Les vies croisées de Jean-Paul Sartre et de Simone de Beauvoir
La sortie de la traduction tchèque du livre « L'Etre et le Néant » de Jean-Paul Sartre a été l'occasion pour l'Institut français de Prague d'organiser un débat avec Madeleine Gobeil-Noël, journaliste, ancienne directrice des Arts et de la Vie culturelle à l'UNESCO et amie de longue date du grand philosophe. A cette occasion, elle a présenté au public pragois un film réalisé par elle-même et le journaliste Claude Lanzmann, document d'une rare authenticité sur Jean-Paul Sartre et la compagne de sa vie, Simone de Beauvoir. Madeleine Gobeil-Noël a évoqué la genèse du film au micro de Vaclav Richter :
« Ce film est un portrait croisé de Jean-Paul Sartre et de Simone de Beauvoir. C`est un film qui a été tourné en 1967, c'est-à-dire il y près de quarante ans, et c'est donc un film d'archives. Il situe Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir dans leur oeuvre. C'est au moment où Sartre a gagné le Prix Nobel qu'il a refusé, c'est au moment de la guerre du Vietnam. C'est au moment de la régression par rapport au processus de l'émancipation de la femme en France. C'est aussi le moment où Simone de Beauvoir a achevé ses grands Mémoires. Donc nous parlons de tout cela. »
Quel a été votre rapport vis-à-vis du couple Sartre-Beauvoir ?
« Quand j'étais une jeune fille canadienne, à 15 ans, j'ai envoyé une lettre à Simone de Beauvoir chez Gallimard et elle m'a répondu. C'est ainsi que cette amitié s'est déclarée. Et Simone de Beauvoir, qui était très généreuse lorsque je suis arrivée à Paris en 1958, m'a présentée à Sartre et à tous ses amis. Donc ce furent de grands amis, pendant trente ans, jusqu'à leur mort. »
Est-ce que le film évoque les grands thèmes de l'oeuvre de Sartre et aussi son engagement politique ?
« L`engagement politique, c'est certain. Les grands thèmes on les retrouve lorsqu'il dit, comme à la fin des « Mots » : « Tout homme est tout l'homme » (« Un homme est fait de tous les hommes, un homme que tous les hommes valent et qui vaut n'importe qui »). Sartre parle donc de ça, mais il parle aussi de l'engagement politique par rapport au Vietnam. Il se déclare naturellement contre l'impérialisme américain. Mais n'oubliez pas que j'ai fait trois films. Nous n'en voyons qu'un ici, le portrait croisé des deux personnalités. Mais il y a tout un film présenté à la Bibliothèque nationale de France au moment du centenaire de Sartre, il y a un an, qui décrit tous les thèmes de sa philosophie. »
Pour beaucoup, Sartre sera à jamais l'homme qui a osé refuser le Prix Nobel. Est-ce qu'il est question de cela dans le film ?
« Il en parle dans le film. Il a refusé le prix Nobel et c'est intéressant de savoir pourquoi. Parce qu'il ne voulait pas être séparé des autres hommes. Il est comme tous les hommes. Il pense que les honneurs apportent une distinction qui l'éloignerait de son public. C'est son imaginaire ... Nous les amis, nous voulions tous qu'il accepte le prix Nobel. C'était aussi en rapport avec sa philosophie : refuser tous les honneurs pour être plus près des hommes. »
(Vous pouvez entendre l'intégralité de cet entretien sur nos ondes ce samedi dans la rubrique « Rencontres littéraires ».)