'Molière'
« Oui, Molière est connu, mais je pense que le nom est connu, comme en France Shakespeare est connu, mais la plupart des gens n’a pas vu de pièces. Quand j’ai fait le film à l’origine, j’ai d’abord pensé au public français, pas vraiment au public étranger. Je suis étonné de voir à quel point ça marche bien à l’étranger. Il y a évidemment des subtilités qui passent au-dessus de la tête des spectateurs étrangers, comme une scène autour du mot « galère », la « galère », c’est une expression française. Cela ne peut pas marcher. Mais pour le reste, ça marche étonnamment bien.

Je me rends compte à quel point chaque culture retrouve finalement ses repères dans le film. A Moscou, les gens étaient morts de rire, et j’ai discuté un peu avec eux après le film. Ils m’ont dit : ‘Mais Jourdain, il est russe ! Ce type qui s’est enrichi rapidement, qui n’a aucun goût, qui veut acheter tout ce qu’il voit, faire de l’art, prendre des cours de ceci’. Et c’est ça, Jourdain, le nouveau riche, est russe. Même l’aristocrate, Dorante, même Célimène. Ils m’ont dit qu’on connaît ça aujourd’hui avec les célébrités. C’est étonnant comme ça traverse le temps et les frontières. »

Retrouvez la suite de cet entretien dans une de nos prochaines rubriques de la semaine.