Andrej Babiš et Agrofert toujours dans le viseur de la Commission européenne
« Monsieur Babiš contrôle les sociétés du groupe Agrofert » : c’est ce qu’on peut lire, selon iRozhlas.cz, dans un nouveau rapport d’audit de la Commission européenne qui pointe du doigt la situation de conflit d’intérêts du chef du gouvernement tchèque.
Agrofert, saison 4 épisode 8 ou à peu près… Cela pourrait être une série de fiction d’une plateforme de streaming mais les enjeux sont bien réels avec ce problème de contrôle ou d’absence de contrôle par le Premier ministre tchèque Andrej Babiš du groupe agro-industriel et médiatique qu’il a fondé avant son entrée en politique.
Dernier épisode en date, dévoilé ce mercredi par iRozhlas.cz : la missive adressée à Prague dans laquelle la Commission européenne n’y va pas par quatre chemins :
« Les subventions attribuées au groupe Agrofert après le 1er septembre 2017 sont contraires à l’article 4c sur les conflits d’intérêts dans la mesure où la demande a été adressée à partir du 1er septembre, quand M. Babiš était fonctionnaire public », est-il écrit dans ce courrier adressé le 22 octobre au ministère tchèque du Développement régional qui est en charge de la répartition des fonds européens.
Ses subventions, issues notamment de la PAC ou des fonds structurels, représentent des dizaines de millions d’euros pour le groupe fondé par Andrej Babiš et « la Commission a conclu que les organes en charge des programmes de cofinancement européen en République tchèque ne peuvent sélectionner et attribuer des subventions publiques à des entreprises du groupe Agrofert ».
En réaction à ces derniers développements, le chef du gouvernement a envoyé un texto à la rédaction de iRozhlas.cz :
« Je ne contrôle ni ne dirige Agrofert. J’affirme donc depuis longtemps et avec constance que je n’ai pas de conflit d’intérêts et que la République tchèque ne rendra aucun argent à cause de ce prétendu conflit d’intérêts. »
Pour se mettre en conformité avec la loi tchèque, Andrej Babiš a placé en 2017 ses avoirs dans deux fonds fiduciaires, dont le statut légal est une spécificité locale. Il y a deux ans (déjà), lors d’un épisode précédent, le commissaire européen Günther Oettinger avait préconisé l’arrêt de toute demande de subvention de la part d’Agrofert ou bien son placement dans un fonds fiduciaire sans droit de regard (blind trust) – une solution qui n’est pas envisageable à l’heure actuelle dans le droit tchèque.
Lors d’un autre épisode précédent l’été dernier, le Parlement européen avait voté une résolution visant Andrej Babiš et appelant à introduire des mécanismes en Tchéquie pour prévenir les conflits d’intérêts liés aux fonds de l’UE. Voici ce qu’en disait à l’époque Eric Maurice, le responsable du bureau de Bruxelles de la Fondation Schuman :
« Le gouvernement tchèque est un gouvernement de plus avec lequel il faut composer – on sait qu’il y a un problème, il est très clair. La résolution est assez forte d’un point de vue politique. Mais concrètement, même si une des trois options envisagées par la résolution est la démission d’Andrej Babiš pour mettre fin à ses conflits d’intérêts, on sait que personne ne peut le faire démissionner – c’est du ressort de la démocratie et de la constitution tchèques. A Bruxelles, on sait qu’on a ce problème – d’où ces rapports et ces enquêtes de la Commission – mais ce n’est du ressort de personne en dehors de la République tchèque de régler ce problème politiquement ou juridiquement à Prague. »
A Prague, en attendant le prochain épisode, force est de constater que la législature approche lentement mais sûrement de sa fin et que les prochaines élections parlementaires sont prévues dans moins d’un an. Agrofert sera derechef un thème de la prochaine campagne.