Les vendanges malgré la pandémie, en Bohême aussi
Le vin tchèque est surtout réputé pour les productions de blanc dans la région de Moravie, mais il existe aussi quelques domaines importants en Bohême. Autour de Mělník, là où se confondent les eaux de l’Elbe et de la Vltava, la Suissesse Bettina Lobkowicz s’attelle depuis près d’une trentaine d’années à tirer le meilleur du raisin de ses vignes, récolté en ce moment sous les derniers rayons de soleil d’un été marqué par la pandémie.
« Nous sommes dans le vignoble Klamovka, à Mělník. On est en train de faire la récolte du Pinot gris ce matin et cet après-midi ce sera du rouge. On a encore le luxe de faire du blanc le matin et plutôt du rouge l’après-midi. »
Qu’avez-vous comme cépages ici à Mělník ?
« Beaucoup de Pinot noir et beaucoup de Riesling. Ce qui est important c’est de pouvoir vendre son vin. Il faut produire ce que vous arrivez à vendre. Avant nous avions beaucoup de Müller Thürgau ou de Modry Portugal, que nous avons toujours mais j’ai changé pour avoir du Chardonnay, du Pinot gris, du Pinot blanc. Tout ça je l’ai planté moi-même. Il y avait du Pinot noir mais j’ai augmenté le nombre d’hectares et j’ai replanté du Riesling. Ces dernières années j’ai également planté des cépages réputés résistants comme le Solaris et le Saphira. »
Qu’est-ce qui se vend le mieux ?
« Le vin pas cher se vend toujours très bien ! »
Comment faites-vous pour vendre du vin pas cher ?
« Je le vends directement aux clients… »
Nous avons des grappes devant nous… C’est quoi ici ?
« Du Pinot gris aussi – la différence entre le Pinot blanc et le Pinot gris est vraiment la couleur, avec ces reflets gris que l'on perçoit aussi dans le Traminer. On a seulement un peu de Pinot gris ici. »
Avez-vous planté ça vous-même ?
« Oui, malheureusement les pieds sont importés d’Allemagne et je ne suis pas tout à fait satisfaite avec ce clone. Cela donne un vin difficile à gérer et je me bats chaque année pour le récolter assez tôt – cette année j’aurais préféré le récolter la semaine dernière mais j’ai fait un compromis avec mes collègues, donc on fait ça aujourd’hui. »
Il y a aussi du raisin encore très vert sur la vigne…
« Oui en tchèque on l’appelle le Martinák ou martinský hrozen et il reste vert, donc éventuellement le 11 novembre, jour de la Saint-Martin, on pourrait le récolter mais on ne le fera pas. »
Le soleil brille encore en cette deuxième moitié du mois de septembre ; comment a été la météo cette année pour votre vin ?
« Très bonne ! Le mois de septembre est important pour nous. S’il fait beau, les grappes peuvent arriver à maturité. Le cycle s’arrête fin septembre-début octobre. Même s’il fait beau début octobre, c’est déjà la fin de la photosynthèse et c’est différent. »
Il a également beaucoup plu en juin ici…
« Oui, ça peut être un problème quand la floraison est tardive. La maturité n’est pas la même, mais la pluie nous a aidés à avoir des quantités importantes cette année. »
Quel impact a eu la pandémie sur votre activité ?
« Aucun pour ce qui est de l’activité dans les vignes. Les employés ont pu travailler et quelques personnes qui n’avaient pas de travail dans le secteur de la gastronomie sont venues nous aider pendant quelques mois. Donc on a eu assez de main d’œuvre pour faire les travaux. »
Les personnes qui travaillent aujourd’hui dans la vigne sont des employés ou des saisonniers ?
« Ce sont des saisonniers ; je travaille avec une agence qui fait venir des travailleurs ukrainiens. »
Pour faire venir des travailleurs étrangers, la pandémie devient un grand problème…
« Oui, c’était très compliqué et on a eu très peur. Grâce au fait qu’on ait commencé la récolte tôt, ils étaient déjà sur place. Aujourd’hui ce serait plus compliqué. »
La pandémie a-t-elle eu un impact sur vos ventes déjà ?
« Pas énormément, car je ne dépends pas du secteur gastronomique. 80% de nos ventes sont en direct aux particuliers et j’ai constaté que les gens ont tendance à boire un peu plus quand ils sont chez eux – ils ne conduisent pas, etc. »
Y a-t-il des conséquences positives des changements climatiques sur la qualité du vin tchèque ?
« Oui et non. Bien sûr que l’on sent le changement. Aujourd’hui on récolte trois semaines plus tôt que quand j’ai commencé il y a 28 ans – ça c’est concret. Dans le même temps, on a eu des années très sèches et il manque de l’eau, surtout dans cette région. Après deux années sans beaucoup de précipitations on est content que cette année a été plus humide. Cela dit, c’est vrai que c’est une chance pour la vigne que le climat évolue. »