Jan Čep, un écrivain tchécoslovaque à Paris devenu homme de radio malgré lui
Jan Čep est né le 31 décembre 1902 à Myslechovice et mort le 23 janvier 1974 à Paris, où il a émigré après le coup de Prague en 1948.
Jan Čep est né le 31 décembre 1902 à Myslechovice et mort le 23 janvier 1974 à Paris, où il a émigré après le coup de Prague en 1948. Une quarantaine d’années après sa mort, Jan Zatloukal s’est intéressé de près à la vie et à l’œuvre de cet écrivain exilé. Le directeur du nouveau centre français de l’université d’Olomouc a d’abord raconté au micro de Radio Prague International comment il avait découvert cet auteur.
« Je l’ai découvert lors de mes études universitaires. Je lui ai consacré mon mémoire de maîtrise et j’ai été un peu intrigué que la période de son exile reste totalement inconnue à l’époque. Je me suis dis que ce serait un bon sujet de recherche. »
Quand Jan Čep a-t-il quitté la Tchécoslovaquie exactement ?
« Il est parti en août 1948, suite aux événements et à la mise en place du gouvernement communiste, qui a chassé beaucoup d’écrivains et d’intellectuels. J’ai d’abord fait un projet dans le cadre d’un DEA avec le professeur français Francis Claudon, puis j’ai poursuivi sur place mes études doctorales et ai publié ma thèse intitulée L’exil de Jan Čep à l’institut d’études slaves à Paris. »
Quelles sont les étapes de l’exil de Jan Čep ?
« Il est d’abord resté une quinzaine de jours dans les camps de réfugiés en Allemagne, avant de rejoindre des connaissances en France. A Paris il a essayé de vivre de sa plume, mais après trois ans d’échecs successifs il a rejoint Radio Free Europe à Munich pour s’occuper des émissions culturelles. Il y est resté quatre ans, jusqu’à son mariage avec Primerose du Bos, la fille du célèbre critique Charles du Bos, et il est retourné à Paris, d’où il a continué à collaborer avec la radio. »
Jan Čep a-t-il écrit en français ?
« Oui, dès son arrivée il a écrit une nouvelle en français intitulée Les Tziganes, publiée quelques années après par la revue Terres Humaines. Motivé par son ami poète Pierre Emmanuel, il a également écrit son autobiographie en français, intitulée Ma sœur l’angoisse. »
« Il ne trouvait pas d’éditeur, ni pour ses écrits en français ni pour les traductions de ses œuvres en tchèque comme celle de son roman La frontière de l’ombre – déjà traduit à l’époque en allemand ou en croate. La France ayant été assez orientée à gauche, il n’a pas trouvé d’éditeur et n’a pu vivre de ses écrits… »
Ses années à Radio Free Europe ont-elles été tout de même fructueuses ?
« Cela lui permettait d’avoir une vie correcte mais il souffrait énormément d’avoir des ‘deadlines’ pour ses différents programmes culturels. Il a également été directeur de la section culturelle, donc avec des responsabilités administratives également. »
Quels étaient ses liens avec les autres exilés tchécoslovaques, avec le cercle de Pavel Tigrid notamment et la revue tchécoslovaque de Paris, Svědectví ?
« Il était l’ami de Pavel Tigrid, qui a beaucoup fait pour sa venue à la radio et qui l’a également fait contribuer à la revue Svědectví avec des articles occasionnels, malgré des opinions divergentes, notamment à propos du potentiel dialogue avec les communistes réformateurs du Printemps de Prague. »
A-t-il eu des velléités de rentrer à Prague, au moment de ce Printemps ?
« Il n’a jamais cru pouvoir revenir, même s’il a été invité – un peu en cachette – par son ami poète Vilém Závada, qui est venu le chercher dans son appartement de la rue Chanoinesse à Paris au milieu des années 1960. Jan Čep raconte la scène dans son journal intime : Vilém Závada lui a dit que tout avait été préparé en haut lieu et qu’il pouvait devenir par exemple responsable d’une maison d’édition. Il affirme lui avoir répondu qu’il ne pouvait pas tant qu’il y aurait des poètes emprisonnés ou l’absence de liberté de conscience et de religion. »
Dans son journal intime, comment est décrit la tristement célèbre nuit d’août 1968, quand la Tchécoslovaquie a été envahie ?
« Il y a un témoignage de sa fille, Claire Le Bris-Cep, qui a parlé de l’émotion et des larmes de son père en écoutant la radio le matin du 22 août. Il l’a très mal vécu, d’autant qu’il était déjà sérieusement malade depuis 1966 et souffrait d’apoplexie. Il y a un très beau témoignage de son ami écrivain Henri Queffélec qui décrit cette phase dans sa nécrologie. »
A part votre travail, son œuvre est-elle l’objet de recherches dans le milieu universitaire tchèque ?
« Oui, il jouit d’un intérêt assez renouvelé depuis quelques années. Avec un collègue nous avons publié certains de ses textes écrits pour la radio. D’autres chercheurs, dont Tomáš Kubícek, l’actuel directeur de la bibliothèque de Brno, ont publié des monographies sur Jan Čep. »