Le rappeur Pitcho Womba Konga : la musique, c'est de la drogue, sans devoir en prendre
Le public tchèque l'a découvert en octobre 2006, dans le spectacle « Sizwe Banzi est mort », mis en scène par Peter Brook. Début mars, Pitcho Womba Konga est de nouveau monté sur la scène du théâtre Archa, à Prague, mais cette fois-ci non pas comme comédien, mais comme rappeur. Le concert de cet artiste belge aux origines congolaises a ouvert à Prague le festival « Afrique en création », consacré arts de la scène africains. Pitcho Womba Konga est l'invité de cette Culture sans frontières...
« Cela fait une quinzaine d'années que j'ai commencé à faire du rap. Mais j'ai commencé en tant que spectateur, j'allais énormément à des concerts, j'achetais beaucoup de CD's. J'écrivais plus 'pour le fun' que pour devenir réellement musicien. De fil en aiguille, j'ai rencontré des gens qui me poussaient à monter sur scène. D'abord, j'ai été avec un groupe qui s'appelait Onde de Choc et qui était composé de mon frère et d'autres amis. On a fait pas mal de scènes en Belgique et en France et on a intégré un collectif qui était très important à cette époque-là pour le hip-hop en Belgique, il s'appelait Souterrain Productions. Ensuite, on a affronté des problèmes qu'apporte la vie et on s'est séparé. Je me suis alors retrouvé en tant qu'artiste solo. J'ai sorti mon premier album, 'Regarde Comment !', en 2002 et je me suis retiré de la structure Souterrain, car j'avais besoin d'être plus indépendant. J'ai créé ma propre structure, avec, en même temps, la sortie d'un E.P. qui s'appelle 'Faut pas confondre' et que je présente ce soir. Maintenant, je me consacre au théâtre, tout en écrivant des textes, et je vais enchaîner avec mon second album. »
Comment définissez-vous votre style de musique ? C'est du hip-hop 'pur' ?
« Je vais dire hip-hop, simplement, que ce soit de la soul ou hardcore... Cela dépend de mon humeur et de ce que j'ai envie de mettre dans mon CD. C'est très difficile pour moi de me définir réellement. En tout cas, j'essaie de faire beaucoup plus de textes censés, qui parlent de moi et de mes questionnements. Et aussi, j'écris beaucoup au fur et à mesure de mes rencontres avec la vie. Parfois, j'ai des fixations sur quelque chose et puis, si je rencontre d'autres gens, j'aurais peut-être envie d'écrire un texte fixé sur autre chose. »
Vous êtes venu à Prague avec un DJ et un autre chanteur...
« Je suis venu avec mon DJ Le Saint qui est un des meilleurs DJ's en Belgique et pour moi un des meilleurs composeurs au niveau de ce qu'il fait musicalement, un peu fainéant, mais quand même avec énormément de talent. Je suis venu aussi avec un autre rappeur qui s'appelle Pablo Andres. Il a des origines mexicaines et belges et rappe en espagnol. La base de notre rencontre, c'est d'abord, en tout cas pour moi, la base humaine. Quand on s'est rencontré, on faisait de la musique sans savoir que ça allait nous rapporter de l'agent. C'était vraiment 'pour le fun' est c'est ce qu'on essaye d'entretenir. »
Dans votre vie, la musique se complète bien avec le théâtre ?
« Je me rends compte que ce n'est pas forcément le meilleur complément... C'est très difficile d'attirer un public rap au théâtre et aussi difficile de faire l'inverse. Mais il y a toujours des ponts, des exceptions qui confirment la règle. Je pense que je fais partie de ces exceptions-là. En tout cas, le théâtre m'apporte une dimension sur la vie que je n'aurais pas pu avoir en étant que dans le rap. Une certaine distance... Pareil pour le rap, peut-être qu'il me permet de ne pas être omnibulé que par le théâtre. »
Qu'est-ce que vous aimez le plus dans le rap ?
« Ce que j'adore dans le rap, c'est le côté soul. J'adore quand la musique fait rentrer les gens en trans. Quant au rap, cela correspond au temps, où je suis arrivé, au temps dans lequel j'ai grandi et je vis - c'est ce temps électronique, où tout est plus rapide et plus court. Ensuite, le rap est une des seules nouvelles musiques revendicatrices. En ce moment, c'est un peu creux : tout le monde fait de la variété, tout le monde parle de l'amour. Mais le rap met en cause la société, il la met en réflexion. C'est aussi une des rares musiques qui parle des pauvres avec les mots des pauvres et c'est très important. Ce qui m'a le plus impressionné dans le rap, c'est tout ce côté social qui existe autour du hip-hop. Je sais que certains groupes jouent des chansons moins sociales, ils parlent plus de leurs dernières voitures ou de leurs dernières chaussures. Ce qui m'intéresse, ce n'est pas la revendication de la violence, du gangstérisme, mais ce qui est vrai. C'est comme dans tout art : un gars qui n'est pas sincère avec lui-même et qui se met devant un public pour raconter une histoire, finalement, il devient lui-même l'histoire qu'il a essayée de créer et il s'y perd... »
C'est votre premier concert en République tchèque, pensez-vous qu'il y en aura d'autres ?
« Je ne sais pas, on va voir. Déjà, pour nous, c'était inespéré ! Pour moi, c'était un miracle de revenir ici, pas avec du théâtre, mais avec Pitcho, pas Peter Brook derrière, juste comme artiste solo...Pour moi, c'est une avancée, une consécration. J'accède à quelque chose. Ce n'est pas souvent que l'on voit des rappeurs belges venir jouer à Prague. Il n'y a pas beaucoup de groupes de rap qui arrivent à sortir de la Belgique. On joue ici, peut-être qu'on va jouer au Canada... Je suis content. »