La violence - l'un des grands défis du XXIè siècle
L'Europe: raison, foi, violence... Tel est était l'un des thèmes qui ont été abordés, cette semaine, à Prague, dans le cadre de la 10e édition du Forum 2000. Une conférence qui s'est penchée sur toutes sortes de défis à caractère global voire planétaire.
« Chaque culture et chaque religion est habitée par une violence qu'il est très difficile à elles, culture et religion, de dominer. Pour l'islam, cela saute aux yeux, mais pour le christianisme, ça existe aussi ».
Telles sont les paroles du philosophe français André Glucksman, invité fidèle et régulier du Forum 2000, conférence qui occupe d'ores et déjà une place irremplaçable dans la vie intellectuelle de Prague et qui avait été initiée, rappelons-le, par Vaclav Havel et Elie Wiesel. Pour Glucksman, l'extension de la violence est planétaire et le fanatisme n'a pas de frontière.
« Les premières victimes du fantatisme islamiste sont les musulmans eux-mêmes, c'est-à-dire que la violence divise ce que l'on appelle tout bêtement le monde musulman. Mais c'est vrai partout, c'est vrai pour les Européens et pour les Américains aussi d'ailleurs...Ils sont eux aussi dominés par une violence qu'il est plus facile de maîtriser en démocratie. La violence sert à nier le partage, la violence illimitée menace absolument toutes les sphères culturelles, ces fameuses civilisations dont les sages un peu naïfs proposent d'organiser une coexistence. En fait, dans le monde entier, sur la planète entière, ce qui s'oppose, c'est des gens qui veulent prendre le pouvoir, prendre des maisons, prendre des femmes à la pointe des kalaschnikovs, à la pointe des couteaux, et d'autres, ça s'appelle des terroristes. Les terroristes, il y a une définition très simple, ce sont des gens armés qui, délibérément, intimident, menacent ou massacrent des gens désarmés. Que ces gens aient des uniformes ou des drapeaux verts, rouges ou noirs, tout ce qu'on veut, qu'ils soient ultranationalistes, racistes ou croyants, ça ne change rien, le modus operandi est le même, ils se croient tout permis contre les civils. Il y a donc ce terrorisme nihiliste, sans frontière, et de l'autre, les gens qui veulent vivre je dirais de façon civilisée, c'est-à-dire que leurs enfants puissent aller dans les rues, puissent aller si possible à l'école... Il y a là donc une lutte qui se mène pas seulement dans les chancelleries, mais qui se mène aussi dans des bidonvilles, dans ces bidonvilles qui peupleront la planète de plus en plus. C'est ça le vrai conflit entre la violence et la raison. La foi, elle a à choisir entre les deux ».
Pour une grande partie des Tchèques pourtant, et pas seulement pour eux d'ailleurs, si l'on parle de violence et de fanatisme, il y a lieu de penser à l'islam. Selon un dernier sondage, plus de 70% des Tchèques porteraient un regard négatif sur cette religion. De ce fait, les musulmans ont-il une vie difficile en Tchéquie ? Réponse de Vladimir Sanka, directeur du Centre islamique, à Prague :«L'approche des Tchèques à l'égard des musulmans est très diversifiée. D'autant que notre société est majoritairement athée. Donc, si l'on voit d'un côté beaucoup de tolérance, des manifestations de haine et d'agressivité radicale ne manquent pas non plus. La situation n'a pas tendance à s'améliorer et nous sommes les témoins d'une polarisation. Cela dit, en Tchéquie, des signes d'islamophobie n'apparaissent guère. Nous avons plutôt à affronter l'incompréhension et les préjugés que nous essayons de dissiper. »
La communauté musulmane en Tchéquie compte quelque 10 000 étrangers : pour la plupart des étudiants, ceux qui sont restés dans le pays une fois leurs études terminées ou qui se sont mariés. Des médecins, des intellectuels, des hommes d'affaires. Bien sûr, ce ne sont pas tous des musulmans pratiquants. En outre, on trouve au sein de cette communauté près de 400 Tchèques convertis à l'islam. Existe-t-il en son sein une aile radicale ? Vladimir Sanka est catégorique :
« Non, absolument pas. Pas d'attitudes extrêmes ou radicales. La communauté tchèque n'est pas très typique. Elle diffère de celles qui existent dans les autres pays de l'Union européenne, car nous n'avons pas connu d'immigration économique. Notre communauté cherche à s'intégrer et à vivre en harmonie avec les lois tchèques ».
L'idée est partagée par Munib Hassan, chef de la Fondation islamique de Brno. Il s'oppose à la vie dans des communautés closes et ne veut pas que les musulmans vivent dans des ghettos, en occupant par exemple un HLM en commun... D'un point de vue sécuritaire, la communauté musulmane en Tchéquie est considérée par les services de renseignements comme non problématique, la prévention et la vigilance étant pourtant de rigueur. « L'apport culturel de l'islam est incontestable, mais il existe aussi des risques de la part de l'islam qui peuvent nous menacer», affirmait dans les pages d'une récente édition du quotidien Hospodarske noviny le spécialiste des religions Odilo Stampach, exprimant ainsi une attitude généralement adoptée par ceux qui refusent les idées préconçues.
Encourager le dialogue interreligieux se présente comme l'un des leitmotivs du Forum 2000, que ce soit lors de ses éditions précédentes ou cette année encore. Une intention soutenue par une traditionnelle assemblée méditative à l'église Saint-Sauveur, à Prague, en présence de représentants des principales religions mondiales, dont le dalaï-lama... Et s'il y dialogue, sur quoi, en fait ? André Glucskmann :
« La violence, cela doit être le sujet central dans le dialogue entre les religions. Sinon, on s'embrasse assez facilement, on s'attribue chacun des bonnes intentions et la discussion tourne en vide, comme elle tourne en vide depuis au moins trente ans. »