Jan Blazej Santini-Aichel et son style gothique baroque
Le 3 février dernier, nous avons commémoré le 330e anniversaire de la naissance de Jan Blazej Santini-Aichel, architecte tchèque d'origine italienne, l'une des plus grandes figures du baroque qui s'est illustré par son style personnel appelé gothique baroque. Il est, entre autres, l'auteur de l'église de pèlerinage de Saint-Jean-Népomucène élevée à la Montagne Verte près de la ville de Zdar qui figure, depuis 1994, sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO.
De retour à Prague, Jan Blazej Santini-Aichel ouvre, à l'âge de ses 23 ans, son propre atelier de travaux de construction et dessine des projets indépendants de ses futures oeuvres. Une partie de sa création renoue avec les travaux de Jean Baptiste Mathey, architecte bourguignon installé à Prague : après la mort de ce dernier, Santini termine quelques-unes de ses oeuvres inachevées. Petite parenthèse : Mathey a réalisé à Prague, par ex. le château de Troja, les écuries du château de Prague, le palais Bucquoy, siège de l'ambassade de France, le palais archiépiscopal ou encore le palais Straka, siège du gouvernement. Il est aussi l'auteur de l'Eglise-Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours inachevée, et terminée justement par Santini, en 1717. L'église se trouve dans le quartier de Mala Strana, dans la rue Nerudova, et c'est dans cette même rue que Jan Blazej Santini-Aichel achète, en 1705, la maison Valkounsky et l'immeuble voisin « A la coupe d'or » qu'il relie en un seul ensemble et remanie dans son style.
Le style de Santini-Aichel, le dit style gothique baroque, très personnel et pratiquement sans pareil en Europe, a été appliqué notamment dans ses remaniements de la cathédrale de l'Assomption-de-la-Vierge à Sedlec près de Kutna Hora. Santini a remanié aussi la chapelle voisine de la Toussaint abritant un ossuaire. Le culte des morts... comme s'il fascinait l'architecte. Une expression en est la construction d'un cimetière Bas - Dolni, surnommé de peste, près de Zdar nad Sazavou, dans le Plateau tchéco-morave. Cette église baroque édifiée en 1709 cache en soit plus d'un lien avec le mystère de la mort: le plan de ses murs extérieurs est conçu en forme de crâne. L'idée de la « Danse des morts » comme on appelait, au Moyen-âge, des séries d'images ou sculptures représentant des scènes de la mort, a décidé de la conception du cimetière entourant l'église. Sa construction reflète la symbolique de la Sainte Trinité au nom de laquelle les testaments étaient rédigés. Au milieu du cimetière, Santini-Aichel a érigé un socle sur lequel se trouve la statue de l'Ange du Jugement dernier. Dix ans plus tard, en 1719, Santini-Aichel est à nouveau appelé à Zdar: cette fois, il est chargé de la construction d'une église de pèlerinage consacrée à saint Jean Népomucène. L'idée d'ériger sur une colline abrupte une église est née après qu'on ait ouvert, à la cathédrale Saint-Guy de Prague, la tombe du vicaire général Jean Népomucène, et qu'on y ait trouvé la langue du martyr en état intact ce qui était considéré comme un miracle. Confesseur de la reine, Jean Népomucène - rappelons-le, a refusé de trahir son secret de confession et le roi l'a fait noyer, après l'avoir mis à la torture. Selon la légende, une couronne à cinq étoiles est apparue à ce moment à la surface de la Vltava, au-dessus du corps du martyre, ce qui a inspiré Santini à concevoir l'église dans un esprit symbolique d'étoile à cinq branches. La construction, terminée en 1722, est devenue le premier grand sanctuaire dédié à Saint-Jean-Népomucène dans notre pays. Il s'agit du sommet de la création de Santini, synthèse très particulière du gothique et du baroque, qui suscite le plus d'admiration. Le projet était basé sur la symbolique des chiffres et le cinq y joue un rôle particulier : plan d'étoile à cinq branches au sommet desquelles se trouvent cinq chapelles ovales. Cinq absides sont insérées entre les chapelles. Cinq marches mènent dans l'enceinte, puis cinq portails et, à l'intérieur on trouve cinq autels. La composition de l'autel combine les chiffres 5 et 3 qui symbolisent l'âge supposé du martyre - 53 ans. Non pas par hasard, le saint est entouré de cinq grands et trois petits anges. La symbolique des chiffres 5 et 3 se répète plus souvent à l'église. Le chiffre 5 évoque l'arrivé des cisterciens à Zdar, 500 ans avant la date de la construction de l'église et est une expression symbolique des cinq blessures du Christ. Les cinq V - conversion de 5 en chiffre romain, étaient compris dans le nom de Vladislav Wejmluva, abbé des cisterciens qui a commandé cette oeuvre à Santini et le mot latin Tacui - je me suis tu, se composait de 5 lettres. Le pentagramme est considéré, aussi, comme une protection contre les forces du mal. Le chiffre 3 est, à son tour, le signe de la Sainte Trinité. L'église est entourée d'un cimetière bordé lui-même par un cloître se présentant sous la forme d'une étoile à cinq branches. L'église Saint-Jean-Népomucène est considérée comme un bijou de l'architecture gothique baroque que Santini faisait promouvoir, dans son oeuvre : c'est par sa réalisation qu'il passe à la postérité...De ses autres oeuvres, mentionnons notamment le couvent de Plasy et l'église de pèlerinage de Kladruby, tous deux en Bohême occidentale, le château surnommé la Couronne Charles à Chlumec nad Cidinou, demeure de la famille aristocratique Kinski, le palais Thun à Prague, siège de la Chambre des députés, ou encore la réalisation très particulière voire bizarre - l'église d'Obyctov, aux environs de Zdar, édifiée sur un plan en forme de tortue, symbole de fidélité et de la patience...