Erik De Clercq, à l'origine d'un antiviral pour le traitement du sida, honoré par l'Université Charles
En mars dernier, la faculté de médecine de l'Université Charles à Prague a remis le titre de doctor honoris causa à Erik de Clercq, professeur en sciences biologiques et médicales à l'Université catholique de Louvain, en Belgique. Erick de Clercq collabore depuis désormais plus de trente ans avec des chercheurs tchèques en sciences physiques pour le développement de médicaments. Mais la collaboration la plus fructueuse est celle qui l'a lié et le lie toujours à Antonin Holy, le chercheur tchèque sans doute le plus connu aujourd'hui. Ensemble, Erik de Clercq et Antonin Holy ont notamment donné naissance, entre autres, à un antiviral baptisé VIREAD utilisé pour traiter les personnes atteintes du VIH/sida. A l'issue de la cérémonie, Erik de Clercq avait accepté de nous en dire un peu plus sur cette exceptionnelle collaboration tchéco-belge :
« Les débuts, il y a de cela 31 ans, ont été plutôt mineurs. Avec Antonin Holy, nous avons commencé par les antiviraux. C'est-à-dire que la synthèse chimique est faite à Prague, à l'Institut de chimie organique et de biochimie (UOCHB), tandis que l'évaluation biologique antivirale est faite à l'institut Rega, à Louvain. Puis cette collaboration s'est développée avec le temps. Les produits que nous avons découverts ont trouvé une application dans l'industrie puisque nous avons eu l'opportunité de collaborer avec Gilead Sciences, un laboratoire pharmaceutique. Il s'agit donc d'un travail en commun de trois entités : la chimie, la biologie médicale et l'application industrielle par les Américains. Cela veut dire que le monde a la perception que ces produits sont découverts aux Etats-Unis, alors qu'ils le sont en République tchèque et en Belgique. Il s'agit donc de produits européens dont les Américains ont la réputation d'être les inventeurs. »
-Concrètement, quels sont les produits que vous avez développés ?
« Ce sont des produits dont le nom de famille est « phosphonates ». En termes très simplifiés, il s'agit d'analogues à ce que l'on appelle les phosphates. Et les phosphates forment en quelque sorte la colonne vertébrale de ces molécules. Et ça, c'est important, car c'est aussi un élément dans les acides nucléiques qui forment la base des virus. Donc, l'invention de notre côté est que nos produits ont une action antivirale parce qu'ils imitent ce qui se passe dans l'ARN du virus, ainsi que dans l'ARN des rétrovirus comme le virus du sida, mais aussi les virus à ADN. Et cela explique pourquoi les produits qui imitent ce qui est essentiel pour la composition du virus vont tromper le virus et développer une activité antivirale. Le produit principal s'appelle Viread, actif contre le sida. Il est maintenant disponible sous trois formes : le Viread tel quel, mais aussi combiné avec Emtriva, c'est le Truvada, puis combiné avec Emtriva et Sustiva, ça s'appelle Atripla. Il y a donc trois formes pharmaceutiques d'un seul produit. Et le dernier, c'est certainement le produit qui est aujourd'hui le plus efficace pour le traitement du sida. »
-Dans quelle mesure ces produits soignent du sida ?
« C'est très simple. Il n'y pas de moyen d'éradiquer le virus. Personne, aucun produit, ne sait le faire et ne sera le faire même à l'avenir. Mais nous avons de très bons résultats pour la suppression du virus. Dès qu'on est infecté par le VIH, on l'est pour toute la vie. Mais ce que nous savons faire, c'est affaiblir le virus de telle sorte à ne plus avoir de symptômes de la maladie. Il est donc possible de vivre avec pendant « toute la vie », ai-je envie de dire. »