Laurent Tillie, nouvel entraîneur de la sélection tchèque de volley-ball :« Avec les joueurs tchèques, il faut beaucoup parler »
C'est l'un des plus grands joueurs de l'histoire du volley-ball français qui a été désigné, la semaine dernière, nouvel entraîneur de la sélection tchèque. Recordman du nombre de sélections en équipe de France (406 entre 1982 et 1995), médaillé d'argent avec les Bleus au championnat d'Europe 1987 au sein d'une génération inoubliable composée de joueurs comme Alain Fabiani, Philippe Blain ou Eric Bouvier, huit fois champion de France, Laurent Tillie s'est engagé pour un intérim de deux mois et demi à la tête d'une équipe nationale tchèque dans le creux de la vague depuis son excellente et surprenante quatrième place en Ligue mondiale en 2003.
Sacré champion de France cette saison avec l'AS Cannes pour la première fois de sa carrière d'entraîneur, Laurent Tillie s'est lancé dans cette mission commando avec un seul et unique objectif en tête : qualifier la République tchèque pour le Championnat du monde 2006. Pour cela, les Tchèques n'auront toutefois pas la tâche facile puisqu'ils devront terminer à l'une des deux premières places du tournoi qualificatif qui sera disputé du 28 au 30 juillet prochain au Cannet-Rocheville, tournoi auquel prendront part la France, les Pays-Bas et la Finlande. Jeudi dernier, à Prague, alors que Laurent Tillie venait de signer son nouveau contrat et d'être présenté à la presse, nous lui avons demandé ce qui l'avait poussé à s'engager dans cette aventure tchèque :
« Ce qui m'a poussé à me lancer dans cette aventure est, entre autres, le fait que tout cela s'est fait très rapidement puisque l'on s'est mis d'accord avec les dirigeants de la fédération en pratiquement une semaine. C'est aussi parce que ma famille et mon club, Cannes, ont bien voulu. Et puis c'est une aventure sportive très, très intéressante dans la mesure où nous avons des objectifs assez hauts, à savoir se qualifier pour le Mondial et faire bonne figure au championnat d'Europe début septembre. Donc, sportivement, c'est le top. En plus, je connais beaucoup de joueurs tchèques, j'en ai deux dans mon équipe à Cannes, il y en a 5-6 qui jouent en France, 4-5 en Italie et un peu partout en Europe. J'en connais même certains pour avoir joué contre eux. Enfin, je dois dire que j'ai toujours eu d'assez bonnes affinités avec les Tchèques en général et plus particulièrement avec les anciens avec lesquels j'ai joué. Ce sont ces affinités qui m'ont fait accepter, même si c'est un défi « chaud ». J'ai une grosse amitié pour les joueurs tchèques. »
-Quels sont les termes de votre contrat ? Vous vous êtes engagé pour une très courte durée...
« Oui, deux mois et demi... Ce n'est peut-être pas plus mal parce que chacun peut se juger. Je comprends la frilosité de la fédération. Ce n'est pas facile d'écarter un entraîneur pour mettre un étranger que l'on connaît peu. Et puis ça me semble plus simple pour établir une relation, si relation il doit y avoir plus tard. Ainsi, on se dit qu'on se s'engage pas : on travaille ensemble, on voit comment on travaille, on réussit, on ne résussit pas, et voilà... C'est normal. »
-Parallèlement à votre collaboration avec les Tchèques, vous restez engagé à Cannes. En cas de succès, c'est à dire de qualification pour le Championnat du monde, pensez-vous continuer à la tête de cette équipe tchèque ?
« Il faut voir les calendriers, ce que veulent les dirigeants, les exigences des uns et des autres. Pour l'instant, c'est chaque chose en son temps, ça reste bien loin. Moi, je suis obligé de me plonger dans le concret, mettre les mains dans le cambouis et on verra après s'il faut conduire cette belle voiture. »
-Vous avez assisté au dernier match des Tchèques contre la Slovaquie (le 3 juillet) qui s'est soldé par une défaite, la cinquième d'affilée. Depuis, en quelques jours, avez-vous eu le temps de procéder à quelques retouches au niveau des joueurs et du groupe ?
« J'ai surtout retouché le programme. J'ai voulu resserrer le groupe parce que j'ai besoin d'un peu mieux connaître et de voir certains joueurs, surtout ceux qui évoluent en République tchèque. Je me donne donc quelques jours pour faire une sélection plus fine. Mais j'ai surtout voulu que les joueurs réapprennent à travailler et à jouer au volley ensemble. Pour l'instant (au moment de l'entretien, jeudi matin), nous n'avons eu que deux entraînements ensemble, c'est très, trop court, mais il faut leur redonner le rythme du jeu. Je pense que c'est ce qui leur manquait le plus. »
-Que pensez-vous pouvoir apporter à cette équipe ? De nouvelles méthodes ? Un nouvel état d'esprit ?
« On a toujours une méthode de travail, une image ou un maître, etc. Personnellement, je suis très friand des méthodes américaines d'entraînement qui sont très axées sur le jeu, le dynamisme, la volonté et l'envie de réussir. Il y a beaucoup de contrats ou de défis. De par mon expérience, je sais que ce sont les seules méthodes qui poussent les joueurs dans leurs derniers retranchements. Donc voilà, je vais appliquer ma méthode et nous verrons bien si ça marche ou pas. »
-Avant vous, il y a deux ans de cela, il y a eu un autre entraîneur étranger de renom, l'Argentin Julio Velasco, à la tête de l'équipe tchèque. Or, la relation ne s'est pas très bien passée. Ne craignez-vous donc pas que les joueurs ne vous acceptent pas non plus ?
« Ah, c'est fort possible. Mais si on regarde tout ce qui s'est fait avant, on avance plus. Il faut prendre son courage, son bâton de pélerin et prêcher pour ce qu'on croit. J'ai été pendant vingt ans joueur de haut niveau, capitaine de l'équipe de France, je sais donc ce qui me plaisait comme entraînement. Tous les ans, je vais aux Etats-Unis, aux Pays-Bas ou en Italie pour voir ce que font les meilleurs entraîneurs, et c'est comme ça que je fais mes choix. Je crois en une méthode. Je ne vais pas l'imposer, c'est certain. Je mets en place des situations, j'ai une éthique, j'ai ma façon de voir, à moi d'essayer de leur insuffler cette volonté, cette envie. C'est vrai que Velasco, qui était quand même un entraîneur deux fois champion du monde, avec des références et des titres à la pelle, n'a, à priori, pas très bien réussi parce qu'il a, semble-t-il, voulu imposer une méthode. Moi, je vais essayer de convaincre, essayer de leur montrer qu'on peut y arriver avec ma méthode et puis, on verra... Maintenant, malgré tout, c'est vrai qu'avec les Tchèques, il faut beaucoup, beaucoup, beaucoup parler (il rit). J'ai quinze joueurs avec quinze opinions différentes. Il y a donc un peu de diplomatie à faire, mais un coach en a besoin, cela fait partie de son bagage. »
Vous pourrez écouter (ou lire) la seconde partie de l'entretien avec Laurent Tillie, nouvel entraîneur de l'équipe nationale tchèque de volley-ball, dans notre prochaine rubrique sportive.