Frappes russes en Ukraine : la presse tchèque pas surprise, mais encore un peu plus sous le choc
Gouvernement et médias tchèques ont unanimement condamné les frappes russes sur plusieurs villes en Ukraine lundi. Tous estiment que Vladimir Poutine agit désormais en désespoir de cause. Revue de presse et réactions.
Une page blanche, comme le néant, sans photo, sans dessin, sans même la moindre illustration, simplement barrée du titre « Pomsta » (« Vengeance »). Comme s’il ne savait plus comment montrer l’horreur, comme si sa rédaction avait elle aussi été touchée, Deník N s’est contenté de peu de mots et d’un constat lapidaire en une de son édition de ce mardi pour commenter la vague massive de bombardements la veille en Ukraine. « Vladimir Poutine a décidé d’intensifier la guerre qu’il mène contre l’Ukraine. Des dizaines de missiles russes ont touché des cibles civiles dans des villes ukrainiennes partout dans le pays », constate le quotidien indépendant, qui est devenu un des titres de référence sur la scène médiatique tchèque depuis sa création en 2018.
A l’intérieur, le journal consacre pas moins de cinq pages pleines à ce qui est appelé « La guerre de Poutine », dont deux à une interview avec le ministre des Affaires étrangères ukrainien, qui était présent à Prague la semaine dernière pour le premier sommet de la Communauté politique européenne. Dans cet entretien, Denys Chmyhal remercie les Tchèques pour leur soutien et affirme « ensemble nous gagnerons ».
Comme Deník N, qui estime qu’après l’explosion du pont de Crimée - « la fierté de Poutine » - les frappes permettent à un « Poutine humilié d’offrir un spectacle sanglant aux gens chez eux » (comprendre « aux Russes en Russie »), ou comme le site de l’hebdomadaire Respekt qui voit « la vengeance par missiles russe » plutôt comme « un message à l’intérieur du pays », Lidové noviny titre, lui aussi, au-dessus d’une photo montrant un véhicule en flammes dans les rues de Kiev, que « Poutine s’est vengé sur les civils ». Le quotidien considère la réaction de Moscou de « geste aussi compréhensible qu’absurde » qui « ne laisse présager rien de bon pour Vladimir Poutine ».
Alors que, pratiquement dans le même temps, lundi soir, plusieurs centaines de personnes se rassemblaient sur la place Venceslas à Prague pour protester contre les bombardements russes et réclamer un soutien de l’Occident plus important pour l’Ukraine, le chef de la diplomatie, le Pirate Jan Lipavský, s’est, lui, longuement exprimé sur la chaîne d’information de la Télévision tchèque. Évoquant un « terrorisme d’État » ou encore « une méthode de la terreur », le jeune ministre des Affaires étrangères (37 ans) s’est exprimé sans prendre de gants, comme l’ensemble du gouvernement tchèque qui a toujours défendu une position sans équivoque vis-à-vis de la Russie depuis le début de la guerre en février dernier:
« C’est absolument monstrueux, révoltant, ce sont des atrocités de guerre. Malheureusement, ce n’est là rien qui puisse nous surprendre. Nous avons déjà été les témoins de ce type d’attaques au début de la guerre. Ce qui est nouveau, dans une certaine mesure, c’est que le Kremlin n’essaie même plus de prétendre que les attaques ne visaient que des cibles militaires et que lorsque des civils étaient touchés, il s’agissait d’une erreur. Poutine a ouvertement admis qu’il s’agit d’une vengeance pour les événements en Crimée. »
Et alors que la Russie a procédé à de nouvelles frappes ce mardi, touchant également un salon du constructeur automobile Škoda à Zaporijjia, dans le sud-est de l’Ukraine, comme s’en est étonné le ministère des Affaires étrangères tchèque sur son compte Twitter, Hospodářské noviny conclut en comparant le président russe à un boxeur dans les cordes, roué de coups par son adversaire. « Poutine dans le coin essaie de détruire et de semer la terreur en Ukraine », regrette ainsi le quotidien économique. Pour le site Aktuálně.cz, il n'y a donc plus de place pour le moindre doute: « Le criminel de guerre Poutine a transformé la Russie en un État terroriste » et « le temps est venu de placer cette conduite hors la loi ».