Industrie automobile : la fin des moteurs thermiques, un immense défi en Tchéquie et en Slovaquie
Le Parlement européen a donné son feu vert, mardi, à une perspective que redoutent beaucoup d’acteurs de l’industrie automobile et de conducteurs en République tchèque. À partir de 2035, l’ensemble des voitures et véhicules utilitaires légers produits et vendus dans les pays de l’UE devront l’être exclusivement avec des émissions nulles. Pour la République tchèque, dont la bonne santé économique est grandement dépendante de celle de l’industrie automobile et qui possède un important retard en matière de mobilité électrique, le défi à relever s’annonce immense.
L’Union européenne a donc entériné l’acte de décès des véhicules utilitaires légers neufs à moteur thermique. Le texte prévoit de réduire à zéro les émissions de CO2 des voitures et camionnettes neuves à compter de 2035. Après les États membres qui avaient trouvé un accord à l’automne dernier, le Parlement européen a lui aussi approuvé cette réglementation qui est devenue un symbole des objectifs des Vingt-Sept en matière de protection du climat, en particulier pour parvenir à la neutralité carbone à l’horizon 2050. Enfin, pas tout à fait pour tous, si l’on s’en tient, par exemple, aux propos de l’eurodéputé slovaque Ivan Štefanec, pour qui il s’agit même plutôt d’un non-sens :
« Nous ne considérons pas l’arrêt de la production des moteurs thermiques comme la seule solution envisageable. Notre objectif est de décarboniser et non pas de désindustrialiser l’Europe. »
Comme en Slovaquie, où l’industrie automobile est un des moteurs de l’économie (plus de 30 % du total des exportations et près de 180 000 emplois), en République tchèque aussi, où environ un tiers de l’économie dépend de cette activité qui emploie plus de 120 000 personnes, cette volonté du zéro essence et disiel à tout prix est très moyennement appréciée, comme le confirme le Premier ministre conservateur Petr Fiala :
« Je ne suis pas partisan des interdictions, je l’ai toujours dit. Je pense que nous devrions plutôt suivre la voie de la motivation et de la mise à disposition de nouvelles technologies. »
Déjà confrontée ces dernières années au Brexit, à la crise de la Covid, à la pénurie de puces semi-conducteurs et autres composantes ou encore aux conséquences de la guerre en Ukraine, l’industrie automobile tchèque - comme ailleurs en Europe cela dit - va donc devoir face à un défi supplémentaire. À l’image du député européen Mikuláš Peksa, membre du Parti des Pirates, une des formations qui se préoccupent probablement le plus des questions environnementales au sein de la coalition gouvernementale, certains préfèrent toutefois envisager le défi en question comme une nouvelle réalité à laquelle il convient tout simplement de s’adapter :
« Le détournement des moteurs thermiques est quelque chose qui est planifié au niveau national dans de nombreux pays, indépendamment de la décision de l’UE, qu’il s'agisse de pays européens ou non européens comme le Canada ou le Japon. Le marché de l’automobile va changer et si la République tchèque veut rester une puissance automobile, eh bien elle devra s’adapter à ces changements, sinon nos marchés d’exportation disparaîtront d’une façon ou d’une autre. »
Directeur exécutif de l’Association nationale de l’industrie automobile, une organisation qui regroupe tous les acteurs impliqués dans la chaîne de production et dont la page d’accueil du site Internet prétend que la République tchèque est « le meilleur endroit pour l’industrie automobile », Zdeněk Petzl confirme que la révolution, ou plus exactement la transformation de tout un secteur d’activité, est déjà en marche en République tchèque aussi :
« Nous considèrons la décision qui a été prise aujourd’hui (mardi) comme la confirmation d’une chose dont tenons compte depuis déjà un certain temps. Une fois cela dit, cela ne signifie pas que la fin des moteurs thermiques d’ici 2035 soit quelque chose de simple. »
Cela fait ainsi déjà quelques années que la direction de Volskwagen, dont Škoda Auto est une filiale, a annoncé que le groupe ne développera pas de nouvelle génération de moteurs thermiques. Au début des années 2030, ce ne sont donc plus que des modèles électriques qui devraient sortir des trois grands sites de production de Škoda en République tchèque. Et ce bien que 2035 ne constitue pour l’heure pas encore une date butoir. En effet, l’ambition européenne sera réexaminée une première fois dans trois ans, puis ensuite tous les deux ans, comme le souligne Radek Špicar, vice-président de la Confédération de l’industrie et des transports de République tchèque :
« 2035 est un objectif très ambitieux et le remplir ne sera pas simple du tout pour les constructeurs automobiles européens. C’est pourquoi il est important que la Commission européenne ait fixé l’année 2026 comme étape pour évaluer si 2035 est bien un objectif atteignable ou, au contraire, s’il convient de le modifier et de le repousser à un peu plus tard. »
En attendant, un peu plus de 1,2 million de nouveaux véhicules utilitaires légers sont sortis des usines des trois constructeurs automobiles installés en République tchèque (outre Škoda Auto, Hyunday et Toyota) en 2022. Sur ce total, seulement 11 % (près de 135 000) n’étaient pas des voitures à moteur thermique : parmi celles-ci, 87 000 étaient des véhicules uniquement équipés d’un moteur alimenté par une batterie, le reste (48 000) étant des modèles hybriodes.
Plus intéressant, parmi les quelque 192 000 voitures neuves qui se sont vendues en République tchèque en 2022, seulement 2 % étaient des modèles entièrement électriques pour 1,7 % d'hybrides.
Autant de chiffres qui font de la République tchèque, après la Slovaquie, le pays où la part de l’électrique dans le parc automobile est la plus faible au sein de l’UE. Un retard particulièrement important reste donc à combler dans un pays où, inversement, et comme dans les autres pays d’Europe centrale et de l’Est, l’âge moyen du parc automobile est nettement supérieur à la moyenne des Vingt-Sept. Aux yeux de Radek Špicar, la République tchèque possède ainsi déjà un important retard sur trois points en particulier :
« Le développement de la mobilité électrique est encore très lent en République tchèque. Le problème reste le plus faible pouvoir d’achat des Tchèques par rapport aux pays d’Europe occidentale, ce qui complique l’achat de véhicules dont le coût d’acquisition est toujours relativement élevé. La deuxième chose est que le gouvernement tchèque, là aussi à la différence de plusieurs pays en Europe occidentale, ne propose pratiquement aucune aide, aucun bonus, pour l’achat d’une voiture électrique. Et enfin, et ce n’est pas le facteur le moins important, les infrastructures pour ce type de mobilité ne sont pas encore suffisamment développées. »
Pour se mettre aux normes européennes et ne pas faire figure de mauvais élève, c’est donc un immense chantier qui attend l’ensemble des acteurs de l’industrie automobile, des politiques et des conducteurs tchèques dans les dix à douze prochaines années.