Des affiches de 1968 retrouvées par hasard
Alors que l'on se souvient cette semaine du trente-neuvième anniversaire de l'invasion de la Tchécoslovaquie par les armées du Pacte de Varsovie, dans la nuit du 20 au 21 août 1968, un ensemble d'affiches de protestation a été retrouvé dans les locaux de l'Institut d'histoire militaire, où elles sont restées cachées jusqu'à il y a peu de temps.
Dans la journée du 27 août, les dirigeants tchécoslovaques reviennent de leur voyage forcé à Moscou et s'apprêtent à révéler à la population la signature du Pacte de Moscou, document qui entérine de facto le stationnement des armées soviétiques en Tchécoslovaquie. Dans la nuit de ce même jour, un employé de l'Institut d'histoire militaire rassemble les affiches qu'il a dû ôter en haut de la place Venceslas où se déroulait l'essentiel des manifestations, et les cache dans les locaux où ils ont dormi jusqu'à l'année dernière. C'est à l'occasion de la numérisation de l'ensemble des documents de l'Institut que les affiches ont été découvertes.
Radio Prague a demandé à Ales Knizek, directeur de l'Institut d'histoire militaire, si on savait qui était cette personne :
« Non, on ne le sait pas. La plupart des employés de l'Institut ont dû quitter leur travail après 1968, pour des raisons politiques. J'espère que si la personne n'est pas décédée, elle se fera connaître et dira que c'est elle qui a enlevé les affiches sur les murs et les vitrines de la place Venceslas, avant de les cacher. »Les images de l'invasion ont, à l'époque, fait le tour du monde. Et marqué les esprits à l'Ouest comme à l'Est. Tout comme certains slogans inscrits sur des affiches imitant par exemple un panneau de direction pour Moscou avec le nombre de kilomètres ou invitant les gens à ignorer les occupants. Originalité, créativité, bons mots, jeux de mots, les affiches ont fait partie de ce que l'on a appelé la « résistance passive » des Tchèques. Ales Knizek :
« Ce ne sont pas que des posters, disons officiels, qui auraient été fabriqués dans des imprimeries. Ceux-là sont également intéressants. Mais il y a aussi des posters qui ont été fabriqués par des gens ordinaires, peut-être dans la rue, ou bien chez eux. Ils sont écrits à la main, souvent à l'aide de ces feutres qui sentaient si mauvais à l'époque et qui ont existé jusque dans les années 80. En fait, c'est drôle, dans un sens, car ces posters ont un côté 'littéraire' et poétique. Les gens ont cherché à faire rimer les mots pour faire des petits poèmes satiriques. »
Pour Ales Knizek, cette habitude de petits pamphlets sur affiche a d'ailleurs perduré :
« Il y a également des citations de Masaryk, en tchèque et en russe. Il y a des choses qui ont été utilisées et reprises de la période de la Révolution française. Sinon, le reste, c'est de "l'art populaire". En fin de compte, c'est un peu resté gravé dans la nation, les gens s'en sont souvenus. Car en 1989, Prague était également recouverte de posters, la forme est restée la même, mais le contenu, bien sûr, était différent. »
Dans le cadre des célébrations qui commémoreront l'année prochaine le 40e anniversaire de l'invasion, Ales Knizek espère organiser une exposition afin de les montrer au public.