Nouveaux faits sur l'intervention des bérets rouges, le 17 novembre 1989
Retour, dans ces chapitres de l'histoire, sur la révolution de Velours. A la veille de son 17e anniversaire, de nouveaux faits sur l'intervention policière contre les étudiants, le 17 novembre 1989 sur l'avenue Narodni, viennent d'être révélés par l'Institut de documentation et d'investigation des crimes du communisme
La Tchécoslovaquie et la Roumanie étaient les derniers bastions du communisme en Europe. En juin 1989, la Pologne avait organisé ses premières élections libres, Tadeusz Mazowiecki du mouvement Solidarita ayant été élu chef du gouvernement à l'issue de celles-ci. Huit jours avant le début de la révolution de Velours à Prague, le symbole de la Guerre froide et de la division de l'Europe, le mur de Berlin, est tombé. Erigé dans la nuit du 12 au 13 août 1961, le mur est tombé aussi rapidement qu'il avait été construit. Un carnaval a éclaté dans les rues de Berlin, le 9 novembre 1989. Sur la place Venceslas, à Prague, quelques rares passants rentraient à la maison, ignorant ce qui venait de se passer à Berlin. Le lendemain, l'organe du PCT, Rude Pravo, écrivit que l'ouverture de la frontière à Berlin témoignait de la tentative sincère des communistes est-allemands de remplir d'un contenu concret les idéaux de la perestroïka. On peut s'en étonner, mais la chute du mur de Berlin n'a pas trouvé de large écho à Prague. La dissidence se concentrait sur la date du 10 décembre, Journée des droits de l'homme. D'après l'historien Vilem Precan, on pensait alors que ce serait cette date qui marquerait un tournant, mais entre-temps, les étudiants donnèrent le coup d'envoi de la chute du régime. Le jour du 17 novembre est arrivé...
Le moment décisif s'est produit à la fin du rassemblement des étudiants à Albertov. Les organisateurs essayaient, en vain, de terminer la manifestation comme prévue. Mais il était impossible d'empêcher environ 50 000 personnes de se mettre en mouvement. Ce qui a suivi est bien connu. La foule s'est dirigée vers Vysehrad. Dans la rue Vysehradska, la police a pour la première fois barré la route. Ceux qui décidèrent de continuer jusqu'à la place Venceslas furent arrêtés par deux cordons des forces de l'ordre et des membres de brigades mobiles spéciales, dits « les bérets rouges », sur l'avenue Narodni. Les étudiants furent invités à se disperser. Mais toutes les issues étaient hermétiquement fermées par les boucliers des policiers qui ont serré violemment les rangs de plus de 2000 manifestants. Ces derniers ont gardé leur calme. On n'oubliera jamais les images qui ont fait, le lendemain, le tour de Prague : assis par terre, bougies et fleurs à la main, les jeunes scandaient: nous avons les mains nues... Après 20 h 30, la patience des policiers s'épuisa : protégés par leurs boucliers, ils ont serré la « masse » et « relâché » les gens désarmés par des issues étroites à coups de poing, de pied et de matraque violents. Le lendemain, Radio Europe libre a diffusé l'information sur la mort d'un étudiant, lors de l'intervention de la veille. Bien qu'elle se soit avérée non fondée, cette information a déclenché une résistance générale. Le fait que les enfants soient battus et tués n'a laissé personne indifférent. Des manifestations répétées sur la place Venceslas, la grève des étudiants et des acteurs, puis le rassemblement de plus de 700 000 personnes sur l'esplanade de Letna ont conduit à la chute du régime. Le rôle dirigeant du parti communiste au pouvoir pendant plus de 40 ans a été aboli par la loi du 29 novembre 1989. La victoire de la démocratie a été scellée un mois plus tard par l'élection du dissident Vaclav Havel président de la République. Ces jours-ci, dix-sept ans plus tard, l'Institut de documentation et d'investigation des crimes du communisme, UDV, vient de mettre à jour des faits inédits. Le plan de déployer les bérets rouges en tenue de camouflage, armés de matraques, lors des manifestations d'opposants au régime, est né au ministère de l'Intérieur un mois à peine avant le 17 novembre 1989. Et c'est sur l'avenue Narodni que ces unités spéciales ont vécu leur première. Selon Jiri Basta de l'UDV, ils étaient déjà intervenus lors de la semaine Palach, en janvier 1989, pendant le rassemblement de protestation contre l'invasion soviétique, le 21 août, puis à l'occasion de la fête nationale du 28 octobre, où une manifestation interdite avait eu lieu à l'occasion du 71e anniversaire de la fondation de la Tchécoslovaquie démocratique. Mais toujours, les forces spéciales étaient restées en tenues civiles. Après que les canons à eau aient dispersé les manifestants, le 28 octobre, à Prague, Marko Solmosi, commandant de l'intervention, a proposé de peser l'effet psychologique du déploiement des bérets rouges en uniformes modèle 60 ou 80 : tenues de camouflage, bérets rouges et matraque en caoutchouc de couleur blanche... Une curiosité, le département a puisé son inspiration auprès des Comandos - les unités spéciales cubaines qui avaient une expérience des interventions en Angola et au Nicaragua. Sur l'avenue Narodni, les bérets rouges intervenaient en groupes de trois membres et en collaboration avec dix membres des forces de l'ordre. La tâche de ces derniers était de désigner les personnes incommodes que les bérets rouges passaient à tabac avant de les remettre à la police. Selon la directive du ministère de l'Intérieur, les bérets rouges ne devaient pas être directement déployés lors des actions hostiles au régime. Ils étaient entraînés pour l'accomplissement de missions spéciales : détournements d'avions, actes terroristes et autres crimes graves. L'ordre a pourtant été donné de les envoyer, le 17 novembre, sur l'avenue Narodni, sans qu'ils soient entraînés et préparés à la mission d'affronter des civils. Leur intervention a fait 568 blessés. Trois membres du département des missions spéciales du ministère e l'Intérieur ont été poursuivis pour abus de pouvoir, un seul a finalement été condamné à 12 mois de prison avec sursis.