Karel Steiner tire le portrait des Tchèques en France
Aujourd'hui, il sera question d'une exposition qui a lieu en ce moment même dans la Galerie Vysehrad. Intitulée « Les Tchèques en France », c'est un Tchèque lui-même, installé dans l'Hexagone depuis 1984, qui s'est lancé dans l'aventure et tire le portrait à la fois de figures connues et de personnes plus anonymes. Karel Steiner, né en 1953, a lui-même quitté la Tchécoslovaquie après l'invasion soviétique de 1968. Après de nombreuses années passées à New York, il a choisi Paris comme terre d'élection. Radio Prague l'a rencontré à l'occasion du vernissage de son exposition.
Bonjour Karel Steiner, nous nous trouvons dans la Galerie Vysehrad. Il y a une trentaine ou une quarantaine de vos photographies de Tchèques vivant en France, mais je sais qu'il y en a plus : à peu près quatre-vingt Tchèques que vous avez photographié :
« Oui, quatre-vingt, presque quatre-vingt-dix en fait. Je viens de finir une exposition dans la ville de Pisek où j'ai montré toutes les photos. C'était une galerie de 300 m2. Ici, c'est la troisième fois que je monte une exposition sur les Tchèques en France. La première était en janvier dans la ville de Plzen. »
C'est une ville à laquelle vous êtes particulièrement attaché...
« Oui, mon père y est né. J'ai des amis là-bas. Et chaque fois que je suis de passage en République tchèque, je vais là-bas. »
Question classique : comment est né ce cycle de photographies de Tchèques vivant en France ?
« C'est finalement compliqué parce que comme beaucoup de Tchèques, quand j'ai émigré, je n'étais pas intéressé par le fait d'être avec d'autres Tchèques. Je pense que c'est plutôt le côté photographique qui m'intéressait. J'ai décidé de changer un peu mon métier : je suis photographe publicitaire de profession. Je voulais essayer d'autres directions, des portraits ou de la photographie documentaire. C'est ainsi que j'ai choisi ce sujet, un peu par hasard. »
Quand avez-vous commencé à photographier les Tchèques en France et comment les trouvez-vous ? On sait qu'il y a de grosses communautés dans d'autres pays, mais en France elle est plus disséminée...
« Tout à fait. Le projet a commencé il y a trois ans. Les photographies qui sont exposées ont toutes été photographiées en deux ans et demi. Pour trouver des Tchèques, ce n'est pas évident. C'est sûr. Quand j'ai commencé, je ne connaissais pratiquement pas de Tchèques. Mais j'ai une technique assez simple : quand je prends quelqu'un en photo, je lui demande s'il connaît quelqu'un. Souvent ça marche. J'ai obtenu pas mal de noms. Ensuite le Centre culturel tchèque à Paris m'a donné une liste et, petit à petit, j'ai trouvé beaucoup de gens. »
Ce qui est intéressant c'est que vous avez à la fois des gens connus. Il suffit de penser à Antonin Liehm, Petr Kral... Mais vous avez aussi des personnes « ordinaires », sans que ce mot ne soit péjoratif, comme par exemple une certaine Bozena Royer qui est concierge...
« Oui, Bozena Royer née Dedeckova. Mon travail a changé de direction. Quand j'ai commencé, j'étais intéressé par des portraits d'artistes tchèques, des écrivains... Un an après, j'ai réalisé que ce n'était pas bien, que je pouvais élargir mon projet. J'ai trouvé une concierge, un mécanicien, d'autres gens. A la fin ce qui m'a surtout intéressé, c'était de prendre des photos de Tchèques jeunes. Pas seulement des gens qui ont émigré dans les années 1948 et 1968. Mais j'ai cherché des jeunes comme par exemple ici, Tomas Korda, en portrait, qui vit en France, mais si un jour il décide qu'il en a marre, il peut rentrer en République tchèque sans problème. »
Contrairement à ceux qui ont émigré en 1948 et en 1968...
« Oui pour eux c'était une émigration avec une seule direction. »
Comment travaillez-vous avec vos modèles ? Comment est-ce que vous les approchez pour qu'ils acceptent d'être photographiés ? Est-ce que c'est facile de les convaincre ?
« Ce n'est pas facile. Avec une personne, ça a duré un an avant qu'elle n'accepte. Je n'ai pas seulement des recommandations. Il y a aussi des gens qui actuellement ont téléphoné et ont facilité ma tâche. »
Quels sont les Tchèques qui vivent en France que vous aimeriez photographier et que vous n'avez pas encore photographié ?
« C'est une question délicate. J'ai contacté Milan Kundera et Josef Koudelka, mais je n'ai pas réussi à les convaincre. Je pense que cela ne va pas aboutir. C'est une petite minorité de gens. Souvent j'ai préparé le terrain pour réussir. »
Avez-vous l'intention de réaliser un gros catalogue rassemblant tous les portraits ?
« Je voudrais bien. J'ai déjà publié un petit catalogue qui accompagne les expositions. J'ai aussi photographié des portraits en couleur. Si tout va bien j'aimerais publier soit un gros catalogue, soit un livre avec des textes. »
Vous êtes vous-même un Tchèque vivant en France, pourquoi n'y a-t-il pas votre portrait au milieu des autres ?
« Je ne trouve pas cela nécessaire. Mais effectivement je suis un Tchèque en France. Par contre, à l'entrée il y a un petit portrait de moi qui me montre en train de faire des tirages. »
Dernière question : quel est le meilleur souvenir de séance photo et avec qui ?
« Il y a un portrait de monsieur et madame Bystricky. Lui était scientifique nucléaire, il est maintenant retraité. Quand je suis arrivé chez eux, madame Bystricky avait préparé un énorme gâteau et du café. C'était vraiment un accueil chaleureux. »
L'exposition Les Tchèques en France, par Karel Steiner, c'est jusqu'au 30 septembre à la Galerie Vysehrad.