Le message politique et humaniste de Tomas Garrigue Masaryk
Le 14 septembre nous avons commémoré le 70e anniversaire de la disparition du premier président tchécoslovaque, Tomas Garrigue Masaryk. Retour sur la figure de Masaryk - fondateur de l'Etat tchécoslovaque, symbole de la démocratie et homme reconnu dans son pays ainsi qu'à l'étranger dans cette page d'histoire.
« Monsieur le président libérateur, nous resterons fidèles, » a déclaré devant le cercueil du premier président tchécoslovaque son successeur Edvard Benes. Tomas Garrigue Masaryk est mort le 14 septembre 1937, au château de Lany, une commune située à 40 km de Prague où il exerçait ses fonctions parallèlement au Château de Prague, où il s'est installé, les dernières années de sa vie, et où il est inhumé. Deux ans après sa mort, la Première république qu'il incarnait, a cessé d'exister. Inutile de rappeler que Masaryk a eu le principal mérite de la création d'un Etat indépendant que les Tchèques avaient perdu en 1526, date du rattachement du royaume de Bohême à l'empire des Habsbourg. De l'avis des historiens, plus qu'un penseur humaniste, Masaryk s'est inscrit dans l'histoire en tant qu'homme qui, à l'âge de 65 ans, s'est mis à lutter activement pour l'idée d'un Etat autonome : en créant les légions, en composant un gouvernement d'exil, et en obtenant le soutien des grandes puissances, dont la France et les Etats-Unis, il a couronné de succès son effort. La République tchécoslovaque a été proclamée le 28 octobre 1918 et Masaryk a été 4 fois réélu son président, jusqu'à son abdication, en 1935.
Le caractère impulsif, la persévérance, la vitalité, la détermination de se perfectionner étaient des caractéristiques typiques de Masaryk. Pour l'historien Antonin Klimek, la force principale de Masaryk résidait dans la capacité de saisir le fond des choses et d'agir. Il posait des questions provocatrices, il avait le courage de s'opposer aux puissants, de faire face à l'opinion publique, que ce soit dans l'affaire des faux manuscrits ou la défense d'un Juif inculpé de meurtre rituel. En dépit des sympathies dont il jouissait, Masaryk n'échappait pas aux critiques. Il était une épine dans l'oeil de la gauche pour la critique du marxisme, ou de l'Eglise catholique qu'il a quittée pour passer au protestantisme. Certains lui reprochaient d'être un nationaliste, d'autres son prétendue admiration pour l'Amérique. Dans ce contexte, l'historien Pavel Kosatik rappelle que le père de Masaryk était Slovaque, sa mère Allemande, qu'il est né en Moravie, et que son épouse était une Américaine, Charlotte Garrigue. C'est à la démocratie que Masaryk a goûté, aux Etats-Unis, souligne-t-il :« Il y voyait que chaque homme qui était chargé d'une fonction, peu importe à quel niveau, chacun qui y exerce un mandat qui lui est confié par la loi devient, à la fois, le porte-parole d'un principe moral. »
On entend parler aussi d'un culte qui s'est créé autour de Masaryk et qui lui a valu le surnom de papa Masaryk. Le directeur du musée Masaryk de Lany, Frantisek Povolny, en dit :
« Ceci a eu ses origines dans les légions, mais le président n'aimait pas être appelé papa Masaryk. Toute sorte d'adoration lui était étrange et il s'y opposait. Comme on le sait, le monument de Vitkov qui était en train de se construire à Prague, était conçu comme un mausolée où Masaryk devait reposer, après sa mort. Le président refusait d'être enterré en pompe. Sa tombe est simple, à côté de ses concitoyens, au cimetière de Lany. »Des adversaires politiques de Tomas Garrigue Masaryk le critiquaient pour son influence sur la politique de tous les jours. On écoute Frantisek Povolny :
« Bien évidemment que Masaryk avait une influence sur la politique intérieure. Aujourd'hui, nous savons qu'il rédigeait des articles anonymes, parus dans la presse sous un pseudonyme. C'était l'expression de son souci, de son soin à l'évolution de l'Etat, pour qu'il se dirige dans la direction qu'il avait souhaité. Dans ce sens, Masaryk ne peut pas être considéré comme un président hors des partis politiques. »
Soixante-dix ans après la disparition de Masaryk, il y a encore des témoins qui l'ont connu personnellement, dont Alena Hladka qui a vécu à Lany où son père dirigeait l'administration des forêts. Voici son souvenir:
« Pour nous c'était quelqu'un de très proche. J'ai aimé le président comme on aime son grand-père. Pour moi, le président Masaryk n'a pas été que le chef de l'Etat, c'était quelqu'un que nous avons admiré et que nous avons aimé parce que nous avons senti qu'il nous aimait, lui-aussi. »
Lorsque TGM est mort, le poète Jaroslav Seifert, futur prix Nobel de littérature en 1984, était convaincu que encore 100 ans après, cette date serait marquée dans les calendriers comme une journée mémorable. Il n'en est pas ainsi et la perception de Masaryk change. Frantisek Povolny :
« Aujourd'hui, la génération qui est née après 1945 a un rapport beaucoup plus tiède envers Masaryk et quant aux jeunes, il ne leur dit plus rien et c'est très dommage. »
Le premier président tchécoslovaque a aussi commis des erreurs, en estimant qu'il n'existait qu'une seule nation tchécoslovaque et que notre pays dans lequel les Allemands étaient installés depuis des siècles forme une barrière face à l'élément germanique, souligne l'historien Klimek. Le legs politique de Masaryk, il l'a formulé dans son dernier ouvrage, La révolution mondiale, où il écrit : « Jésus, non pas César, voilà le sens de notre histoire et le sens de la démocratie. »