Préhistoire : de nouvelles découvertes sur la composition de la Vénus de Věstonice
Véritable trésor archéologique national, la Vénus de Věstonice, cette petite statuette paléolithique considérée comme la plus ancienne figurine de céramique au monde, est composée de fragments de roches et de minuscules fossiles, et non d’os de mammouth comme l’ont longtemps pensé certains archéologues. Les résultats d’une analyse réalisée à l’aide d’un scanner micro-CT ont été rendus publics par le Musée morave de Brno.
Discrète, ses apparitions aux yeux du grand public sont rarissimes, et chaque fois, c’est un événement en soi. Précieuse, ses déplacements se font sous une escorte policière digne d’un haut dirigeant. Haute d’à peine 11,5 centimètres, sa renommée est inversement proportionnelle à sa taille menue.
Mise au jour en 1925 en Moravie du Sud, parmi les vestiges d’un foyer préhistorique utilisé par des chasseurs de mammouths, au milieu d’outils en pierre et d’ossements d’animaux, la Vénus de Věstonice, entre 29 000 et 25 000 ans (avant J.-C.) au compteur, ne cesse de fasciner – et de susciter des questionnements. Sa composition, notamment, a fait l’objet de nombreuses controverses et hypothèses depuis sa découverte.
Les analyses au scanner micro-CT menées par le Musée morave de Brno, qui ont fait l’objet d’un article publié dans le Journal of Archeological Science, ont montré que la petite Vénus préhistorique était en réalité fabriquée à partir d’un seul morceau de pâte céramique composée de fragments de roches et de minuscules fossiles, et non d’os de mammouth, comme le pensait l’archéologue Karel Absolon (1877-1960). Petr Neruda qui est à la tête de l’équipe scientifique à l’origine de cette nouvelle découverte, nous en dit plus :
« C’est une histoire assez compliquée. Nous pensions que la statuette était faite de sédiments de lœss, mais selon Karel Absolon elle était faite d’ivoire et d’os de mammouths broyés. La micro-tomographie devait permettre de déterminer qui avait raison. Nous avons découvert que la Vénus était constituée de sédiments de lœss contenant des petites roches, principalement du calcaire, des nodules calcaires et des microfossiles jurassiques. Tous ceci, ce sont des éléments naturels composant l’argile que l’on peut trouver sur le site de Dolní Věstonice. En ce qui concerne l’ivoire et les os de mammouth, nous savons que le mammouth était un animal très important, d’une grande valeur symbolique, et nous nous attendions à trouver des morceaux d’ivoire de mammouth à l’intérieur de la statuette, mais malheureusement, il n’y a rien. »
La Tchéquie en général, et la Moravie en particulier, recèle de trésors archéologiques uniques en Europe. La Vénus de Věstonice est issue de la civilisation dite gravettienne, une culture du Paléolithique supérieur qui couvrait toute l’Europe, depuis la façade atlantique jusqu’à la Russie actuelle. Elle a été particulièrement florissante dans le bassin dit de Vienne, donc par extension géographique en Moravie.
Qui dit céramique, de l’argile dans le cas présent, dit nécessité de disposer de fours pour faire cuire ces statuettes. Or ces populations préhistoriques d’alors étaient des chasseurs-cueilleurs, un mode de vie qu’on n’associe guère avec la sédentarité. Et pourtant, comme le soulignait sur notre antenne le préhistorien belge Marcel Otte, cette vision est bien trop strictement figée : les populations à l’origine de cette œuvre d’art unique ont tout à fait pu être mobiles et prédateurs tout en étant sédentaires et producteurs.
Dans tous les cas, comme le constatent les chercheurs, la Vénus de Věstonice témoigne à la fois du talent artistique de ces populations, mais aussi de la maîtrise du processus de fabrication :
« La résolution du scanner était absolument excellente et nous voulions pouvoir discerner d’éventuelles zones jointes qui indiqueraient une technologie additive. La Vénus aurait en effet pu être fabriquée en utilisant soit une technique additive soit non additive. Par exemple, les seins auraient pu être façonnés séparément et joints au corps de la Vénus. Mais dans ce cas, nous n’avons pas trouvé de zones de jonction. Cela signifie que l’artiste a façonné le corps de la Vénus à partir d’un seul bloc de pâte céramique. Cela indique par ailleurs que l’auteur – un homme ou une femme, nous ne le savons pas – avait des compétences exceptionnelles, car il s’agit d’une forme assez compliquée et il n’est pas facile de la réaliser à partir d’un seul morceau d’argile. »
Considérée par les scientifiques comme un possible symbole de fertilité, la statuette de femme nue est, comme nombre de ses consœurs mises au jour un peu partout en Europe, caractérisée par la mise en valeur des courbes et des organes sexuels.
Si la plupart de ces représentions féminines sont dépourvues de traits du visage, la Vénus de Věstonice est, avec la dame de Brassempouy, une notable exception puisqu’elle présente des yeux stylisés. Mais la petite Vénus morave est également une beauté fragile, comme le note Petr Neruda :
« Nous avons été surpris de découvrir le nombre de fissures à l’intérieur de la statue. Si les fissures ne communiquent pas avec la surface, cela signifie qu’il y a de l’air à l’intérieur de l’objet qui pourrait le conduire à se briser dans certaines conditions. Donc lorsqu’il s’agit de la transporter par avion, nous devons prendre en compte la possibilité que la diminution de la pression pourrait détruire la statue. C’est pourquoi nous préférons actuellement qu’elle soit déplacée par voie terrestre, ou alors nous devons la placer dans une boîte spéciale qui maintient une pression constante. »
2025 marquera le centenaire de la découverte de la Vénus de Věstonice qui fera l’objet d’une nouvelle exposition exceptionnelle à cette occasion.