Caritas République tchèque : « Je sais que nous faisons quelque chose de bien et d’efficace »
Camille Spitaels est originaire de Liège, en Belgique. Depuis plusieurs mois, elle travaille pour la Charité (Caritas) tchèque, la plus ancienne organisation caritative en République tchèque qui est aussi, avec ses 275 antennes locales, 9 000 employés et 50 000 bénévoles, la principale ONG tchèque à fournir des soins médicaux et sociaux. A l’occasion du 100ème anniversaire de la Charité tchèque, Camille Spitaels nous a parlé des activités de l’organisation à l’étranger et de son parcours.
Camille Spitaels, depuis combien de temps vivez-vous en République tchèque ?
« Je suis arrivée en septembre dernier, d’abord pour effectuer un séjour Erasmus à Brno. J’ai vraiment bien accroché avec la République tchèque, alors j’ai décidé de déménager à Prague en janvier 2022. Je termine donc tout doucement ma première année ici… Et je ne compte pas retourner en Belgique, étant donné que je travaille pour Caritas République tchèque. »
Cela veut dire que vous avez terminé vos études ?
« Pas encore, j’écris mon travail de fin d’études consacré à la coopération au développement, donc à l’aide humanitaire et à la gestion des projets. Donc nous sommes à fond dans le sujet ! »
Quelle est votre mission au sein de la Charité (ou Caritas) tchèque ?
« J’ai d’abord travaillé pour les relations publiques et la communication de l’ONG. A présent, je travaille comme ‘desk officer’ pour la mission en Mongolie. Nous soutenons les projets locaux et communiquons avec nos collègues sur place, ainsi qu’avec les donneurs. »
Fondée en 1922, la Charité tchèque est la plus ancienne organisation caritative dans le pays. Peut-on rappeler les moments les plus importants de son histoire centenaire ?
« Tout d’abord, soutenir les personnes dans le besoin fait partie de la tradition catholique. A la fin de la Seconde Guerre mondiale notamment, Caritas a été très actif, soutenant les réfugiés et les survivants des camps de concentration. Pendant la période communiste, ses activités ont été fort freinées. Dès 1989, tout le réseau s’est reconstruit et l’organisation est devenue le plus grand fournisseur d’aide et d’assistance sociale en République tchèque. »
Inondations et tornade
Il y a tout juste 25 ans, début juillet 1997, la Moravie a été frappée par des inondations particulièrement meurtrières : elles ont causé la mort de 50 personnes. La Charité tchèque a été très visible à ce moment-là ; elle s’est beaucoup impliquée dans l’aide aux victimes. Quels sont les moyens qu’elle a mobilisés ?
« C’est le bureau de la ville d’Olomouc qui a tout organisé, parce que le bâtiment où siège Caritas était presque le seul à être alimenté en électricité. L’organisation s’est vraiment occupée de communiquer avec les personnes sinistrées. Par exemple, elle éditait un journal qu’elle distribuait par bateau. En 1998, la Bohême de l’Est a été touchée à son tour par la crue, puis Prague en 2002. Caritas a continué à apporter de l’aide d’urgence aux personnes sinistrées. C’était le cas aussi en juin 2021, lorsque le sud de la Moravie a été dévasté par une tornade. Dans ce cas précis, c’est Caritas Brno qui est devenu le centre d’action. Il a lancé une collecte de dons : elle a permis de récolter une somme record de plus de 361 millions de couronnes, destinée à la reconstruction des maisons endommagées. »
Pouvez-vous dresser un aperçu des services fournis par la Charité tchèque ?
« Chaque année, plus de 170 000 personnes en République tchèque bénéficient des soins de santé et des services sociaux offerts par Caritas : il s’agit de personnes âgées, de mères célibataires et d’autres personnes dans le besoin. A l’étranger, on se focalise sur la coopération au développement. Nous sommes bien évidemment actifs dans l’aide d’urgence, aux personnes sinistrées : je pense en particulier à la Syrie et à l’Ukraine. Mais notre objectif premier est de nous concentrer sur des projets à long terme qui permettent aux personnes sinistrées de se remettre sur pied. »
« Nous sommes présents au Moyen-Orient, en Syrie, en Irak, au Liban, en Mongolie, en Moldavie, en Géorgie et en Zambie, ce qui est notre principal projet, car nous travaillons directement avec l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés. »
« En Mongolie, par exemple, nous soutenons les jeunes qui démarrent leur vie active sur le marché de l’emploi. Nous travaillons aussi sur tout ce qui est gestion du plastique, recyclage etc. »
Ouvrir un café en Syrie
Sur le site svet.charita.cz, nous pouvons lire les histoires de personnes concrètes qui ont été aidées par la Charité tchèque. Parmi eux, Asma, une jeune Syrienne qui a ouvert un petit café dans son pays, ou Sigiro, une réfugiée du Rwanda devenue médecin dans un hôpital zambien. Pouvez-vous nous en dire plus sur leurs parcours ?
« Sigiro, par exemple, a entamé en Zambie des études de médecine que ses parents ne pouvaient plus financer. Grâce à Charitas République tchèque, elle a obtenu une bourse. Aujourd’hui, elle est médecin dans l’un des principaux hôpitaux de Lusaka. En Syrie, Asma avait ce projet d’ouvrir un café-bibliothèque, où les gens pourraient se rassembler. Ce projet lui semblait un peu fou au début, mais finalement, elle a pu bénéficier d’une formation, apprendre les bases de la gestion et ouvrir son café qui a beaucoup de succès. Je pense aussi aux histoires d’agriculteurs syriens, dont l’exploitation a été endommagée et que nous avons aidés. »
Le 24 février reste gravé dans les agendas Caritas
La République tchèque est très active en matière d’aide à l’Ukraine. Comment, concrètement, la Charité tchèque vient-elle en aide aux Ukrainiens touchés par la guerre ?
« Nous voulons surtout remercier le public. Nous avons assisté à une vague de solidarité qui nous a permis de réagir rapidement et efficacement. Au total, nous avons récolté plus de 135 millions de couronnes tchèques en faveur de l’Ukraine. Nous avons pu acheter des kits d’hygiène, des produits alimentaires, du matériel médical destiné à l’Ukraine, ainsi que des générateurs d’électricité. Actuellement, nous commençons à établir une aide sur le moyen terme, c’est-à-dire des installations d’hébergement, des maisons modulaires en particulier. Nous venons également en aide aux réfugiés ukrainiens en Moldavie. »
Camille Spitaels, comment avez-vous vécu le début de la guerre en Ukraine, alors que vous veniez tout juste de vous installer à Prague ?
« C’était la folie. Je pense que ce jour-là est gravé dans les agendas Caritas. Je me souviens qu’on avait un souper du personnel le 24 février. On s’était donné rendez-vous avec une collègue pour y aller ensemble, on traversait la place Venceslas et l’humeur était d’une gravité… En ville, on sentait vraiment le poids de l’actualité. Au sein de Caritas, tout le monde était au téléphone, on commençait à mettre des actions sur pied. Et puis, des coups de téléphone commençaient à arriver de Belgique : on est plus à l’est ici, les mentalités sont différentes et on ne savait pas quelle ampleur allait prendre le conflit. Je n’ai pas pensé au retour, contrairement à ma famille qui s’est inquiétée pour moi. Je sais que nous faisons quelque chose de bien et d’efficace. »
Vous avez dit au début de cet entretien avoir accroché avec la République tchèque. Qu’est-ce qui vous plaît ici ?
« C’est difficile de mettre les mots là-dessus. Je me sens bien ici, en sécurité. J’aime les personnes que je rencontre, mes collègues, le paysage. La République tchèque était une très belle surprise pour moi. »
Avez-vous des coins préférés à Prague ?
« Oui, le quartier de Vyšehrad. J’habite près d’un fleuve en Belgique, alors j’aime la proximité de l’eau, le château et l’ambiance calme du quartier. Et puis, j’aime aussi le parc de Stromovka. »