La patrie de Jiri Voskovec

Jiri Voskovec, photo: CTK
0:00
/
0:00

Jiri Voskovec centenaire? On a du mal à admettre que cet homme devenu symbole du rire intelligent et de la jeunesse d'esprit, soit né il y a juste un siècle.

Jiri Voskovec,  photo: CTK
A l'école, on le surnomme le Russe car son père a été chef d'un orchestre militaire en Russie. On pourrait le surnommer aussi le Français, car sa grand-mère maternelle est née en Champagne et s'appelait Adrienne Denoncin. De plus, entre 1921 et 1924, il fréquentera le lycée Carnot de Dijon et reviendra ensuite à Prague empreint de la culture française. Mais c'est déjà à l'âge de huit ans, dans une école pragoise, qu'il fait la rencontre majeure de sa vie. Il y trouve un copain surnommé le Chinois à cause de ses yeux bridés, et cette amitié se montrera extrêmement fertile et enrichissante pour le théâtre et la culture tchèques. C'est avec ce copain, qui s'appelle Jan Werich, qu'il formera un duo de clowns irrésistibles et créera le Théâtre libéré de Prague (Osvobozené divadlo).

Le duo de clowns intelligents sait non seulement faire rire le public mais il réussit à faire rire d'une façon qui n'est pas gratuite. La verve satirique de Voskovec et Werich n'épargne personne et s'attaque d'abord à de nombreux aspects de la bêtise humaine pour aboutir à la satire politique. Dans les années trente, ils écrivent pour leur théâtre une série de pièces satiriques à succès et réalisent plusieurs films qui figureront parmi les meilleures comédies du cinéma tchèque. Ils révolutionnent le théâtre tchèque en inventant un langage théâtral nouveau où l'humour côtoie la poésie.

Leur popularité est immense mais dangereuse. Lors de la Deuxième Guerre mondiale, ils sont obligés de s'exiler aux Etats-Unis mais ils continuent à amuser et à mobiliser les Tchèques à travers la Voix d'Amérique. Après la Guerre, ils reviennent à Prague mais les temps ont changé, les communistes s'imposent dans la vie de tous les jours et la situation n'est plus favorable à l'humour corrosif et la satire politique. Tandis que Jan Werich reste dans le pays livré à l'arbitraire communiste, Jiri Voskovec choisit l'émigration aux Etats-Unis.

Peu à peu, il se fera connaître dans le monde du spectacle. La critique américaine appréciera son talent et son humour surtout dans des pièces d'Anton Tchékhov et de George Bernard Shaw, on le verra aussi à la télévision et au cinéma. En Tchécoslovaquie on connaît très peu ses succès américains que le régime cherche à occulter. Il entretient pourtant une riche correspondance avec des amis tchèques et c'est dans ses lettres qu'il révèle un aspect méconnu de son talent qui le classe parmi les meilleurs épistoliers tchèques du XXe siècle. "On dit que nous avons perdu la patrie, notre terre natale," dira-t-il en 1975, six ans avant sa mort, " mais nous avons trouvé le monde."