Poutine dans un sac mortuaire : les politiciens tchèques n’en font-ils pas trop ?
Une ministre de la Défense qui s’affiche sur les réseaux sociaux habillée d’un tee-shirt avec l’inscription « F.ck you, Putin » ou un ministre de l’Intérieur qui, sur la façade du ministère, fait installer une immense toile sur laquelle Vladimir Poutine est représenté comme un cadavre. Depuis le début de la guerre, le gouvernement tchèque n’a eu de cesse d’exprimer son rejet de l’agression russe en Ukraine. Mais même à Prague, des voix parfois critiques s'élèvent pour se demander si certains politiciens ne poussent pas le bouchon trop loin.
Tandis que les médias russes ont critiqué l’installation sur le bâtiment du ministère tchèque de l’Intérieur, avec un Vladimir Poutine placé entre les drapeaux tchèque et ukrainien et dont seule la tête dépasse d’un sac mortuaire, les médias ukrainiens, eux, ont rappelé que ce n’était pas la première fois que des dirigeants tchèques critiquaient sévèrement le président russe. En République tchèque aussi, l’initiative du ministre de l’Intérieur a été diversement appréciée, contraignant ainsi Vít Rakušan à défendre sa vision des choses. Mais à l’entendre, le ministre s’était préparé à ce que l’initiative suscite des réactions très diverses :
« Ce n’était pas mon idée, nous avons coopéré avec l’organisation ‘Dekomunizace’ et des employés du ministère en charge de la communication stratégique ont également participé au projet. Même si l’initiative a suscité de l’enthousiasme en Ukraine, c’est d’abord le public tchèque que nous voulions cibler. Depuis le début de ma carrière, je m’efforce de rassembler les gens plutôt que de creuser des fossés, mais là, je le reconnais, ma volonté était de provoquer. De montrer du doigt la cinquième colonne, l’ennemi et le mal. De dire que Poutine incarne le mal. Nous n’avons pas peur de caricaturer Hitler, nous n’avons pas eu peur de caricaturer par exemple Saddam Hussein, donc pourquoi faudrait-ila voir peur de caricaturer Poutine ? Et si cette initiative a soulevé la question de savoir si on peut se permettre de caricaturer le mal que représente l’agression russe en Ukraine, et j’ai vu ce mal sur place, alors j’estime que le débat est légitime et je suis satisfait que l’on en discute. »
La toile a été installée, pour une semaine, vendredi dernier, 28 octobre, jour de fête nationale en République tchèque et du 104e anniversaire de la fondation de l’État tchécoslovaque libre et indépendant. Dans la matinée, sur son compte Twitter, Vít Rakušan, leader du parti Maires et Indépendants, une formation libérale de centre-droit, avait publié une photo de la toile accompagnée de ce commentaire :
« Nous savons qui est notre ami qui saigne pour notre liberté. Et nous savons aussi qui est notre ennemi, et nous ne le laisserons pas voler la notion du patriotisme pas même à notre République tchèque. »
Lundi dernier, soit trois jours après l’apparition de la toile sur la façade du ministère, Vít Rakušan faisait partie de la délégation ministérielle tchèque qui s’est rendue à Kiyv pour participer à une réunion essentiellement d’ordre symbolique avec le gouvernement ukrainien. Alors que la République tchèque assure la présidence tournante de l’Union européenne, ce voyage a été un autre moyen pour Prague d’exprimer sa solidarité avec l’Ukraine.
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Dans cette délégation figurait également la ministre de la Défense, Jana Čerrnochová, membre du parti conservateur ODS, que dirige le Premier ministre Petr Fiala. Le 7 octobre, jour des 70 ans de Vladimir Poutine, Jana Čerrnochová avait elle aussi publié sur son compte Twitter un selfie sur lequel elle apparaissait avec un tee-shirt barré des inscriptions en bleu et jaune « Fuck you, Putin », « Gloire aux héros » et du motif d’un doigt d’honneur en forme de squelette.
Comme d’autres personnalités engagées publiquement, la ministre, qui elle non plus ne manque jamais une occasion d’exprimer son soutien à l’Ukraine et sa haine du régime de Poutine, avait reçu ce maillot des organisateurs de l’incitative « Un cadeau pour Poutine », nom de la grande campagne de financement participatif largement médiatisée qui a permis l’achat et l’envoi récemment en Ukraine d’un char d’assaut.
Toutefois, comme l’a aussi souligné un commentateur du site d’information Echo24.cz en forme de rappel au gouvernement, « nous ne voulons pas la mort d’un tyran, nous ne voulons pas la mort de Poutine, c’est devant la justice que nous voulons le traduire pour un procès équitable. »