Presse : « La tentative de meurtre de Robert Fico en Slovaquie change toute l'Europe centrale »
Les retombées de l’évolution en Slovaquie sur la Tchéquie et les leçons à en tirer continuent à intéresser les médias tchèques. Autres sujets traités : l’électromobilité en Tchéquie, la fragmentation sans précédent de la gauche locale et évidemment le Championnat du monde de hockey sur glace.
« Après la tragédie survenue en Slovaquie allons-nous devenir gentils les uns envers les autres ? » : la question qui a été soulevée par le quotidien Hospodářské noviny quelques jours après l’attentat contre le Premier ministre slovaque Robert Fico survenu le 15 mai et à laquelle son éditorialiste a répondu par la négative. « Les appels à l’apaisement du climat au sein de la société lancés par des hommes politiques, des syndicalistes, des personnalités publiques ne semblent pas avoir d’effet », écrit-il avant de proposer une explication :
« Pendant près de trente ans nous étions une société pas très unie mais pas tout à fait hostile. La première raison est que nous avons longtemps eu un intérêt et un objectif en commun : le ‘retour à l’Europe’. Cet objectif a été atteint en 2004 avec l’adhésion du pays à l’Union européenne. Et puis, plus rien. Les chemins des différentes parties de la société ont divergé, les intérêts se sont disloqués, cédant place à la désillusion sociale, à l’incertitude et à l’hostilité. Une autre raison est l’expansion des réseaux sociaux. Auparavant, il n’a jamais été aussi facile de former une ‘masse’ qui déteste sincèrement ‘l’autre’. »
La troisième raison des fossés au sein de la société est liée à la situation internationale. La guerre en Ukraine, comme l’indique l’éditorialiste du journal économique, a radicalisé le discours social et politique :
« Les attaques politiques réciproques se sont précédemment concentrées sur des questions d’ordre économique ou concernant le niveau de vie, les pensions, la qualité des infrastructures, l’éducation, les soins de santé. Une chose tout à fait tolérable, même si le vocabulaire des politiciens devenait grossier et que l’hostilité augmentait. Mais depuis, c’est la peur qui a commencé à être utilisée dans la communication politique. »
« La démocratie basée sur la discussion est révolue. Le temps des luttes tribales arrive, pour l'instant dans les coulisses des processus et des institutions démocratiques », avertit en conclusion l’éditorialiste.
Imposer un autre débat politique
Le ton de l’article consacré à ce même sujet et publié dans l’hebdomadaire Respekt est moins alarmiste, bien que l’attentat contre Robert Fico, comme il l’écrit, nous touche directement :
« La fusillade qui s’est produite le 15 mai et qui a blessé un dirigeant politique rigoureusement surveillé d’un État membre de l’UE change toute l’Europe centrale. C’est un événement à travers le prisme duquel il faut désormais évaluer tout débat politique qui, ces dernières années, était mené conformément aux normes des réseaux sociaux, un environnement sans règles et sans responsabilité. La question de savoir que faire pour éviter qu’une tragédie semblable à celle de Handlová en Slovaquie ne se produise en Tchéquie doit donc faire partie de l’agenda politique ».
Cet événement tragique est généralement perçu, comme le rappelle l’éditorialiste de Respekt, comme le fruit d’un climat hostile. Un constat qui doit intéresser les Tchèques, car « ils ont une longue expérience avec la haine en politique et ce depuis déjà les années 1990 ».
Le refus de l’électromobilité : un des sujets percutants pour les élections européennes en Tchéquie
« Dans les pays post-communistes, l’électromobilité est mal vue, plus qu’ailleurs », titre une note publiée dans le quotidien Lidové noviny. Le fait que l’un des partis tchèques en lice pour les élections européennes s’appelle ‘Motoristes pour eux-mêmes’ est, selon son auteur, éloquent. D’autant plus que les sondages donnent à ce parti monothématique et fortement eurosceptique - qui forme une coalition avec le parti Přísaha (Serment) - une assez grande chance de franchir la barre de 5% nécessaires pour être représenté au Parlement européen :
« Tout indique qu’une sorte de rideau de fer persiste toujours s’agissant du rapport à l’égard du moteur à combustion. Même si l’électromobilité ne s’impose pas facilement non plus dans la partie occidentale du continent, elle ne s’y heurte pas à un tel refus comme en Tchéquie. Sous le régime communiste, les Tchèques n’avaient pas un accès facile aux automobiles, leur choix étant à l’époque très restreint et leur achat difficile. Point étonnant donc que l’offre variée de voitures occidentales de qualité soit devenue un des symboles de l’heureuse transformation de la société après la chute du régime et que beaucoup de gens ne veuillent pas renoncer à ce qu’ils considèrent comme une des acquisitions de la révolution dite de Velours. Difficile donc pour eux de s’adapter à des voitures électriques chères qui disposent d’un faible réseau de stations de recharge. »
« Un nombre record de nouveaux véhicules électriques a été enregistré en Tchéquie l’année dernière. Se situant autour de 3 %, leur part de marché est pourtant l’une des plus faibles en Europe », précise encore l’article.
La gauche en Tchéquie fragmentée plus que jamais
Ces derniers temps, la question de savoir où la gauche en Tchéquie a disparu et quel est son avenir préoccupe souvent les médias locaux. Le site Seznam Zprávy indique à ce propos :
« A l’instar de la Slovaquie, la Tchéquie a le luxe d’avoir deux partis politiques qui se déclarent être ‘social-démocrates’. Le premier, vieux de 145 ans, s’appelle Social-démocratie (SOCDEM) et le second, Souveraineté tchèque social-démocratie (ČSSD). Le conflit à propos de leur nom entre ces deux partis illustre parfaitement la misère actuelle de la gauche locale. Celle-ci est fragmentée en des partis minuscules qui essaient de s’imposer avec des noms différents et des logos modifiés, mais toujours avec de vieux visages et des griefs mutuels. Pour les électeurs, il est évidemment difficile de s’y retrouver. Or, jusqu'à présent, tous ces efforts ont été vains. »
« Où est passée donc la gauche ? », s’interroge le chroniqueur de Seznam Zprávy. Il répond :
« La gauche traditionnelle a perdu sa crédibilité, ce qui est particulièrement pénible pour la Social-démocratie qui a fait partie de quatre coalitions gouvernementale et a eu cinq premiers ministres depuis 1989. Évidemment, les électeurs de gauche n’ont pas disparu, mais ils favorisent de nouveaux partis et mouvements concurrents qu’ils trouvent plus attrayants. Tout indique qu’en Tchéquie, les questions socio-économiques sont reléguées au second plan, la question du changement de sexe, par exemple, suscitant davantage d’intérêt et d’émotion. »
L’absence des Russes aux Championnats du monde de hockey sur glace
« Les Russes qui sont absents pour des raisons évidentes aux Championnats du monde de hockey sur glace à Prague et à Ostrava ne manquent pas. » C’est ce que constate un texte publié sur le site Novinky.cz. Son auteur explique pourquoi:
« Dans le passé, les matchs entre la sélection tchèque et la Russie étaient intéressants, captivants et de grande qualité, tout comme l’étaient ceux d’autres équipes de premier plan. Mais même sans la présence des hockeyeurs russes, les championnats de cette année ont offert nombre de matchs intéressants et équilibrés, ainsi que de résultats surprenants. Par ailleurs, l’échelon supérieur du hockey est depuis le début de ce millénaire beaucoup plus large que précédemment, quand les quatre ou cinq mêmes équipes, la russe en premier lieu, avaient la chance de gagner. «
« La décision de la Fédération internationale de hockey sur glace est juste : les athlètes de pays qui ont déclenché une guerre offensive n’ont rien à faire aux championnats », souligne le chroniqueur du site Novinky.cz. La participation d’athlètes russes à des compétitions sportives internationales et en particulier aux Jeux olympiques est, selon lui, une honte et une grave erreur. Il salue la décision de la Fédération qui interdit à la Russie et au Belarus de participer à la compétition également l’année prochaine.