Trois médailles, mais pas d'or, et une tempête dans une seringue : c'est le bilan tchèque aux Mondiaux d'athlétisme
Le rideau est tombé, dimanche, à Helsinky, sur les Xes championnats du monde d'athlétisme. Le bilan tchèque est mitigé avec trois médailles mais aucun titre, et surtout entaché par la fâcheuse affaire de prétendu dopage dont ont été soupçonnés, à tort, les décathloniens Roman Sebrle et Tomas Dvorak, deux des plus beaux palmarès de l'histoire de l'athlétisme tchèque.
Vingt-deux ans après leur toute première édition, les championnats du monde revenaient à Helsinky, capitale d'un pays et d'un peuple entièrement acquis à l'athlétisme. Pour l'équipe de République tchèque, la moisson de médailles n'aura toutefois pas été aussi abondante qu'en 1983. A l'époque, quatre victoires, dont l'inégalé doublé de la « musclée » Jarmila Kratochvilova sur 400 et 800 m, faisaient encore de la Tchécoslovaquie, comme de la plupart des autres pays satellites de l'Union soviétique, une nation majeure de l'athlétisme mondial. Aujourd'hui, après que les méthodes d'entraînement et de prépararation aient bien évolué, la République tchèque, avec trois places d'honneur mais sans médaille d'or, se classe au 22e rang au tableau final des nations. A la demi-déception provoquée par l'argent de Roman Sebrle au décathlon, un an après son titre olympique d'Athènes, sont venus s'ajouter le bronze de Vera Pospisilova-Cechlova au lancer du disque et celui de Pavla Hamackova au saut à la perche. Pour le directeur technique national, Frantisek Fojt, il s'agit donc d'un bilan mi-figue, mi-raisin :
« Le résultat final est grosso modo au niveau de celui des derniers championnats du monde à Paris et des Jeux olympiques d'Athènes. Malgré tout, il nous manque une médaille d'or pour compléter le tableau. Nous croyions tous avant le début de la compétition qu'au moins un de nos athlètes parviendrait à décrocher une première place. Concrètement, nous avions plus particulièrement confiance dans les chances de Jaroslav Baba au saut en hauteur et de Roman Sebrle au décathlon. Malheureusement, ils ne sont pas parvenus à complètement remplir leurs objectifs initiaux. »
Seulement cinquième au saut en hauteur, avec 2,29 m, Jaroslav Baba, n'a donc pas confirmé en Finlande sa médaille de bronze obtenue lors des derniers Jeux olympiques. A l'issue du concours, le grand espoir de l'athlétisme tchèque était bien conscient d'être resté en-deça de ses possibilités, alors qu'il avait pourtant passé une barre placée à 2,36 m quelques semaines auparavant lors du meeting de Rome, et peut-être d'être passé à côté d'un premier grand titre :
« Je savais que j'avais les moyens de réussir. Malheureusement, j'ai raté mon concours. J'ai un peu trop subi la pression médiatique, tout le monde me voyait au moins sur le podium et finalement, je n'ai pas su y faire face et répondre présent. Je n'ai pas bien sauté et j'ai fait des erreurs. La piste, la surface, était pourtant bonne, je pense que j'étais en mesure de franchir des barres plus hautes, mais j'ai complètement manqué mes essais à 2,32 m, hauteur qui s'est avérée suffisante pour la victoire. Je n'ai pas su me concentrer. A 20 ans, il me manque sans doute encore l'expérience des grands championnats pour bien négocier ces moments-là. Mais tous les concurents m'ont semblé nerveux aujourd'hui. Je ne peux pas me plaindre des conditions. Certes, il y avait un léger vent défavorable, mais à part ça, il n'y avait rien d'autre pour empêcher de meilleures performances. »
Chez les femmes, le son de cloche était quelque peu différent. Si Vera Pospisilova-Cechlova pouvait également prétendre au titre avant le début des Mondiaux, le bronze qu'elle a obtenu n'en constitue pas moins sa première médaille lors d'un événement de tour premier plan. En revanche, la troisième place de Pavla Hamackova à la perche, avec un saut à 4,50 m, a constitué une agréable surprise, comme elle en convenait elle-même :
« Je suis très contente de ce résultat et d'avoir su m'adapter aux conditions difficiles avec beaucoup de vent. C'est une énorme satisfaction après une longue période pendant laquelle j'ai pensé que je n'allais plus pouvoir me consacrer à l'athlétisme à cause de ma blessure au tendon d'Achille. Maintenant, j'espère encore améliorer le record national avant la fin de la saison. Cette médaille de bronze est la plus belle de ma carrière. Tout d'abord parce que après ma grave blessure, je sens que c'est l'une des dernières étapes pour moi en tant que sauteuse, et ensuite parce que le concours a été très difficile. Et je suis vraiment très heureuse d'avoir devancé mes adversaires dans de telles conditions. »
Mais au-delà encore de ces performances, le bilan de la sélection tchèque restera terni par l'affaire qui a frappé Roman Sebrle et Tomas Dvorak, montrés du doigt pour avoir subi des injections de glucose avant le 1500 m, dernière épreuve du décathlon. Selon les réglements de l'Agence mondiale antidopage, si le glucose n'est pas une substance interdite, en revanche la pratique d'injection par intraveineuse l'est, sauf en cas de traitement médical légitime. Or, d'après la Fédération tchèque, les deux athlètes présentaient un taux de sucre dans le sang très bas pouvant mettre en danger leur santé. Finalement, après avoir mené une enquête et fait subir aux deux hommes des contrôles antidopage aux résultats négatifs, la Fédération internationale d'athlétisme a blanchi Sebrle, champion olympique en titre et recordman du monde, et son équipier Dvorak, ancien triple champion du monde. Malgré ce verdict le lavant de tout soupçon, la pillule avait beaucoup de mal à passer pour Roman Sebrle:
« En aucun cas nous n'avons utilisé de quelconque produit dopant et nous n'avons transgressé aucune règle. Je suis écoeuré après cette affaire. J'ai envie de tout laisser tomber jusqu'à la fin de cette saison. J'ai l'impression d'être un crétin. Pendant toute l'année, je me méfie du moindre médicament lorsque je suis malade et que je dois me soigner, et après on me discrédite et salit mon nom de la sorte. Désormais, les gens vont se dire « Sebrle ? C'est celui qui a reçu une injection à Helsinky » et vont forcément avoir des doutes à mon égard. Pourtant, il ne s'agissait que de glucose et si nous y avons eu recours, ce n'était certainement pas pour améliorer nos performances puisque Tomas comme moi n'avions plus grand-chose ni à perdre ni à gagner au cours du 1500 m. Mais les deux jours de compétition ont été tellement éprouvants et nous nous sentions si mal que nous voulions au moins être capables de terminer la course. »
Tomas Dvorak, 8e au classement final de l'épreuve combinée, était, lui aussi, très touché par un scandale qui prouve une nouvelle fois à quel point la frontière entre dopage et soins, entre tricherie et pratique, sinon saine, au moins dans les régles d'une activité sportive de haut niveau, est infime :« Je vous cite ma femme qui m'a dit : « Qu'est-ce que que ces histoires ? Le glucose, c'est bien du sucre, non ? Ce n'est pas du dopage. » Rien que de ce point de vue-là, tout cela me semble donc complètement absurde. Et si nous avons réclamé cette injection, c'est parce que ce fut un décathlon comme je n'en avais encore jamais disputé auparavant. Il a fait très froid du début jusqu'à la fin et Roman et moi faisions partie des concurrents les plus âgés et forcément nous supportons différement ces conditions difficiles que les autres plus jeunes. Cette injection de glucose était donc destinée à protéger notre santé. »