Courrier des auditeurs
Comme promis, la rubrique de cette semaine sera consacrée aux réponses que vous nous avez envoyées à l'occasion de l'édition 2007 du concours annuel de Radio Prague qui a pris fin mi-juin. La semaine dernière, nous vous avions présenté la réponse du grand vainqueur, Klara Pedisic, de Zagreb, en Croatie. Pour cette fois, voici donc les deux réponses qui ont été estimées comme étant les meilleures envoyées par les auditeurs des émissions en langue française et qui faisaient partie des douze finalistes de l'ensemble des six rédactions de Radio Prague.
Rappelons que la question cette année était : « Quel est le film tchèque qui vous a le plus marqué et pourquoi ? » et que le premier prix était un séjour d'une semaine à Prague pour deux personnes. La première de nos deux meilleures réponses en français était donc signée M. Berbard Leblicq, de Bruxelles, en Belgique. En voici le contenu :
« Tout d'abord, qu'il est difficile de répondre à cette question, surtout pour un Belge, donc pour quelqu'un qui n'a (dit-on) pas la même sensibilité qu'un ou une Tchèque. Mais, pour moi en tout cas, la littérature et le cinéma tchèques me sont devenus depuis quelques années déjà d'enrichissantes pistes pour essayer de comprendre votre histoire et le chemin parcouru depuis la prophétesse Libuse jusqu'à ce jour. Je ressens ainsi de plus en plus d'affinités et de points communs entre vous, Pragois et moi!Ceci étant, mon meilleur souvenir reste attaché au film "Trains étroitement surveillés", de Jiri Menzel, sur un scénario de Bohumil Hrabal et de lui-même, et basé sur la nouvelle du même nom de Hrabal. Pourquoi ce film me laisse-t-il un merveilleux souvenir, malgré qu'il s'agisse d'une tragicomédie? Sans doute parce que le sujet mélange avec un humour tout spécialement "tchèque" le grave et le léger, dans des scènes absolument étonnantes.
La lecture, jubilatoire et très prenante à la fois, de la nouvelle de Bohumil Hrabal m'avait laissé déjà un souvenir extrêmement fort, son dénouement rappelant la face tragique des évènements se déroulant sur fond de Seconde Guerre mondiale.
Mais d'avoir situé l'action dans le périmètre clos de cette petite gare, dans laquelle l'amour, sous diverses facettes, est loin d'être absent, relevait de l'art et c'est précisément tout cet art que j'ai retrouvé, intact, dans le film de Menzel, il y plusieurs années déjà au musée du cinéma de Bruxelles. L'interprète au cinéma du héros Milos, qui n'a - apparemment - rien d'autre en tête que son problème de défaillance de sa virilité, est absolument extraordinaire et n'a rien à envier à son modèle purement littéraire. J'ai aimé cette connivence entre l'auteur du texte, l'un des plus extraordinaires représentants de la nouvelle vague tchèque, et Menzel, j'ai aimé l'identification du cinéaste au texte de Hrabal et j'ai aimé, surtout, l'ambiance unique d'un film dont la vision ne m'a vraiment pas laissé indemne. Milos, son collègue Hubicka et la femme d'"expérience" qui fera de Milos un homme (et quel homme, lui qui ne pourra ou ne voudra pas échapper à son destin en faisant exploser ce train allemand!) sont toujours présents au plus profond de mes souvenirs, des années après avoir vu le mot fin sur l'écran du vieux musée du cinéma.
J'ai aussi aimé ce côté dérision, sérieux et humour mélangés, qui est propre, pour moi, aux Tchèques de cette génération, et que je retrouve avec un plaisir sans cesse renouvelé dans d'autres films (ou textes) de cette époque, mais peut-être avec moins d'impact et pendant moins longtemps que dans « Trains étroitement surveillés » qui reste un bijou de finesse et de profondeur. Ce film est et restera pour moi une merveilleuse perle rare. Et ça, on ne le ressent que bien (trop) rarement à la vision d'un film. Merci donc à Hrabal, à Menzel et à... Radio Prague qui nous permet d'en parler! »
La deuxième finaliste de la rédaction française a été Mme Rose-Marie Becker, qui vit, elle, à Freyming, en France. Rose-Marie a choisi un film plus récent, « Kolya », qui, en 1997, a reçu l'Oscar du meilleur film étranger, tout comme d'ailleurs, rappelons-le, « Trains étroitement surveillés » en 1967. « Kolya » est l'histoire d'un gamin russe qui se retrouve à Prague quelques mois seulement avant la chute du communisme, et qui se fait « adopter » par un musicien et coureur de jupons. Rose-Marie Becker :
« « Kolya », voilà un film tchèque qui n'est pas prêt de sortir de ma tête. Tel un « Dr Jivago, il m'a subjuguée, émue, bouleversée et tellement enthousiasmée. Comment ce petit bonhomme à l'air si fragile a-t-il pi apprivoiser et émouvoir un célibataire endurci plus préoccupé par les choses de la vie que par cet enfant qui demande du temps à lui consacrer et aussi de la tendresse. Kolya qui jour après jour avec son naturel enfantin arrivera à se faire aimer, adopter par cet homme bourru mais au si grand coeur malgré tout ! Comme quoi avec de l'amour, même le sexe masculin peut être « maternel ». Ce film est un chef-d'oeuvre et aussi une belle leçon de moralité pour montrer qu'une femme n'est pas toujours une bonne mère et qu'un homme peut être un bon père. Selon moi, c'est le meilleur film tchèque pour un grand nombre d'années. »
Nos deux finalistes francophones seront donc récompensés par des lots de valeur, tout comme nos autres auditeurs qui recevront un cadeau souvenir en remerciement de leur participation.