Presse : comment la guerre en Ukraine a « humanisé » les Tchèques
La guerre en Ukraine, un an après le début de l’invasion russe, et les différents aspects de ses retombées sur la société tchèque sont un des sujets largement évoqués dans les médias tchèques cette semaine. Autres sujets traités : la nouvelle position européenne de la Pologne, voisine de la Tchéquie, la victoire des hockeyeurs tchèques, il y a 25 ans, aux JO de Nagano ou encore les réformes économiques.
« La guerre en Ukraine nous a humanisés », estime l’auteur d’un texte mis en ligne sur le site Aktualne.cz. L’accueil de quelque 470 000 réfugiés en l’espace d’un an et l’aide qui leur est apportée en sont, selon lui, le meilleur exemple :
« Il y a encore un an, cette solidarité dont la force a surpris jusqu’à nous-mêmes, était difficilement imagineable. Après le non catégorique à l’accueil de réfugiés (syriens) lors de la crise migratoire de 2015, la volonté d’aider les réfugiés ukrainiens est un grand tournant et constitue un immense succès. L’important est que ce soutien et cette aide à l’Ukraine perdurent. »
L’auteur précise que proportiellement à sa population (10,5 millions d’habitants), la Tchéquie est le pays qui, en Europe centrale et de l’Est, a accueilli le plus grand nombre de gens fuyant la guerre. Quant à l’ampleur de l’aide, selon l’agence Globsec, elle est la quatrième la plus importante. Aktualne.cz souligne encore :
« Nous aidons les réfugiés ukrainiens en les accueillant chez nous. Mais eux aussi nous aident en intégrant un marché du travail qui souffre, comme d’autres pays en Europe, d’une pénurie de main-d’oeuvre. Nous devons donc mettre tous les moyens en œuvre pour qu’ils fassent le choix au bout du compte de rester en Tchéquie. La valeur qu’ils ont pour nous est plus grande que celle que nous avons pour eux. »
Le quotidien Deník signale, pour sa part, que « côté tragique de la situation mis à part, l’arrivée de ces réfugiés ukrainiens est pour la Tchéquie, dont le taux de chômage varie ces derniers mois autour de 3 %, comme un rêve économique qui se réalise ».
Les entreprises tchèques solidaires avec l’Ukraine
La coopération entre la Tchéquie et l’Ukraine est un autre point passé au crible par Hospodářské noviny. Le quotidien économique a publié une analyse du président de l’Union de l’industrie et des transports dans laquelle on peut lire :
« D’un point de vue strictement commercial, l’Ukraine n’a jamais constitué un marché important pour la Tchéquie. La part des ventes de biens et services en Ukraine, d’une valeur de près de 30 milliards de couronnes, ne représente que 1 % du volume total des exportations tchèques. Mais l’Ukraine est un pays qui nous est proche, tant culturellement que sur le plan des valeurs. C’est là la source de l’immense solidarité exprimée par les Tchèques à son égard. Les entreprises tchèques aussi ont fait preuve de responsabilité et d’assiduité, la grande majorité d’entre elles se sont engagées activement, financièrement et matériellement, pour aider un pays sinistré et les réfugiés ».
Hospodářské noviny rappelle que des entreprises tchèques participent d’ores et déjà aux différents projets de reconstruction des infrastructures ukrainiennes sous forme, par exemple, de la fourniture de matériel.
C’est désormais de combat qu’il convient de parler
Il est rare que les présidents russe et américain prononcent un discours le même jour sur un même sujet : en l’occurence pour dessiner ce à quoi le monde ressemblera demain. C’est pourtant, comme constate le site Novinky.cz, ce qui s’est produit mardi 21 février :
« Cela fait longtemps que nous nous sommes habitués au fait que le président russe Vladimir Poutine dise des choses qui ne correspondent pas à la réalité. Son discours prononcé devant les membres de la Douma est un bon instrument pour l’étude des mensonges, des fausses informations et de propos démagogiques qui sont d’ailleurs en parfaite harmonie avec ceux diffusés par la cinquième colonne prorusse en Tchéquie. Le discours de Poutine peut se résumer en une phrase : nous haïssons les valeurs occidentales et c’est pourquoi nous combattrons jusqu’à l’épuisement des réserves matérielles et humaines. L’appel du dictateur russe s’est heurté à une riposte indirecte de Joe Biden : nous soutiendrons l’Ukraine dans son combat pour empêcher la Russie de gagner. »
Le temps du combat a succédé à celui de la paix, observe encore l’auteur. Un message qui va d’ailleurs dans le sens de l’avertissement lancé également par le chef de l’état-major de l’Armée tchèque, Karel Řehka.
La nouvelle place de la Pologne dans l’Europe
La une du quotidien Mladá fronta Dnes du jeudi 23 février est revenue sur la rencontre de Joe Biden avec les leaders de neuf pays du flanc est de l’OTAN à Varsovie pour rapporter que « la Pologne, qui était auparavant en conflit avec la Commission européenne, émerge désormais comme un leader du bloc européen ». Le journal précise :
« Au cours de l’année, le rôle de la Pologne s’est radicalement transformé. Le gouvernement polonais est devenu le principal moteur européen de la résistance occidentale face à l’agression russe. Ce n’est pas donc un hasard si le président américain s’est rendu à Varsovie pour la deuxième fois en l’espace de onze mois. »
Varsovie joue un rôle clé aussi dans l’opération de persuasion visant à durcir la position de l’Occident à l’égard de la Russie. Le quotidien généraliste estime également que compte tenu des investissements considérables prévus dans le domaine de la défense, la Pologne pourrait devenir la première force militaire en Europe.
La victoire des hockeyeurs tchèques aux JO de Nagano, bien plus qu’un simple succès sportif
« Difficile, voire impossible, d’imaginer un sujet qui rassemblerait davantage l’ensemble de la société tchèque. Un sujet qui comblerait les fossés causés par les élections, la composition du gouvernement, l’inflation, le rapport envers l’Union européenne ou la guerre en Ukraine. Pour en trouver un autre, il faut remonter 25 ans en arrière », peut-on lire dans Lidové noviny. Le quotien évoque la victoire de la sélection tchèque de hockey sur glace aux Jeux olympiques d’hiver de Nagano en 1998 :
« Célébré par le pays entier, ce sacre était bien plus qu’un simple succès sportif. A l’époque, la République tchèque n’existait que depuis cinq ans, sa situation politique était fragilisée notamment par la chute du gouvernement. Le triomphe des ‘gars de Nagano’ a rempli les gens de bonheur et leur a fait vivre les plus belles émotions. C'est un moment que l’on pourrait comparer à celui qu'ont vécu les Allemands de l’ouest en 1954 après la victoire de leur équipe à la Coupe du monde de football. »
Le succès des hockeyeurs tchèques à Nagano, comme l’observe encore Lidové noviny, peut être perçu comme un moment de définition de l’Etat et de la société tchèques auquel tout le monde ou presque se réfère. « Un moment que la société divisée aimerait revivre, mais sans savoir comment faire pour qu'il en soit ainsi », ajoute-t-il.
A la mi-temps des élections, le temps des douloureuses réformes économiques
Le gouvernement de Petr Fiala dispose d’un an et trois mois avant les prochaines élections, européennes, prévues en 2024. S'il ne s’agit pas de la plus longue période « sans élections » dans l’histoire du pays, elle représente pourtant, comme l’estime le site conservateur Echo24.cz, une occasion rare. Pourquoi ?
« Parce que le cabinet actuel n’est pas fragilisé par de profonds conflits intérieurs comme les cabinets précédents. C'est donc l’occasion pour lui de profiter des seize prochains mois pour mettre sur pied des mesures d’urgence économiques. Il envisage, par exemple, de réviser sa déclaration de politique générale, avant de se pencher sur le paquet fiscal et la réforme des retraites. Sur ce dernier point, il entend lancer un débat pour trouver un consensus avec l’opposition afin que le nouveau système soit viable pour les décennies à venir. C'est là un débat qui s’annonce particulièrement houleux. »