Présidentielle : pour beaucoup de Tchèques en France, le regret de ne pouvoir voter qu’à Paris
Un peu plus de 8 millions d’électeurs sont appelés aux urnes, ces vendredi et samedi, pour le premier tour de l’élection du successeur de Miloš Zeman au Château de Prague. Parmi eux figurent quelque 10 000 Tchèques vivant à l’étranger. Mais voter en ligne n’étant pas possible, pas plus que par correspondance ou par procuration, se rendre dans un bureau de vote est, sinon pratiquement impossible dans les pays où il n’y a pas d’ambassade tchèque, parfois compliqué, comme le montrent les exemples de Kristýna et de Magdalena en France.
« Malheureusement, il faut se rendre à Paris pour aller voter... »
« Moi, j’habite à Marseille, et si je veux voter aux élections présidentielles, il faut que j’aille à Paris... »
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La première s’appelle Kristýna, travaille et habite à Lille. La deuxième, Magdalena, journaliste, vit, elle, 1 000 kilomètres plus au sud. Toutes deux le regrettent : pour participer aux élections quand on est tchèque et qu’on vit dans un pays étranger, il faut, dans certains cas, vraiment le vouloir. Et en France, où certaines grandes villes se trouvent à plusieurs centaines de kilomètres de la capitale, peut-être plus encore qu’ailleurs.
Lectrice de tchèque à l’Université de Lille, Kristýna prendra néanmoins le train, ce samedi, pour accomplir son devoir de citoyenne à l’ambassade, qui, au moins, a le mérite de se situer au pied de la tour Eiffel :
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« Je profiterai de l’occasion pour rencontrer des amis, me promener et visiter l’exposition consacrée à Edvard Munch au Musée d’Orsay. »
Pour Magdalena, en revanche, en raison notamment de la plus grande distance et du plus long voyage à entreprendre depuis Marseille, les choses sont moins évidentes :
« Plus la date approche et plus je me demande si cela vaut le coup de ne monter à Paris ‘que’ pour ça... C’est quand même un peu compliqué, surtout quand on voit les prix des trains le week-end. Et puis le bureau de vote n’est ouvert que vendredi et samedi. Du coup j’hésite, mais à vrai dire, je ne pense pas que j’irai voter au premier tour. »
Cette question « j’y vais ?, j’y vais pas ? », beaucoup de Tchèques en France se la sont posée. Et à Lille et dans ses environs, même si une heure seulement de TGV sépare la capitale des Flandres de Paris, la plupart y ont répondu par la négative, à en croire Kristýna:
« J’ai posé la question sur le groupe WhatsApp des Tchèques de Lille et personne ne se déplace... Ce serait donc quand même bien si on pouvait discuter de ce sujet du vote par correspondance parce que, bon, c’est compliqué quand on habite loin de Paris... »
Magdalena ne cache d’ailleurs pas que la même question de sa participation se posera pour le très probable deuxième tour, dans deux semaines :
« Cela dépendra des résultats. Mais c’est la même chose que pour le premier tour : je me dis que plutôt que Paris, je peux tout aussi bien aller à Prague. De Marseille, si je compare les coûts des voyages, ça revient à peu près au même. Donc, je verrai. J’ai ma carte d’électeur qui me permet de voter à Paris comme à Prague, si je préfère, au deuxième tour. »
À condition que l’on s’y prenne à temps, cette carte, qui permet aux Tchèques de voter en dehors de leur lieu de résidence, est somme toute assez facile à obtenir :
« J’ai récupéré ma carte d’électeur lorsque j’étais à Prague pour les fêtes de Noël de manière justement à pouvoir voter où je veux. »
Kristýna, elle, a entrepris une démarche différente mais guère plus compliquée en France, à condition toutefois, là aussi, de ne pas habiter dans un endroit isolé :
« C’est assez simple. Il suffit de se présenter avec un formulaire au consultat, ou au consulat honoraire quand on n’habite pas à Paris, sa carte d’identité et un justificatif de résidence en France. »
Sauf que, encore une fois, non seulement tout le monde n’habite pas à Paris, mais n’a pas non plus la chance d’avoir un consultat honoraire, au nombre de sept en France métropolitaine, (Dijon, Lille, Lyon, Marseille, Nantes, Strasbourg et Toulouse, sans compter Monaco et Baie-Mahault pour la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Martin et Saint-Barthélemy), à proximité de chez soi. Et dans ces cas-là, de nombreux Tchèques, et Magdalena en connaît quelques-uns, préférent rester chez eux...
« Je connais plusieurs personnes qui n’iront pas voter parce qu’elles habitent ailleurs qu’à Paris. C’est dommage, mais, déjà, je trouve que les gens ne sont pas très bien informées des démarches à effectuer. Beaucoup ne s’y sont pas pris suffisamment à l’avance. Alors, bien sûr que je suis pour le vote par correspondance ou en ligne. Je suis certaine que cela attirerait plus de monde, et honnêtement je ne comprends pas trop pourquoi cela n’est toujours pas possible au XXIe siècle. Ou même pourquoi, quand il y a un consulat honoraire comme ici à Marseille, on ne peut pas y voter. »
Magdalena et Kristýna ne formulent toutefois pas uniquement des regrets. Pour cette fois, Kristýna a non seulement fait le choix de joindre l’utile à l’agréable en s’offrant une sortie culturelle à Paris, mais elle se réjouit aussi de remettre les pieds à l’ambassade :
« En général, il y a une très bonne ambiance, d’abord parce que les locaux sont splendides. Il y a aussi toujours pas mal de touristes qui séjournent justement en France et votent à Paris. Alors, eux, ils visitent l’ambassade comme on visite un château... Et puis on se connaît déjà un peu tous plus ou moins, parce que lorsque l’on vit en France, on est parfois invité à des réceptions, comme par exemple lors de la fête nationale le 28 octobre. Donc, oui, on se salue et c’est plutôt sympa. »
Kristýna regrette d’ailleurs qu’après s’être installée à Lille, elle a quelque peu perdu cette proximité avec le milieu tchèque de Paris :
« Je suis arrivée en France en 1998 et, avant, je votais à Paris. Mais depuis je suis arrivée à Lille il y a dix ans, je m’efforce d’y aller à chaque fois que c’est possible, mais bon... En fait, ce ne sera que la troisième fois. Avant ça, j’étais allée voter en 2018 pour la précédente élection présidentielle et en 2021 pour les élections législatives. »
Et puis, comme le constate aussi Magdalena, à cette distance avec Paris s’ajoute aussi parfois, malgré toutes les technologies aujourd’hui existantes, une certaine forme d’éloignement avec le pays d’origine :
« Quand on vit en France, tout ce qui se passe en République tchèques semble un peu loin. Avant Noël, je n’ai donc pas trop prêté attention à la campagne électorale. Mais une fois à Prague pour les fêtes, il a suffi d’aller boire quelques bières avec des amis à l’« hospoda » pour comprendre que c’était le sujet principal et que tout le monde ne parlait plus que de ça. Je me suis donc assez vite remise à la page et, depuis, je m’intéresse davantage à cette campagne et suis désormais très curieuse de connaître le résultat. »
Et cette fois pour les Français qui s’intéressent quand même un peu à ce qui se passe en République tchèque et sont, comme Magdalena et Kristýna, eux aussi impatients de connaître l’issue de cette élection, le mieux est encore de suivre Radio Prague International.