Ces Tchèques qui bombardent les aérodromes d'Île-de-France avec des avions de la Première Guerre mondiale

Les avions de Pterodactyl Flight

« Appelez-nous, et nous viendrons bombarder votre aérodrome ». C'est toujours ainsi que les Tchèques de Pterodactyl Flight se présentent aux organisateurs de meetings aériens. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils savent tenir parole. La troupe fondée dans les années 2000 à Jihlava (Vysočina) s'est fait une spécialité des reconstitutions explosives de batailles aériennes de la Première Guerre mondiale. Aux manettes de répliques d'avions de la Grande guerre ils proposent un show unique, mêlant acrobaties aériennes et de nombreux effets pyrotechniques.

Source: Amicale Jean-Baptiste Salis

Après une année blanche à cause de la pandémie, les Tchèques ont fait leur retour dans l'un des meetings aériens les plus renommés d'Europe : le Temps des Hélices à la Ferté-Alais, en région parisienne.

Pour cet événement mythique, les Pterodactyl Flight ont sorti le grand jeu. Ils sont venus depuis Jihlava jusqu'à Paris aux commandes de leurs cinq coucous d'un autre temps – et tous faits maison par le fondateur du groupe, Petr Svoboda : deux Fokker allemands, un Morane-Saulnier français, un S.E. 5 et un Sopwith britanniques.

Un voyage périlleux

Partis de l'aérodrome de Jihlava en début de semaine, ils ont mis au total quatre jours pour parcourir le millier de kilomètres qui les séparait de la Ferté-Alais. Il faut dire que ces appareils, de classe ULM, ne volent qu'à une centaine de kilomètres à l'heure, et doivent se poser pour refaire le plein tous les 200 à 300 kilomètres, selon le vent. Malgré des talents certains en mécanique, un avion est resté cloué au sol quelque part en Allemagne. Il attendra encore quelques semaines avant que la troupe ne le récupère pour le ramener en République tchèque.

Photo: Thibault Maillet,  Radio Prague Int.
Jan,  membre de Pterodactyl Flight | Photo: Thibault Maillet,  Radio Prague Int.

Plutôt habitués aux reconstituants français, les spectateurs du meeting aérien de la Ferté-Alais y sont allés de leurs commentaires sur le voyage hors-normes des Tchèques : « Ce sont les fous volants avec leur merveilleuse machine ? », entend-on. Un passionné abonde, par ailleurs : « C'est une chance de trouver des individus qui s'investissent encore pour faire ça ».

Věra,  sous le regard du public | Photo: Thibault Maillet,  Radio Prague Int.

Un show unique

Josef,  déguisé en soldat britannique | Photo: Thibault Maillet,  Radio Prague Int.

C'est grâce à Patrick Monbrun, organisateur du meeting aérien de Meaux, qu'ils sont venus dans l'Hexagone pour la première fois en 2016. Depuis, il ne se lasse pas de revoir le spectacle de Pterodactyl Flight : « Ce qu'ils font est tout à fait exceptionnel. Je ne connais d'organisme ou de groupe qui sache faire ce que font les Tchèques ». Michel Geindre, directeur des vols du meeting de la Ferté-Alais ne dit pas autre chose. C'est la première fois qu'il recevait le groupe de Petr Svoboda : « C'est très sympa, c'est très dynamique. Et en plus, cela s'est bien passé. J'avais quelques craintes, parce qu'ils ont du matériel sur la piste, des explosifs. »

Le show,  vu de l'intérieur | Photo: Thibault Maillet,  Radio Prague Int.
Le camion de Jaroslav,  avant l'explosion | Photo: Thibault Maillet,  Radio Prague Int.

Il n'est pas difficile de comprendre les craintes du responsable de la sécurité. Les Tchèques n'ont pas froid aux yeux. Pendant les vingt minutes que dure leur performance, les répliques s'affrontent en l'air, au-dessus d'un camp allemand qui tente de repousser une attaque britannique. Deux maquettes d'avion explosent dans une boule de feu monumentale, les canons font un bruit d'enfer, les armes mitraillent.

Jaroslav | Photo: Thibault Maillet,  Radio Prague Int.

Clou du spectacle, un camion explose en pleine course, avec un pilote-comédien-cascadeur aux manettes. Précision utile : Jaroslav, le cascadeur en question, père de Petr Svoboda, a fêté ses 80 ans pendant son séjour en France.

Le camion,  quelques minutes plus tard | Photo: Site web de Pterodactyl Flight

Histoire, réalisme et petits pois

Petr Svoboda,  aux manettes de son avion | Photo: Thibault Maillet,  Radio Prague Int.

S'il tient à ce qu'il y ait autant d'explosifs, ce n'est pas uniquement pour attirer le public. Petr Svoboda souhaite que son spectacle soit le plus réaliste possible : « Nous sommes des pilotes, nous portons en nous l'esprit des pilotes qui combattaient dans la véritable guerre. L'aviation était née depuis peu et ils se tiraient déjà dessus ». L'objectif est de présenter la guerre de manière crue, brutale, assourdissante : « Nous voulons montrer la guerre sous cet angle pour que l'on se rende bien compte que ce n'est ni un jeu d'enfant ni un jeu vidéo ». Et de conclure : « Il est important de se souvenir du passé pour qu'il ne se répète pas ».

Photo: Thibault Maillet,  Radio Prague Int.
Photo: Thibault Maillet,  Radio Prague Int.

Une semaine après la Ferté-Alais, c'est un champ de Meaux qui a fait les frais du réalisme souhaité par Petr Svoboda. A l'issue de leur représentation, il ne restait plus qu'un amas de cendre de ce qui était vingt minutes plus tôt un champ de blé moissonné – et particulièrement sec. Pas effrayés pour un sou, les organisateurs ont même tendance à demander aux Tchèques de revenir d'une année sur l'autre, et de faire encore plus fort.

Après le passage des Tchèques,  il ne reste plus grand chose | Photo: Thibault Maillet,  Radio Prague Int.

Dernière curiosité et pas des moindres, les Pterodactyl Flight ont su se faire repérer de tous les habitants des environs. Nombreux sont les curieux à avoir remarqué, sur le bord d'une route, une réplique de la Première guerre mondiale trônant au milieu d'un champ de petits pois. Nulle œuvre d'art contemporain ici, simplement un atterrissage d'urgence en plein entraînement. Rien de grave, mais le Sopwith devra attendre un peu avant de rentrer en République tchèque. En volant, évidemment.

L'avion a passé la nuit dans ce champ de petits-pois,  sous l'oeil amusé de l'agriculteur | Photo: Thibault Maillet,  Radio Prague Int.
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