Le code de la route tchèque modifié pour mieux protéger les cyclistes
A compter de janvier 2022, les cyclistes se sentiront un peu plus en sécurité sur les routes tchèques. En effet, la Chambre des députés a récemment ratifié un amendement du code de la route imposant aux conducteurs de véhicules motorisés une distance de 1,5 m lors du dépassement d’un vélo.
A l’image du code de la route allemand, espagnol ou français, la Chambre haute du Parlement tchèque a ratifié un amendement qui obligera les conducteurs de camions, voitures et motos à respecter une distance de 1,5 m – ou de 1 m sur les portions de route limitées à 30 km/h – lorsqu’ils dépassent un vélo. A titre de comparaison, le code de la route français prévoit un espace latéral de sécurité d’1 mètre au minimum entre le véhicule et l’usager dépassé en agglomération, et d’1,5 m hors agglomération.
Cependant, l’amendement adopté par les députés est moins strict en termes de sanctions que l’amendement initial, qui avait été soumis en avril 2021 et prévoyait, en cas de non-respect de cette distance de sécurité, une amende de 10 000 couronnes (près de 400 euros) et un retrait de permis de six mois, ainsi qu’un éventuel retrait de sept points de permis. Ainsi le Sénat a finalement réduit cette sanction à 2000 couronnes (environ 80 euros) maximum, à condition que le cycliste ne soit pas mis en danger.
Garde tes distances et fais preuve de respect
Selon Alexandr Kliment, la sanction financière est une bonne motivation, mais l’objectif de cette mesure est surtout éducatif : les cyclistes et les conducteurs de véhicules à moteur doivent apprendre à se respecter sur la route, et à la partager. C’est d’ailleurs l’objectif de la campagne « Jeden a půl metru » (Un mètre et demi) du projet « Ukaž respekt », dont il est le coordinateur et dans le cadre duquel des cyclistes professionnels attirent l’attention sur le respect de l’autre et des règles de circulation.
Le cycliste professionnel Petr Vakoč est l’un d’entre eux. En 2018, lors d’un stage en Afrique du Sud, il s’est fait renverser par un camion. Souffrant de plusieurs fractures aux vertèbres, il n’a pu reprendre la compétition que l’année suivante. Cet accident lui a donné envie de rejoindre le projet « Ukaž respekt ». Il vit en Andorre, où la distance à respecter lors d’un dépassement de cycliste est de 2 m.
« La République tchèque fait partie des pays les moins courtois envers les cyclistes, c’est certain. Je la situerais dans le tiers inférieur des pays en termes de civilité envers les cyclistes. D’après mon expérience, c’est en Espagne que la situation est la meilleure. En France et en Italie, elle est un peu meilleure qu’en République tchèque, mais ce ne sont pas des pays très courtois. L’Allemagne et l’Autriche me semblent être des pays bien plus courtois. »
Le cyclisme en tant que pratique sportive est assez répandu en République tchèque, mais l’utilisation du vélo en tant que moyen de transport reste l’apanage de villes ou régions au dénivelé indulgent, comme par exemple la région de Pardubice, dans la vallée de l’Elbe. A Prague, les personnes se déplaçant à vélo sont beaucoup moins nombreuses que dans d’autres capitales ou grandes villes européennes, même si leur nombre augmente. Ainsi Alexandr Kliment constate que depuis que le Covid a fait son apparition dans la vie des citadins, il y a beaucoup plus de cyclistes sur les chaussées tchèques. Or nombre de ces nouveaux cyclistes ne connaissent pas forcément les règles de circulation.
De plus, les voitures en Tchéquie n’ont pas l’habitude de partager la chaussée avec des cyclistes, dont elles estiment que la place est sur les pistes cyclables. Par conséquent, l’amendement imposant une distance de 1,5 m lors du dépassement d’un vélo est une bonne mesure ; il faudra cependant du temps pour changer les mœurs et en constater les effets. Mais Alexandr Kliment est convaincu qu’à terme, le nombre d’accidents impliquant vélos et voitures s’en verra réduit.
Actuellement, en République tchèque, quelque 20 % des accrochages graves entre vélo et voiture sont le résultat d’un dépassement mal estimé, d’après l’association AutoMat – qui lutte pour une meilleure qualité de vie dans les villes, notamment en soutenant l’utilisation des transports en commun ainsi que les déplacements à pied et à vélo. Et en cas de blessures graves ou de décès, dans 98 % des cas, c’est le cycliste qui est la victime. Ces dix dernières années, en moyenne, chaque année, 300 accidents impliquant vélo et voiture entraînent des blessures graves ou un décès, ce qui est loin d’être négligeable.
Si tous les conducteurs traitaient les cyclistes avec égards, cet amendement ne serait pas nécessaire
Pour autant, cette nouvelle règle ne fait pas que des heureux. Certains objectent qu’elle sera impossible à respecter dans de nombreux endroits, notamment sur les routes communales, souvent trop étroites. C’est par exemple ce qu’estime le directeur de la police du secteur des transports Jiří Zlý, ou encore Roman Budský, de « Platforma Vize 0 », une initiative visant à améliorer les conditions de circulation en République tchèque. Selon eux, le respect de la règle du 1,5 m pourrait créer des embouteillages importants et lents, ce qui pourrait s’avérer plus dangereux en soi qu’un dépassement trop serré. Pourtant, Petr Vakoč explique l’importance de ces 150 cm :
« Il est essentiel que la distance soit importante. Souvent, le conducteur n’est pas en mesure de l’estimer de façon précise, il peut avoir l’impression d’être à un demi-mètre du cycliste, et pourtant il le heurte avec son rétroviseur. Un mètre et demi, cela peut donner l’impression d’une distance considérable, mais c’est un gage de confort et de sécurité pour le cycliste. De plus, cela garantit qu’une voiture ne doublera un cycliste que lorsque la situation est parfaitement sûre. »
D’autres estiment que le mètre et demi d’écart est trop difficile à estimer et à contrôler. A ces conducteurs, l’avocat Tomáš Kindl, qui est à l’initiative de cet amendement, propose une astuce : 1,5 m correspond à peu près à la moitié de la largeur d’une voie. Ainsi, sur les « routes de première catégorie », à savoir les routes nationales, le conducteur de voiture dépassera convenablement un cycliste en décalant la moitié de la largeur du véhicule dans la voie de gauche ; sur une route étroite, il conviendra de décaler tout le véhicule à contre-voie.
Tomáš Kindl assure que cette nouvelle règle peut être respectée partout ; cependant, il n’est pas forcément possible de dépasser en toute sécurité des cyclistes n’importe où et n’importe quand, et c’est pour cela que cette mesure est nécessaire. Selon lui, les critiques se tairont à mesure qu’ils réaliseront que cet amendement n’a provoqué aucune catastrophe routière, et qu’il « contribue à la culture des bonnes attitudes sur la route ». Ce n’est pas tant la distance de sécurité de 1,30 m ou de 1,80 m qui importe ; ce qui est essentiel, c’est que le conducteur réfléchisse avant d’engager un dépassement.
Le cycliste Petr Vakoč, qui était dans le peloton du dernier Tour de France, a quant à lui un souhait pour l’avenir :
« Je serais très heureux qu’un plus grand nombre de conducteurs de voitures se déplace également à vélo. La popularité croissante du vélo en République tchèque est une façon d’améliorer la civilité envers les cyclistes, et avec des conditions routières plus favorables, il devrait y avoir de plus en plus de cyclistes sur les routes. La meilleure façon d’améliorer la situation, c’est que les conducteurs aient l’expérience aussi bien de la conduite au volant que du guidon. »
Outre ces mesures en faveur de la sécurité des cyclistes, l’amendement du code de la route tchèque adopté le mois dernier prévoit un retrait de deux points de permis pour les conducteurs stationnant sur des places de parking destinées aux personnes à mobilité réduite.
Par ailleurs, l’exploitation des « pivní kola » ou vélos festifs, ces étranges véhicules à pédales équipé d’une tireuse à bière et transportant des bandes d’humeur festive et généralement plutôt bruyantes, sera de facto interdite. Une mesure qui fera certainement le plaisir des autres usagers de la route, et ce qu’ils soient adeptes de l’automobile, de la bécane ou de la petite reine.