Préhistoire : une édition limitée de facsimilés de la Vénus de Věstonice
A l’occasion de l’exposition intitulée « Les plus anciens bijoux et ornements corporels », à voir au pavillon Anthropos du Musée morave de Brno, une édition limitée de facsimilés de la petite Vénus préhistorique de Věstonice a été mise en vente par l’institution.
Discrète, ses apparitions aux yeux du grand public sont rarissimes, et chaque fois un événement en soi. Précieuse, ses déplacements se font sous escorte policière digne d’un haut dirigeant. Toute petite, elle mesure 11,5 centimètres à peine, mais sa renommée est inversement proportionnelle à sa taille menue : mise au jour en Moravie du Sud, la Vénus de Věstonice, 29 000 ans au compteur, est actuellement exposée au pavillon Anthropos du Musée morave de Brno, centre majeur en Tchéquie pour la recherche et la présentation muséographique du patrimoine préhistorique.
Il y a quelques années, des chercheurs ont scanné la figurine en céramique grâce à un microscope 3D spécial, créant ainsi un modèle numérique détaillé. En utilisant les informations du scan, le sculpteur Jiří Pec a créé une réplique de la statuette néolithique, bien plus fidèle et précise que ce qui a pu être fait par le passé.
« Il n’est plus possible de réaliser un moule classique pour la Vénus de Věstonice qui révélerait toutes les irrégularités de la surface. L’original pourrait être endommagé au cours du processus, donc nous avons dû choisir le numérique pour réaliser ce moule. »
Le Musée morave souhaitait créer une copie suffisamment fidèle et représentative qui correspondrait à l’original non seulement au niveau de l’apparence, mais aussi du poids et des détails. Il aura fallu environ un an pour trouver la bonne composition et la bonne couleur pour obtenir un facsimilé au plus près de la réalité comme le souligne Jiří Pec :
« Lorsque vous avez un moulage en plastique, vous avez l’impression qu’il est léger et chaud. Mais lorsque vous tenez cette Vénus, vous avez l’impression de tenir une pierre. En fait, la réplique est vraiment de la matière brute, faite avec de la résine teintée et des pigments colorés. »
On ne le dira jamais assez : la République tchèque en général, et la Moravie en particulier, recèle de trésors archéologiques uniques en Europe. Considérée comme la plus ancienne statuette de céramique au monde, la Vénus de Věstonice est issue de la civilisation dite gravettienne, une culture du Paléolithique supérieur qui couvrait toute l’Europe, depuis la façade atlantique jusqu’en Russie. Elle a été particulièrement florissante dans le bassin dit de Vienne, par extension géographique en Moravie donc. Récemment, le grand préhistorien belge Marcel Otte était revenu pour nous sur la particularité de cette culture :
« Le plus impressionnant, ce sont les statuettes de terre cuite : il y avait donc une maîtrise de la terre cuite, de l’argile, modelée puis cuite. On a même retrouvé des fours à céramique ce qui, ailleurs, n’existe pas avant le Néolithique, avant le VIe millénaire qui est beaucoup plus tard. Cette importante gamme de statuettes humaines ou animales est un reflet de la mythologie. En Occident, il y a l’art pariétal, l’art sur les parois, là il y a un art modelé qui atteste la mythologie. »
Qui dit céramique, de l’argile dans le cas présent, dit nécessité d’avoir des fours pour faire cuire ces statuettes. Or ces populations préhistoriques d’alors étaient des chasseurs-cueilleurs, un mode de vie qu’on n’associe guère avec la sédentarité. Et pourtant, comme le soulignait sur notre antenne Marcel Otte, cette vision est bien trop strictement figée :
« Je pense que le point de départ est faussé, car on associe souvent production alimentaire et sédentarité, et à l’inverse, les prédations avec la mobilité. Je pense que c’est trop radical, il peut y avoir des situations inverses ou mélangées. En tout cas, en ce qui concerne la Moravie, on voit bien qu’il y a bien au moins une partie de la population qui est sédentaire, voire l’ensemble, mais par périodes. Les fours à céramique nécessitent en effet une durée d’occupation importante, pour les bâtir, pour les utiliser et cela semble démontrer qu’il y avait une sédentarité même dans une civilisation prédatrice. Pourquoi pas ? Cela existe en Asie centrale aujourd’hui encore où une partie de la population est mobile et prédatrice alors que l’autre partie est sédentaire et productrice. Il ne faut donc pas écarter l’hypothèse. »
C’est parmi les vestiges d’un foyer préhistorique utilisé jadis par ces fameux chasseurs de mammouths que la Vénus de Věstonice a été retrouvée dans l’entre-deux-guerres.
Considérée par les scientifiques comme un possible symbole de fertilité, la statuette de femme nue est comme nombre de ses consœurs mises au jour un peu partout en Europe caractérisée par la mise en valeur des courbes et des organes sexuels. Si la plupart de ces représentions féminines sont dépourvues de traits du visage, la Vénus de Věstonice est, avec la dame de Brassempouy, une notable exception puisqu’elle présente des yeux stylisés.
Le Musée morave de Brno a créé une édition limitée de 50 facsimilés numérotés, vendus au prix de 690 CZK (28 euros). Un autre lot devrait être mis en vente avant Noël. L’original de la Vénus de Věstonice est actuellement exposé au pavillon Anthropos du musée de Brno dans le cadre d’une exposition à voir jusqu’au 28 février.