JO de Paris : à Prague, création d’un groupe d’experts pour empêcher les sportifs russes de participer
Les sportifs russes et biélorusses peuvent-ils être autorisés à participer aux Jeux olympiques à Paris l’année prochaine ? En République tchèque, la réponse à cette question est majoritairement négative. Dernière preuve en date, jeudi, le Comité olympique tchèque (ČOV) a annoncé la création d’un groupe d’experts indépendant qui sera chargé de trouver des arguments juridiques justifiant la non-participation de représentants russes et biélorusses aux Jeux.
Le ČOV n’a d’abord pas très bien su sur quel pied danser. Début février, après que le Comité international olympique (CIO) a esquissé les modalités d’une éventuelle réintégration sous bannière neutre des athlètes russes et biélorusses, son président Jiří Kejval, assez gêné aux entournures, avait ainsi déclaré que, quoiqu’il advienne de cette idée, la République tchèque ne boycotterait pas les Jeux de Paris.
Un mois plus tard, un boycott n’est pas davantage envisagé à Prague. Entretemps, toutefois, du nouveau président de la République Petr Pavel au Premier ministre Petr Fiala en passant par le chef de la diplomatie Jan Lipavský, la grande majorité des politiques tchèques ont clairement exprimé leur opposition à la participation des athlètes russes et biélorusses. Ceux-ci ont été mis au ban du sport mondial suite à l’invasion de l’Ukraine en février 2022. Mercredi, le Sénat tchèque est même allé encore plus loin en appellant le ČOV à empêcher cette éventuelle participation « par tous les moyens ».
Et dans un communiqué publié sur son site Internet jeudi, le ČOV a lui aussi rappelé sa position, désormais dépourvue de toute ambiguïté :
« Le Comité olympique tchèque s’oppose clairement à la participation de la Russie et de la Biélorussie aux Jeux olympiques de Paris 2024. Il soutient les sanctions toujours en vigueur, selon lesquelles les athlètes russes et biélorusses ne peuvent pas participer à des compétitions sportives. »
Reste que ce n’est bien évidemment pas à Prague que la décision de réintégrer, ou non, les sportifs russes et biélorusses dans le giron du sport international sera prise, comme l’a rappelé Jiří Kejval :
« Bien que beaucoup de gens pensent le contraire et que l’on ait tendance à nous attribuer ici des capacités surnaturelles, ce n’est pas dans cette maison que la question de savoir si les Russes et les Biélorusses iront aux JO sera tranchée. Le CIO regroupe 206 comités nationaux, et donc 206 pays, qui, indépendamment de leur taille, ont fondamentalement la même position et les mêmes droits. En outre, la procédure elle-même sera administrée par le comité exécutif du CIO, au sein duquel la République tchèque ne compte pas de représentant. »
Si, donc, son pouvoir et son potentiel d’influence sont limités sur l’échiquier olympique international, le ČOV n’entend pas rester les bras croisés pour autant. Et c’est pourquoi il souhaite présenter au CIO des arguments juridiques, fondés notamment sur la Charte olympique, sur la base desquels les athlètes russes et biélorusses ne pourraient pas être autorisés à participer aux Jeux. Et ce d’autant moins, comme l’a déjà rappelé le ministre tchèque des Affaires étrangères, que 70 % des sportifs russes sont des employés du ministère de la défense et, par conséquent, de facto des militaires. Une réalité que souligne également Jiří Kejval :
« Tant que l’armée russe est en guerre, le fait que les sportifs fassent partie de ses forces peut être contraire à la la Charte olympique. Il y aurait donc un obstacle juridique à la participation des soldats russes ou des employés du ministère russe de la défense aux JO. »
Dans une large mesure, ce sont toutefois surtout les vingt-huit fédérations internationales des sports inscrits au programme olympique, qui sont les seules autorités pouvant régir leurs compétitions, qui déterminent les conditions des participation aux JO. Or, si l’Europe ne permet pas aux sportifs russes de se qualifier, ces derniers pourraient décider de se tourner et de passer par l’Asie pour rejoindre Paris. Mais à en croire Jiří Kejval, c’est d’abord de la décision de World Athletics, la fédération internationale d’athlétisme, le sport roi aux JO, dont dépendra dans les prochains mois le sort des sportifs russes et biélorusses :
« Si ses dirigeants décident de ne pas réintégrer les athlètes russes, l’affaire sera réglée. Les Russes ne pourront pas participer aux compétitions et ne pourront donc pas se qualifier pour les Jeux. L’Europe est à l’unisson sur ce point, il n’y aura pas de place pour les Russes et les Biélorusses dans les qualifications. Malheureusement, nous avons des premiers signes qui laissent entendre que les choses sont moins évidentes ailleurs, par exemple du côté de la gymnastique ou de l’haltérophilie. »
En attendant d’en savoir davantage sur les décisions qui seront finalement prises au niveau des instances internationales, le ČOV a donc annoncé la création d’un groupe de travail composé de six experts en matière non seulement de questions sportives et olympiques, mais aussi de droit international et olympique et de relations diplomatiques.
Ce groupe indépendant sera dirigé par Michael Žantovský, ancien diplomate et ancien proche collaborateur du président Václav Havel. En sont membres également Petr Kolář, ancien ambassadeur tchèque aux États-Unis et en Russie notamment, un représentant du ministère des Affaires étrangères, un juriste, un sénateur ou encore Kateřina Emmons, ancienne championne olympique du tir à la carabine.
La première réunion de ce groupe d’experts est programmée dans le courant du mois de mars et l’objectif, selon le ČOV, au-delà même des Jeux de Paris, est de réunir suffisamment d’arguments pour faire en sorte d’empêcher à l’avenir les régimes dictatoriaux de continuer à se servir des JO pour faire leur propagande.