Il y a 80 ans était attaquée la Mercedes du « bourreau de Prague » Reinhard Heydrich
Le 27 mai 1942, cette date marque un des événements majeurs de l’histoire tchèque et européenne du XXe siècle : il y a 80 ans jour pour jour a été mortellement blessé à Prague Reinhard Heydrich, le plus haut dirigeant nazi du Protectorat de Bohême-Moravie et l’un des architectes de l’Holocauste.
Une reconstitution historique sur le lieu même de l’attentat, à Libeň, dans le 8e arrondissement de Prague, l’inauguration d’une exposition au Musée national, des débats et rassemblements de souvenir. Tout cela était programmé pour ce vendredi dans la capitale, avec d’autres événements encore organisés un peu partout en République tchèque, à l’occasion du 80e anniversaire de l’attentat contre Reinhard Heydrich, considéré comme le plus grand acte de résistance de la Seconde Guerre mondiale.
Pour comprendre ce qui s’est passé ce 27 mai 1942 en banlieue de Prague, il faut remonter dans le temps. Responsable de la sécurité du Reich, Heydrich est chargé en été 1941 de préparer la Solution finale de la question juive, autrement dit l’extermination des Juifs d’Europe.
Le 28 septembre de la même année, Heydrich remplace Konstantin von Neurath au poste de protecteur du Reich en Bohême-Moravie, avec la mission de renforcer le pouvoir nazi dans le pays. Reinhard Heydrich, 38 ans, physique athlétique et coiffure impeccable, s’attèle à cette mission avec le plus grand zèle : il proclame aussitôt la loi martiale, une mesure suivie d’arrestations de masse, exécutions et déportations en camps de concentration. Ces persécutions visent l’élite tchèque, notamment les généraux impliqués dans la résistance.
Persuadé d’avoir éliminé l’opposition anti-nazie, Heydrich a mis fin à la loi martiale en janvier 1942, sans savoir que la résistance était de fait de plus en plus active. Dès la nomination de Heydrich au poste de protecteur de Bohême-Moravie, le gouvernement tchécoslovaque en exil à Londres a commencé à organiser l’attentat contre « le bourreau de Prague ». Celui-ci a été perpétré par deux soldats parachutistes spécialement entraînés en Grande-Bretagne, Jozef Gabčík et Jan Kubiš, dans le cadre de l’opération Anthropoid. Ils ont jeté une bombe contre la voiture de Heydrich, qui se déplaçait alors depuis sa résidence de Panenské Břežany vers le Château de Prague.
La Radio tchèque a récemment rencontré Helena Vovsová, âgée aujourd’hui de 96 ans. Jeune fille, elle travaillait comme jardinière au château de Panenské Břežany, au nord-est de Prague, où Heydrich vivait avec sa famille. Elle se souvient du jour de l’attentat :
« J’ai vu Heydrich embrasser sa fille Silke, âgée d’environ trois ans. Puis il est monté dans la voiture et il est parti. (…) Plus tard dans la journée, Heinz Hippler est venu nous voir, nous l’appelions Honza, il s’occupait des chevaux d’Heydrich. Il parlait un peu le tchèque. Je travaillais dans la serre et Heinz est venu me dire que le patron avait été assassiné. Alors je me suis figée et j’ai dit : ‘Il est mort ?’ et il a répondu : ‘Noch nicht’, pas encore. C’est la première fois que j’ai entendu dire le mot ‘attentat’, je ne le connaissais même pas. Quand j’y pense, j’ai encore la chair de poule. Nous avions peur, nous ne savions pas ce qui allait suivre. »
Le Sokol tchèque impliqué dans l'attentat
Une semaine après l’attentat, Reinhard Heydrich a succombé à ses blessures. La mort du haut dignitaire nazi engendre une vague de terribles représailles dans le pays : elle touche non seulement les auteurs de l’attentat et leurs collègues soldats, morts dans la crypte de l’église Saints-Cyrille-et-Méthode à Prague, mais également leurs proches et de nombreuses familles tchèques impliquées dans l’organisation de l’attentat. Beaucoup de ces Tchèques étaient membres de l’organisation sportive et éducative Sokol, très active dans la résistance pendant la guerre. L’historien Michal Burian rappelle le rôle qu’a joué ce réseau, constitué de Tchèques ordinaires de Prague et de province :
« Ces familles ont aidé à héberger les auteurs de l’attentat et leurs collaborateurs. Elles les ont nourris et leur ont procuré des vêtements et de l’argent. »
Selon Michal Burian, les résistants locaux ont également fourni aux parachutistes des informations précieuses sur les habitudes de Heydrich. Ils savaient par exemple quand et par quel chemin il se rendait depuis sa résidence à Prague.
« Cette aide a été décisive. Sans ce soutien de la part de la résistance tchèque, l'attentat n‘aurait jamais pu avoir lieu. »
En représailles, les nazis ont rasé deux villages tchèques, Lidice et Ležáky, et ont assassiné plusieurs milliers de Tchèques, notamment dans le camp de concentration de Mauthausen. Parmi eux, les proches du jeune soldat Josef Valčík, membre du groupe Silver A, qui a participé à l’organisation de l’attentat. Lenka Koutná a confié au micro de la Radio tchèque :
« La mémoire est toujours vivante, au sein de notre famille cet attentat reste un sujet controversé. Ma grand-mère était la nièce de Josef Valčík. Agée de trois ans, elle a perdu ses deux parents, ils ont été tués par les nazis. Elle en souffre encore aujourd’hui. Cet attentat était un acte héroïque et nécessaire, mais pour notre famille, il a eu des conséquences terribles. Il ne faut pas oublier ses victimes. »