Les gués en Tchéquie
Il y a quinze jours, nous vous avons présenté les bacs et les passeurs qui permettent, encore de nos jours, de franchir certains cours d'eau en République tchèque. Que diriez-vous, cette semaine, de parler d'un moyen encore plus ancien de traverser ces cours d'eau ? Et d'abord, savez-vous de quoi nous pourrions nous entretenir ? Avant les ponts, il y avait les bacs, et avant les bacs, il y avait les gués. C'est donc d'eux que nous parlerons dans la ballade touristique de cette semaine. Pour tout dire, des gués véritables, ceux qui permettent de traverser une rivière ou un fleuve contre, en général, un droit de passage, donc un système de péage, il n'y en a plus en Tchéquie. Mais il en reste quelque chose de très intéressant...
Deuxième ville sur la liste des anciens gués de la Tchéquie, Cesky Brod, le « Gué tchèque ». C'est aussi la deuxième ville par son importance dans le département du chef-lieu de Kolin, à l'est de Prague, sur l'Elbe, le seul fleuve de la République tchèque. Cesky Brod, une très ancienne ville gothique, a été fondée par l'évêque pragois, Jean 1er, au début du XIIe siècle. Le hameau original se trouvait sur les bords d'une petite rivière, la Sembera, qui abreuvait une vaste région de marécages, d'où la necessité de créer un gué. En effet, c'est par cette localité que passait l'une des plus importantes voies marchandes reliant Prague à l'Europe de l'Est et du Sud. Au début, elle s'appelait tout simplement Le gué. Ce ne fut qu'en 1268 que Cesky Brod devint Le gué épiscopal, cela grâce à l'évêque pragois Jean III de Drazice, et que la ville commença à bénéficier de certains privilèges, droit de péage pour traverser le gué, droit de construire des murailles. Le gué épiscopal connut, très rapidement, un riche épanouissement et devint un centre commercial, mais aussi une étape importante, à une journée de Prague, sur la route de Vienne, Budapest ou même Bucarest. A voir aujourd'hui les très beaux ensembles de maisons bourgeoises, les bâtiments religieux et en premier lieu l'église romane de Saint-Gothart. Nous vous recommandons aussi les caves, les catacombes de Cesky Brod, sur lesquelles beaucoup de légendes existent. De nos jours, elles servent probablement comme par le passé d'entrepôts, mais aussi, et ce qui est plus intéressant, de salles de restaurant, d'auberges et autres lieux recommandés après une belle journée passée à découvrir l'histoire de ce « Gué tchèque », Cesky Brod dont l'appellation date du XIVe siècle.
Un autre gué dans les contrées tchèques et moraves se trouve en Moravie justement. La ville porte le nom de Uhersky Brod, le « Gué hongrois ». Pourquoi ? Parce qu'elle se trouve à la frontière ou presque entre l'ancien royaume de Bohême et celui de Hongrie. Aujourd'hui, on passe par Uhersky Brod pour se rendre en Slovaquie, jadis la « Haute Hongrie ». L'histoire de la ville remonte aux XIe et XIIe siècles. Comme les autres villes qui portent le nom de gué, elle a été fondée sur un cours d'eau, la rivière Olsava, à l'endroit où on la traversait. Uhersky Brod est célèbre surtout grâce à Jan Amos Komensky, Comenius, qui y est né. Elle devint une ville royale au XIIIe siècle et après un développement intense de l'industrie, surtout dans la seconde moitié du XXe siècle, elle est redevenue aujourd'hui une ville de transit sur les voies routières qui conduisent en Slovaquie ou en Pologne. A visiter surtout le centre historique avec l'église de l'Assomption-de-la-Vierge et la maison natale de Comenius. Les monuments historiques ne sont pas des plus nombreux, mais les environs romantiques de la ville valent vraiment la peine de s'arrêter à Uhersky Brod, le « Gué hongrois », lors d'un voyage menant de Tchéquie en Slovaquie. Encore deux villes portant le nom de gué à citer dans notre ballade touristique : Vyssi Brod et Siroky Brod (« Le gué plus haut » et le « Gué large »). Vyssi Brod se trouve sur le cours de la Vltava, dans ce qu'on appelle le « Col de Vyssi Brod », dans la région des monts de la Sumava, en Bohême du Sud. En 1938, elle faisait partie des villes annexées par Hitler, donc des Sudètes. Après une période d'abandon, sous le régime communiste et sa politique de dépeuplement des régions frontalières avec l'Europe de l'Ouest, Vyssi Brod vit un nouveau développement, touristique surtout, car la ville est un point de passage important entre la Bohême du Sud et la Bavière. A noter un couvent historique reconstruit de nos jours et que nous recommandons de visiter. Siroky Brod, en fait, n'existe plus sous cette appellation. Aujourd'hui, c'est une partie de la commune de Mikulovice qui se trouve sur la rivière Bela, sous les monts Jeseniky. Jadis, il y avait un gué qui traversait la rivière, sur une voie marchande très importante conduisant vers la Pologne. Pourquoi « Le gué large » ? Parce que c'est à cet endroit que le cours de la rivière est le plus large, mais aussi que le niveau de ses eaux est le plus bas. C'est pour cela que, depuis toujours, les convois traversaient la Bela par ce gué. Et c'est avec ce gué disparu aujourd'hui, s'étant fondu dans une autre appellation de la localité, que nous terminerons notre ballade touristique.