Presse : un nouveau souffle au Château de Prague
Cette nouvelle revue de presse propose d’abord quelques observations en lien avec l’investiture du président Petr Pavel et un regard sur le Château de Prague tel qu’il s’est présenté ces dernières années. Elle s’intéresse également aux doutes liés à l’élection présidentielle au suffrage universel direct. Le scepticisme des Tchèques quant à leur avenir est un autre sujet traité. Avec enfin le film Il Boemo, sacré meilleur film de 2022.
« Le quatrième président de la République tchèque, le deuxième à avoir été élu au suffrage universel direct, entre en fonction », titre un texte publié dans le quotidien Lidové noviny la veille de l’investiture, ce jeudi, de Petr Pavel. La passation de pouvoirs avec le président sortant Miloš Zeman a permis à son auteur d’observer :
« Contrairement à son prédécesseur, Petr Pavel défendra une politique étrangère prooccidentale qui sera en harmonie avec la position de la coalition gouvernementale de Petr Fiala. Il entend également, comme il l’a déjà signalé, coopérer non seulement avec le cabinet et d’autres représentants constitutionnels, mais discuter également avec l’opposition. D’un autre côté, il ambitionne de faire des visites dans les différentes régions du pays pour maintenir le contact avec leurs habitants. »
Le nouveau chef d’Etat se dit déterminé à être un président actif. D’autant plus que l’élection au suffrage direct renforce solidement son mandat présidentiel et lui offre un large champ d’action. Par ailleurs, il détient un record, car jamais encore un politicien tchèque n’a été plébiscité par les voix de plus de trois millions d’électeurs. A ce propos, le chroniqueur de Lidové noviny a averti :
« Petr Pavel est un débutant politique qui avoue ne pas être un expert en économie. S’il n’arrive pas à imposer un sujet important ou s’il soutient une solution discutable ou impopulaire, sa cote auprès de la population pourrait rapidement fléchir. Une situation qui amoindrirait son espace de manœuvre pour son agenda politique. De toute façon, tout en étant le deuxième coureur en lice, Petr Pavel sera un précurseur. »
Finie l’époque de fermetures au Château de Prague
« Sous les deux mandats présidentiels de Miloš Zeman, le Château de Prague n’a pas servi seulement en tant que chancellerie présidentielle, mais il est également devenu un bastion contre le terrorisme, un lieu qui accueillait des soirées, des fêtes d’anniversaire privés et différents événements commerciaux. Son enceinte a également subi toute sorte de remaniements et de rénovations. » C’est ce qu’indique le quotidien Deník N qui précise :
« L’entrée libre au Château de Prague par sa principale porte monumentale a été fermée depuis 2016. En lien avec les attaques terroristes commises dans plusieurs métropoles européennes, la chancellerie présidentielle a équipé l’ensemble des entrées avec des postes de contrôle. Pendant la présidence de Zeman, ce sont aussi certaines parties du magnifique Jelení příkop (Le fossé aux Cerfs) qui ont été fermées, sous prétexte de mesures de sécurité et en raison des travaux de rénovation qui se sont étendus sur cinq années au lieu des dix mois prévus. Cette fermeture a concerné également les Jardins du sud, leurs vastes espaces verts entourant le plus grand complexe de château au monde. Autant de localités que l’ancien président Václav Havel avait fait ouvrir au public, dès la chute du régime communiste en 1989. »
Mais le Château de Prague de ces dernières années, comme l’indique le journal Deník N, a à son compte également certains points positifs qui concernent notamment la réalisation de plusieurs reconstructions de bâtiments et d’objets historiques. A noter, par exemple, la rénovation globale du tombeau royal à la cathédrale Saint-Guy à l’occasion du 700e anniversaire de la naissance de l’empereur Charles IV.»
L’élection présidentielle au suffrage universel direct sème des doutes
L’élection présidentielle au suffrage universel direct qui a été introduite en Tchéquie en 2013, donnant suite à la volonté majoritaire du public, n’a pas fait ses preuves, constate d’un ton déterminé un éditorialiste de Hospodářské noviny. Il explique pourquoi :
« Tenue pour la troisième fois, la dernière de ces élections a révélé son côté problématique. Au bout d’une campagne brutale de quelques mois, on voit une société profondément polarisée. On n’arrive pas à mesurer la profondeur du fossé entre les camps opposés, mais nul ne doute que celui-ci existe. De même, l’élection présidentielle au suffrage direct a affaibli les partis politiques. Les trois élections ainsi organisées ont montré que les électeurs ne voulaient pas de candidat étroitement lié à un parti politique traditionnel. Le système politique tchèque est pourtant basé sur ‘un concours libre des partis’. Pour cette raison, ce sont des gens politiquement expérimentés, lisibles pour le large public qui devraient occuper les hautes fonctions. ‘Tabula rasa’, Petr Pavel pourra nous apporter plus d’une surprise. C’est ce que les premières semaines qui se sont écoulées depuis son élection ont effectivement confirmé ».
Le dernier argument évoqué est que cette façon d’élire un président coûte cher.
La crise et le scepticisme tchèque
« Les Tchèques s’inquiètent pour leur situation plus que les autres populations en Europe ». Un constat mis en relief dans un texte mis en ligne sur le site Seznam Zprávy, dans lequel on pouvait lire :
« La crise, les craintes d’avenir et de perspectives sombres constituent un point que la Tchéquie et plusieurs autres pays de l’Europe centrale ont désormais en commun et qui les a de nouveau unis. Tel semble être le principal message issu des recherches effectuées en janvier et en février par l’agence Eurobaromètre. Leurs résultats indiquent en effet que seulement un cinquième des habitants des pays comme la Tchéquie, la Pologne, l’Autriche, l’Allemagne, la Slovaquie ou la Hongrie croient que leur vie va s’améliorer au cours de cette année. Ce pessimisme centre-européen, ‘inné aux gens de la région’ selon certains observateurs, les distingue du reste de l’Europe et touche non seulement la vie privée mais plus encore la situation financière des gens ».
Les Tchèques, quant à eux, sont à ce propos plus sceptiques encore que les autres pays voisins. L’explication, selon les experts cités par Seznam Zprávy, est évidente : une inflation et une hausse des prix de l’énergie parmi les plus élevés dans le cadre de l’Union européenne. La proximité de la guerre en Ukraine est un autre facteur qui nourrit fortement les inquiétudes des Tchèques.
Le sacre du film Il Boemo ou l’éloge d’un choix conservateur
Selon la critique de cinéma de l’hebdomadaire Respekt, il y a lieu de saluer le sacre du film Il Boemo qui a obtenu le Lion tchèque du meilleur long métrage de 2022. Elle écrit :
« Cette année, les Lions tchèques décernés samedi dernier au Rodolphinum à Prague se sont distingués par un atout remarquable et surprenant. C’est que chacun des films nommés aurait pu gagner à juste titre le premier prix. Finalement, le jury a favorisé, comme prévu, un biopic qui retrace la vie du compositeur tchèque du XVIIIe siècle Josef Mysliveček, tombé dans l’oubli malgré son impressionnante carrière italienne. Ce sont aussi le réalisateur du film Petr Václav et plusieurs de ses collaborateurs qui ont été sacrés. »
La chroniqueuse de Respekt admet qu’il y a des films tchèques formellement plus expressifs et plus compacts qui auraient peut-être mérité davantage ces prix. Par ailleurs, c’est le film Arved que la critique tchèque avait récemment récompensé comme le meilleur film de l’année écoulée. Elle estime cependant :
« La victoire d’Il Boemo est un choix conservateur. Toutefois, vu les résultats discutables de certaines éditions précédentes des Lions tchèques, le goût conservateur dont les membres du jury ont fait preuve est finalement une bonne nouvelle. En plus, c’est un film qui a la chance de ressusciter l’intérêt des spectateurs pour le cinéma tchèque ».