Décès d’Ivan M. Havel, scientifique, philosophe et frère de l’ancien président
Docteur en informatique, mais également philosophe, homme de lettres, auteur de nombreux ouvrages et intellectuel engagé, Ivan Miloš Havel est mort ce dimanche à l’âge de 82 ans. La disparition du frère cadet de l’ancien président tchécoslovaque et tchèque Václav Havel a suscité de nombreuses réactions dans le monde de la science, de la politique, de la culture ou encore du scoutisme. Dans tous ces domaines, Ivan M. Havel a laissé une trace.
Tout comme son frère Václav, de deux ans son aîné, Ivan était doté de multiples talents et ne savait pas bien prononcer le « r » roulé. Tout comme lui, il a subi des persécutions de la part du régime communiste, ce qui ne l’a pas empêché de mener une vie riche et intéressante. Tout comme Václav Havel enfin, Ivan a activement participé à la révolution de Velours de 1989.
Enfant, il a été notamment influencé par son grand-père maternel, l’ancien diplomate et directeur de l’une des entreprises de l’empire Baťa, Hugo Vavrečka :
« Il m’a donné le goût de la technique et de la science. C’est lui qui m’a expliqué comment fonctionnait une machine à vapeur ou une hélice de bateau. A chaque fois qu’il venait chez nous, j’étais curieux de savoir ce qu’il allait me faire découvrir », s’était souvenu Ivan M. Havel en 2018 sur l’antenne de la Radio tchèque.
Avec l’arrivée des communistes au pouvoir en 1948, la famille Havel, une famille riche d’entrepreneurs dans le bâtiment, est totalement dépossédée de ses biens, notamment du palais Lucerna, au centre de Prague. Václav et Ivan Havel sont alors interdits d’études. Ivan M. Havel parvient quand même à suivre des cours du soir et à obtenir, en 1966, le diplôme de l’Université technique de Prague.
A l’époque du Printemps de Prague, il peut passer son doctorat en informatique à l’Université de Californie et à nouer des contacts avec des chercheurs occidentaux. Dans les années 1970, Ivan M. Havel est à nouveau harcelé par la police communiste, cette fois-ci en raison des activités de son frère dans le mouvement de dissidence.
Renvoyé de l’Académie des Sciences, il organise dans son appartement des rencontres illégales d’intellectuels et participe à l’édition de leurs textes. Ivan M. Havel se détourne peu à peu de l’informatique et de l’intelligence artificielle qui l’occupaient jusqu’alors et s’intéresse davantage aux liens entre la science et la philosophie.
En novembre 1989, Ivan M. Havel co-fonde, au côté de son frère Václav, le Forum civique, une plateforme qui a permis à la révolution de Velours de mettre fin pacifiquement au régime communiste. Mais il quitte aussitôt l’univers de la politique pour se consacrer pleinement à la science et au travail pédagogique. C’est d’ailleurs avec une approche scientifique qu’il a vécu cette expérience « au cœur des événements de 89 » :
« Même si j’ai accompli beaucoup de travail au sein du Forum civique, j’y étais plutôt comme un observateur de ce qui s’était passé à l’époque. Ce qui m’intéressait, c’était comment se faisaient les décisions importantes, comment naissaient les idées qui allaient ensuite être réalisées », a-t-il confié plus tard à la radio.
En 1990, Ivan M. Havel a co-fondé le « Centre pour les études théoriques » affilié à l’Université Charles et à l’Académie des Sciences de Prague, dont il a été le directeur jusqu’en 2008. Ce travail lui permettait d’être en contact avec les étudiants et résumait ce qu’il aimait le plus : créer des ponts entre différentes disciplines et différents spécialistes, dont des mathématiciens, physiciens, biologistes, linguistes et philosophes.