JO : pour les Tchèques à Tokyo, un doublé historique depuis 1932
La République tchèque possède son premier champion olympique à Tokyo, après la victoire, ce jeudi, du tireur Jiří Lipták dans l’épreuve de fosse (ball-trap). Mieux même, c’est un tir groupé que les Tchèques ont réussi, puisque David Kostelecký, déjà sacré à Pékin en 2008, a, lui, décroché la médaille d’argent. En tennis, Markéta Vondroušová et la paire Barbora Krejčíková-Kateřína Siniaková se sont qualifiées pour les finales respectivement du simple et du double dames, et pourront elles aussi espérer offrir deux nouveaux titres à leur pays.
Il est de ces matinées, quand on suit ces Jeux de Tokyo depuis Prague ou Brno, qui sont plus belles que d’autres. Trois jours après les deux premières médailles remportées par le slalomeur Lukás Rohan (argent en canoë monoplace) et l’escrimeur Alexander Choupenitch (bronze en fleuret), la matinée de jeudi a été de celles-là. En l’espace de quelques heures, entre le moment où David Kostelecký a raté son dernier tir, offrant ainsi le titre à son compatriote Jiří Lipták, et la balle de match de la demi-finale remportée par Markéta Vondroušová, quatre nouvelles médailles sont venues s’ajouter au bilan tchèque provisoire.
Mais il y a plus encore que ce simple décompte : pour la première fois depuis les Jeux de Los Angeles en 1932, deux sportifs tchèques ont terminé aux deux premières places d’une épreuve olympique. A l’époque, ce sont deux haltérophiles, Jaroslav Skobla et Václav Pšenička, qui avaient fait l’étalage de leur force dans la catégorie des lourds. Sans exagérer, c’est donc une nouvelle page de l’histoire du sport tchèque qui s’est écrite à Tokyo ce jeudi.
A égalité parfaite au terme des cinq séries de la finale (25+5+5+5+10 plateaux lancés), avec pour chacun 43 plateaux touchés, Jiří Lipták et David Kostelecký, qui étaient alors les deux derniers des six finalistes encore en lice, ont été contraints de disputer un barrage pour se départager. Et si c’est finalement Jiří Lipták qui a eu le dernier mot (7-6), son compatriote David Kostelecký ne nourrissait absolument aucune rancune de devoir se contenter de l’argent, comme il l’a confié aussitôt son fusil rangé au micro de l’envoyé spécial de la Radio tchèque :
« A mon âge (46 ans), je ne croyais même plus que je remporterai un jour encore une médaille. Alors, quand j’ai acquis la certitude que je décrocherai au moins le bronze, j’avoue que la tension est un peu retombée. De nous retrouver à deux Tchèques pour se partager les médailles d’or et d’argent est bien évidemment quelque chose de tout à fait formidable. Nous sommes habitués à ce scénario dans les compétitions nationales, mais pas en finale olympique... C’est comme dans un rêve, surtout qu’il a fallu un barrage pour nous départager. Tout aujourd’hui était parfait ! »
En 2008 à Pékin, le lendemain du titre d’une autre tireuse à la carabine Kateřina Emmons, c’est David Kostelecký qui avait été sacré champion olympique. Pour avoir donc déjà connu le goût de la victoire, le natif de Brno, qui à 16 ans avait été exclu de son club formateur parce qu’on ne lui trouvait alors pas assez de talent, a d’autant plus apprécié le déroulement presqu’inespéré de cette finale et de devoir laisser la médaille d’or à son ami Jiří Lipták :
« Vous savez, je lui avais prédit ce titre en 2015 quand il avait échoué à se qualifier pour les Jeux de Rio. On avait pas mal discuté de ce qu’il fallait faire ou ne pas faire, et je me souviens lui avoir dit qu’il serait champion olympique un jour. Je lui ai donc rappelé tout cela quand on s’est retrouvés à deux sur le pas de tir. Mais même si on n’avait remporté que l’argent et le bronze, on aurait été heureux, car c’est vraiment difficile, le niveau était très élevé en finale. C’est pourquoi on n’aurait même pas imaginé une telle issue. »
Quant au grand héros du jour, Jiří Lipták donc, avec son bel accent lui aussi de Moravie du Sud, il avait le triomple tranquille et modeste. Vainqueur des qualifications, il reconnaissait que son début de finale, avec plusieurs plateaux manqués, n’avait pas été idéal :
« On ne se rend encore pas bien compte de ce que l’on vient de réaliser. On nous parle d’histoire, mais j’ai déjà du mal à me remémorer la finale, tellement tout est passé très vite. Mais ce que je sais, c’est que j’ai d’abord raté plusieurs plateaux et que j’ai perdu la confiance en moi. Puis elle est peu à peu revenue au fil des ratés des autres concurrents. Il faut aussi se rendre compte que les conditions de tir sont différentes en finale, notamment le fait que nous n’avons plus droit qu’à une seule cartouche par plateau (contre deux en qualifications), il faut donc s’adapter. Au bout du compte, le fait d’avoir su retrouver mes esprits et d’avoir su mieux tirer quand il le fallait, donne encore plus de saveur à cette victoire, car franchement, il y a eu un moment où j’ai pensé que je ne serai pas en mesure de me mêler à la lutte pour les médailles, et encore moins à celle pour l’or. »
Le succès de Jiří Lipták et de David Kostelecký, nouveaux champion et vice-champion olympiques d’une discipline – le tir au plateau - peu médiatisée et sans doute mieux connue du grand public sous son nom de ball-trap, est aussi celui de leur entraîneur, Petr Hrdlička, qui, lui, avait été sacré à Barcelone en 1992.
Ce jeudi, les joueuses de tennis Barbora Krejčíková et Kateřína Siniaková avaient elles aussi bien réglé leur mire. Malgré la perte du deuxième set, les Tchèques n’ont pas tremblé dans le super tie-break et ont remporté la première demi-finale du tournoi de double dames en dominant la paire composée des joueuses russes Veronika Kudermetova et Elena Vesnina (6-3, 3-6, 10-6). Leurs adversaires n’étaient pas encore connues ce jeudi en début d’après-midi.
Ce que l’on savait mieux en revanche, c’est que Markéta Vondroušová disputera elle aussi la finale du simple dames, après sa demi-finale vite expédiée contre l’Ukrainienne Elina Svitolina en deux sets (6-3, 6-1). Jeudi a décidément été une bien belle journée olympique pour les Tchèques.